Les collabos du Loiret à la loupe

Roman Colas, jeune étudiant en histoire à l’université d’Orléans; consacre sa thèse à l’analyse des collaborateurs du Loiret avec cette question : comment devient-on collabo ? Il a livré des éléments de réponse le 31 janvier 2022 lors d’une conférence aux Archives du Loiret. L’occasion de dépoussiérer nos idées reçues sur cette période sombre de notre histoire.

par Sophie Deschamps 

Roman Colas, étudiant orléanais en histoire s’est penché sur la collaboration dans le Loiret. Photo Sophie Deschamps

On est tout d’abord soulagés d’apprendre que très peu de personnes ont fraternisé  avec l’ennemi durant la seconde guerre mondiale dans le Loiret et ailleurs. De plu,s leurs motivations sont très diverses. Ils n’étaient pas tous heureusement des nazis convaincus. 

Pour ses recherches le jeune étudiant s’est abondamment servi des documents assez nombreux conservés par les Archives du Loiret. Il s’est également appuyé sur les archives de la cour de Justice du Loiret, puisque celles-ci sont accessibles depuis seulement 2015, et bien sûr de la presse locale de l’époque.

290 collaborateurs étudiés de près

Parmi les 600 hommes et femmes jugées par la cour de justice du Loiret, Roman Colas en a retenu seulement 290 car il voulait absolument des Loitétain.es mais aussi des motivations clairement établies. 

Un travail de deux ans et demi qui lui a ensuite permis d’établir un profil type du “collaborateur” : Les deux tiers sont des hommes, entre 20 et 60 ans et ils habitent plutôt en ville.

Roman Colas s’est ensuite attaqué aux motivations. Il a ainsi dégagé six types de collaborations : délation (36%), policière (19%°), économique(15%),  politique (14%), économique (8%) amicale et sentimentale (7%) et enfin 1% d’inclassables.

Motivations politiques et/ou opportunistes

Les principales motivations sont donc sans surprise opportunistes ou politiques voire même les deux. Certaines personnalités sont clairement antisémites et encore plus anticommunistes mais il y a aussi la volonté de s’enrichir, d’améliorer sa vie quotidienne. C’est aussi l’occasion de pouvoir se venger d’une personne. Roman Colas cite alors le cas particuliers de quelques femmes qui “profitent” des Allemands pour se débarrasser de maris violents. 

La collaboratrice parfaite 

Même si elles sont beaucoup moins nombreuses que les hommes, des femmes s’engagent activement dans la collaboration à l’instar d’Huguette. Cette parisienne sans emploi est communiste depuis 1922 puis trotskyste en 1935. Pendant l’occupation elle vit chez la mère d’une amie, Denise, dans le Loiret. Lorsque celle-ci part à Leipzig, elle lui écrit des lettres accompagnées de dessins qui en disent long sur son état d’esprit. Elle est en fait anti-tout : antisémite, antialliée, anticommuniste, antiaméricaine, antitsiganes. Elle apprécie en revanche Hitler et Marcel Déat, homme politique socialiste important mais qui vire fasciste et fonde en 1941 le Rassemblement National Populaire. Huguette se radicalise peu à peu jusqu’à devenir fanatique et elle finit par rejoindre la Milice en 1944. À son procès elle expliquera avoir été traumatisée par l’exode et avoir hébergée un allemand “gentil”.

Le cas particulier de Guy Eymar

L’ histoire de Guy Eymarest est celle d’un retournement. Il est né en 1920 dans une famille aisée à Paris.  Anticommuniste comme beaucoup à cette époque, il s’engage dans la résistance en 1944 où il a assez vite de très hautes fonctions. Il recrute notamment des maquisards pour alimenter les maquis du Loiret, du Loir-et-Cher et de l’Yonne. Mais il est arrêté le 23 juin 1944 à Sully-sur-Loire par Pierre Lussac, l’un des premiers gestapistes français du Loiret. Interrogé à Orléans et terrorisé, il avoue très vite et dénonce de nombreuses personnes. Il donne aussi l’emplacement des maquis. Pour éviter la prison, il accepte alors de “travailler” pour les Allemands. Au total, il est responsable de 114 arrestations, 78 déportations et 40 décès en Allemagne. 

Deux grandes figures de la collaboration loirétaine 

Roman Colas a terminé sa conférence par l’évocation de deux collaborateurs en quête de fortune : Pierre Bourigault et Gérard Loiseleux.

Pierre Bourigault est né en 1919 à Paris. Il est arrêté plusieurs fois avant la guerre pour divers trafics et vols. Antisémite et prohitlérien, il voit dans la collaboration une occasion de s’enrichir. Il s’associe donc avec la Gestapo d’Orléans et fait la chasse aux juifs de la ville. Ce qui lui permet de dérober les objets de valeur au domicile des juifs arrêtés. On ignore en revanche s’il est mort en combattant à l’Est à la fin de la guerre ou s’il a réussi à se réfugier dans un autre pays.

Gérard Loiseleux est uniquement motivé par l’argent. Il intègre la Gestapo d’Orléans en 1943. Il se spécialise aussi dans le vol des biens juifs aux côtés de Pierre Bourigault. Mais dans un domicile juif, les deux “collabos” escrocs se disputent le butin et Gérard Loiseleux tire sur Pierre Bourigault mais il le rate. Son arme est confisquée mais il en vole une à un milicien. Dès lors, la Gestapo cherche à se débarrasser de lui. Ce qu’elle fait en avril 1944 lors d’un énième vol, il est arrêté, emprisonné puis déporté en Allemagne. À son retour, il déclare  avoir été déporté pour des motifs politiques. Il sera néanmoins jugé comme collaborateur.

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