Chaumont-sur-Loire : pour ses 30 ans le Festival des Jardins questionne l’idéal

Ils ont été historiques, poétiques, pédagogiques, érotiques, biomimétiques… Cette année les jardins du Festival International tutoieront l’idéal. Un thème fort pour les 30 ans de ce grand rendez-vous annuel qui célèbre également les 15 ans du Centre d’Arts autour, une fois encore, d’un parterre unique d’artistes dont Davide Quayola qui a inauguré en avant-première le 5 mars la nouvelle Galerie Digitale avec sa création mondiale, Effets de Soir.

Par Estelle Boutheloup

Bleu 47°, une des œuvres sélectionnées pour le Concours de cette édition 2022, imaginée par N. Triboulot (artiste/designer) et A. Mermet-Gerlat (paysagiste). DR

« Pour ces 30 ans, nous avons voulu être prospectifs plutôt que rétrospectifs », annonce Chantal Colleu-Dumond, directrice du Domaine de Chaumont-sur-Loire (Loir-et-Cher). À l’heure où les paradigmes changent et où le rapport de l’homme à la nature évolue, la réflexion autour d’un jardin idéal est arrivée comme une évidence pour ce Festival 2022 : que peut-être un jardin ? « Une œuvre d’art ? Un potager nourricier, un espace thérapeutique, un lieu de culture biologique ? Le jardin idéal ne peut-il pas rassembler toutes nos attentes et nos exigences. Être à la fois beau, bon, bio réconfortant, réparateur, économe… ? » Questions auxquelles artistes et candidats du concours se sont penchés cette année.

19 jardins entre alchimie, hymne, symbiose, sanctuaire…

Cinq « Cartes Vertes » ont ainsi été données à de grandes personnalités, invitées du Domaine. Parmi lesquelles Inch Lim. Ce grand paysagiste de Malaisie s’inspire d’imprimés d’étoffes pour dessiner par exemple son Jardin du Batik. L’américaine Kathryn Gustafson, lauréate du Concours des Jardins de la Tour Eiffel en 2019, conçoit elle, le paysage en entrelaçant l’environnement physique, la culture, le climat et l’histoire d’un site pour relier le corps à l’âme et l’esprit à la terre. Ou encore Jean Mus, grand spécialiste du jardin méditerranéen dont il revisite le mythe. « Chaumont-sur-Loire et le Centre d’art et de Nature ont acquis une position forte et originale, portée au meilleur niveau », se réjouit François Bonneau, le président de la Région Centre-Val de Loire. Un concept spécifique qui a fait de Chaumont un Festival sans équivalence dans le monde avec 400 000 visiteurs en moyenne chaque année dont 30% de touristes étrangers.

Parallèlement, 19 Jardins seront réalisés par des architectes et paysagistes du monde métier. En écho à la latitude Nord de Chaumont-sur-Loire, Bleu 47° (France) sera un hymne au bleu (cobalt, céleste, céruléen, Klein…) et à l’optimisme qui prendra forme sous un tableau bleu et vert élaboré comme un vitrail, une mosaïque, façon pointillisme ou impressionnisme… Jardin d’Eaurmus (France et Afrique du Sud) révèlera un travail autour d’une alchimie et de l’Ormus. Cette substance maximise l’énergie vitale qui existe dans le sol et dans la nature. En Afrique du Sud, ce minéral sert à régénérer la terre en s’affranchissant des engrais et autres intrants nocifs.

Le Jardin de la Réciprocité (États-Unis) s’arrêtera, lui, sur l’interdépendance homme-nature, ce que l’on donne et ce que l’on reçoit. Un voyage vers un lieu de symbiose qui s’interrogera sur notre place dans la nature. Avec Acrobate, la République Tchèque imaginera le jardin idéal comme un jardin d’équilibre entre peines et joies. Quant à Une Graine d’Espoir (Royaume-Uni), ce jardin sensoriel sera un véritable sanctuaire pour insectes et fleurs sauvages, un hymne à la biodiversité à préserver comme une grainothèque. Des jardins qui seront dessinés par 150 personnes en plus des 13 jardiniers permanents du domaine (22 en été) entre le 15 février et le 15 avril selon une liste de 60 à 70 plants. « Nous avons souhaité une très grande diversité pour ces 30 ans, poursuit Chantal Colleu-Dumond. Avoir des jardins qui font réfléchir, avec beaucoup d’innovations et de créations. Nous aurons un festival toujours très vivant. Le jardin des 30 ans sera un jardin de l’espoir ».

Jardin de la Réciprocité (États-Unis), imaginé par J. Shinoda, E. Read et S. Lin (architectes-paysagistes). DR

Deux nouveaux espaces et un projet intellectuel

Cette édition 2022 du Festival verra par ailleurs l’ouverture de deux nouveaux espaces : La Terrasse sous les Arbres, une terrasse derrière le jardin du parc qui ouvrira dès avril ; et Le Bois des Chambres, le jardin de l’hôtel du Domaine, un jardin ressourçant au cœur de saules, plantes aquatiques, fruitiers, vergers et potagers qui accompagnera le futur hôtel de charme du site de la ferme Queneau, qui ouvrira cet été.

Plus encore ! Un projet intellectuel a également été initié, Les Conversations sous l’arbre. Comme sous un arbre à palabre, des invités du monde de l’art, de l’écologie, des jardins, des philosophes échangeront chaque mois autour de grands sujets. L’idée ? « Faire converser différents univers et se faire rencontrer des personnes qui ne se parlent jamais », explique Chantal Colleu-Dumond. Au final, trente entretiens seront ainsi diffusés en podcasts ou filmés. Ceux de Colline Serreau, Philippe Desbrosses et Dominique Wolton ont déjà été enregistrés.

Une riche programmation, mutidisciplinaire et multisensorielle, qui écrit un nouveau chapitre de cette « utopie artistique » dont « les 30 ans ouvrent une nouvelle ère », conclut François Bonneau.

Une : Effets de Soir, œuvre de Davide Cayola, en vision panoramique. Photo Estelle Boutheloup

Davide Quayola a créé un logiciel inédit capable de retranscrire ce que perçoit la technologie de la nature. Photo EB

Davide Quayola, l’impressionniste numérique

15 ans d’art contemporain, ça se fête ! Pour l’occasion, le Domaine de Chaumont-sur-Loire a inauguré le 5 mars en avant-première sa toute nouvelle Galerie Digitale installée au 3e niveau de l’aile est du château. Un espace de plus de 200 m2 sous charpente (2 millions d’euros de travaux) consacré à la création numérique autour de la nature. C’est Davide Quayola qui a lancé la saison avec son œuvre Effets de Soir, imaginée en résidence. Artiste à la frontière de l’histoire de l’art, de l’héritage des peintres impressionnistes et des techniques du numérique, il a développé un logiciel qui génère une typologie d’images inédites à partir de photos de fleurs prises la nuit : « Au départ, c’est un travail immersif d’observation de la nature comme le faisaient les impressionnistes comme Monet, explique l’artiste. Une nature retravaillée ensuite en utilisant la technologie comme de nouveaux yeux. Cette technologie va traduire ce qu’elle voit en datas, algorithmes et fonctions mathématiques qui vont guider et orchestrer le son et l’image, révélant une nouvelle esthétique, celle que l’homme ne peut pas voir. » Ainsi, quatre écrans panoramiques font naître des nuages de points comme des pixels qui viennent dessiner des motifs sur des notes de piano jusqu’à construire des toiles vivantes où le visiteur se trouve emporté comme dans des courants de couleurs et de matières : le souffle du vent dans les fleurs ? Le va-et-vient artistique d’un pinceau ? Sans doute les deux. Une œuvre magnifique qui touchera les émotions de celui qui accepte que la technologie embrasse la poésie impressionniste. EB

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