Trois spectacles autour du cirque à la Scène nationale d’Orléans

Pour ces quinze jours de vacances scolaires , la Scène nationale d’Orléans propose du cirque, beaucoup de cirque. Deux spectacles donnés cette première semaine de congés scolaires semaine, Eclipse et les Aventures d’Hektor, et Time to tell la semaine prochaine. Ou plutôt des spectacles montés et joués par des circassiens, dans des formes et des inspirations différentes, même s’ils sont tous des solo d’acteur sans paroles sur une scène de théatre. Pour le bonheur des grands et des petits.

Par Bernard Cassat

Basile Narcy fait bouger toutes les lignes.

Un acteur acrobate

Eclipse tout d’abord. Basile Narcy est un acteur acrobate qui s’est énormément investi dans des spectacles de cirque moderne, et qui a co-fondé la formidable troupe Akoreacro, que l’on a pu voir récemment sous un chapiteau à la Charbonnière. Avec une équipe réduite mais très présente, il flirte pendant une heure avec la poésie alors que le cadre est nettement le travail de bureau. Visage lisse à la Superman, corps d’athlète qui lui permet des acrobaties simples mais impressionnantes, il s’éclipse constamment de son entreprise La page blanche, qui vend du papier sans recto ni verso ! Le moindre accessoire du décor pourtant très sobre devient l’objet d’un jeu physique, jonglage, acrobatie, mais surtout devient vecteur de poésie.

Un masque rudimentaire le transforme en singe malicieux, le papier froissé en boules devient balles de jonglerie, complétées par un grand balai qui dans un seul geste allie le point et la ligne pour un exercice de jonglage époustouflant. L’impeccable bruitage de presque chaque geste ajoute à la dimension onirique. Ces jeux avec la réalité atteignent un sommet lorsqu’il incline à l’oblique tout son bureau, tout le décor, lui même (et la salle!) compris. Et toute la séquence finale avec une roue cyr dessinant une marguerite sur le sol immaculé emmène ce spectacle dans la féerie pure. Avec une éclipse finale, prodigieuse.

On touche à une poésie proche de Jacques Tati, une transgression douce mais énergique qui tire du quotidien une magie réjouissante. Du très très grand spectacle qui marche pour tous les publics.

Hektor et son chiffon fétiche en pleine action… Photo Jeanne Roualet

Un burlesque moderne

Matias Pilet, lui, dans la même proximité avec le cirque, flirte plutôt avec le burlesque, ce cinéma muet où de grands noms ont produit tant de chefs d’œuvre comiques, Chaplin bien sûr, mais aussi Harold Lloyd ou Buster Keaton et tant d’autres. D’ailleurs le spectacle commence avec le cri du lion de la MGM ! Les Aventures d’Hektor racontent les difficultés du personnage avec des objets divers. Le décor est artificiel, on ne sait pas trop où l’on est et peu importe. Le pilier avec un bras qui trône au milieu de la scène devient un protagoniste envahissant et parfois agressif. Hektor va devoir le maîtriser, mais surtout jouer avec lui. Un chiffon rouge lui fait aussi des tours, et un fil blanc, petit serpent malicieux, va beaucoup l’agacer.

Sur cette grande scène de la salle Touchard dénuée de rideaux de coulisses, les aventures sont souvent des gros plans paradoxaux : un doigt qui s’enfonce dans un trou avec des conséquences catastrophiques, un petit chiffon qui danse, objet fétiche comme Charlot avait sa canne. Mais il y a aussi tout un dispositif d’accessoires réels ou projetés qui ouvrent la scène. Des images mauvaises comme les vielles pellicules agrandissent l’espace, qui dans la minute suivante peut se réduire à un rond de lumière sur le visage de Matias. Très gros travail scénique, donc, un solo avec une grosse machinerie derrière. Tout est parfaitement réglé, sauf peut être le rythme. Quelques longueurs auraient pu être coupées. Mais là aussi, tous les publics ont été conquis.

Et la semaine prochaine, ce sera le Time to tell de Martin Palisse,un jongleur qui parle, lui, et même beaucoup, puisque c’est l’heure de raconter sa vie et le monde. Une troisième expérience originale.

Tous les renseignements ici.