Orléans: la Scène nationale tricote du jazz régional

Jeudi soir à la Scène nationale, soirée Tricot. Un solo de saxo d’abord, en collaboration avec Sax’Ophonies. Ou plutôt un solo de saxophoniste, Quentin Biardeau. Qui s’entoure d’une musique électronique des sphères pour l’humaniser de son souffle. Et nous faire rêver. Puis le quartet de Roberto Negro avec son programme Papier Ciseau. Enfin un peu de jazz !

Par Bernard Cassat

Quentin installe d’abord un espace avec un ordinateur. On est tout à fait dans la lignée des Pierre Schaeffer ou Pierre Henry, ces gens qui ont beaucoup travaillé sur le bruit, que l’apparition des premiers synthétiseurs ont poussé vers des sons continus. Repris dans la décennie suivante par des groupes comme les Tangerine Dream, puis par des adeptes de la musique électronique. Ça plane sur des variations légères mais qui s’accumulent pour transformer l’ambiance de l’espace. Ce son là, on l’a déjà entendu. Mais Quentin introduit une voix, son saxo alto. Avec beaucoup de douceur.

Le souffle se glisse dans les sphères, se cache dans les strates de sons, pour s’affirmer et prendre le devant. Le souffle, c’est aussi l’humain, c’est la respiration, la musique du corps. Et même lorsque le musicien joue avec le bruit des touches de cuivre ou le voile de l’anche, le bruit qui nous parvient est construit, nous raconte l’aventure incroyable que l’improvisateur est en train de vivre, ici et maintenant, dans la musique. En nous entraînant à sa suite, évidemment, pendant près de trois quarts d’heure. Le temps reprend alors ses droits mais laisse flotter un délicieux brouillard d’ailleurs sonore qui stagne dans nos oreilles.

Roberto Negro et Emile Parisien. Photo Thomas Hennequin

Jusqu’à ce que Valentin sonne les cloches pour lancer le nouveau set du quartet de Roberto Negro pour Papier Ciseau, une musique enregistrée il y a plus de deux ans mais que la situation sanitaire a empêché de jouer en concert. Nous en rendions compte dans nos colonnes à sa sortie (lire ici ). Par rapport à l’enregistrement, les thèmes bien sûr sont toujours là, mais le live change la donne.

Le piano est moins leader, la basse de Valentin s’adoucit. L’équilibre du son n’est pas tout à fait le même. Il n’empêche que l’on rentre dans cette musique élaborée par Roberto, pianiste complet et parfois complexe, avec autant de bonheur. Lui aussi apprécie particulièrement certains courants de la musique contemporaine. Mais il met sa science au service du groupe, propose des mélodies fortes et riches que ses compagnons reprennent, ornent, commentent et s’approprient avec une facilité déconcertante. Michele Rabbia aux percus et tambours laisse son inventivité débordante parsemer les morceaux de bruits étranges et amusants, sans oublier la structure rigoureuse que son rôle de batteur doit apporter au quartet.

Valentin lui aussi rythme sans fléchir les morceaux mais va bien au-delà, discutant avec le piano ou s’envolant dans les interstices de la mélodie. Sa grande connaissance des arrangements lui permet une très grande liberté de commentaires. Ses phrases glissées l’air de rien pimentent magnifiquement le groupe. Quant à Emile Parisien, il apporte sa sonorité si reconnaissable, mais surtout son discours. Il était évident jeudi soir qu’il parlait, avec des sons bien sûr, mais aussi avec des gestes. On a l’impression qu’il discute avec lui-même, qu’il argumente avec chaleur, petit geste de main ou grand coup de pied, qu’il développe un raisonnement implacable jusqu’à ce que la musique capitule. Il bondit comme un gamin, rendant encore plus joyeuse cette musique déjà malicieuse au départ. Car Roberto, homme poétique derrière son sérieux, s’amuse lui aussi beaucoup sur ses claviers et dans ses compos.

Cette heure de Papier Ciseau a attendu deux ans pour venir se poser à Orléans. L’attente est délicieusement comblée.

Lire aussi: le grand orchestre du Tricot triomphe avec Constantine

Commentaires

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  1. Joliment écrit , ce qui permet d’entendre encore l’écho de la musique et de ses joueurs .

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