Plongée au cœur du théâtre de la Tête Noire à Saran # 1

MagCentre poursuit ses rencontres avec celles et ceux qui font théâtre. Aujourd’hui, Patrice Douchet, metteur en scène, directeur  artistique du Théâtre de la Tête Noire à Saran, évoque ses débuts dans le monde du spectacle vivant, ses  différentes missions, le label « Scène conventionnée d’intérêt national Art et création pour les écritures contemporaines » obtenu du Ministère en décembre 2020, et ses projets immédiats ou à plus long terme.

 

Propos recueillis par Bernard Thinat

 

Le 6 mars, Patrice Douchet est parti avec un minibus, à la frontière avec l’Ukraine, en compagnie de son ami, Jacques Courtès, comédien. L’objectif est double : apporter médicaments et produits de première nécessité, et ramener une ou deux familles ukrainiennes (femmes et enfants, les hommes restant en Ukraine) afin de les sortir de l’enfer. On peut les suivre sur la page Facebook de Patrice. L’interview qui suit a été réalisée avant l’invasion de l’Ukraine par l’armée russe.

https://www.facebook.com/patrice.douchet

 

MagCentre : Peux-tu revenir sur tes débuts dans le monde théâtral, les raisons qui t’ont amené à t’orienter vers le spectacle vivant ?

PD : J’ai l’impression d’y être entré par un canal particulier, celui du théâtre amateur teinté d’Agit-prop, comme on disait à l’époque. J’étais déjà engagé politiquement, sans pour autant adhérer à un parti, j’étais anti nucléaire, anti militariste, anti tout, ce qui ressemblait à la norme ! Le théâtre, je l’ai rencontré comme un outil au service  de mes idées, sous la forme d’un théâtre de rue, en prise avec l’actualité, réalisé rapidement et donc sans grand intérêt artistique. Puis des rencontres successives m’ont conduit à penser que c’était ce métier que j’avais envie de faire.

Comme j’étais enseignant, j’ai eu très tôt à faire un choix radical, et j’ai opté pour le théâtre, sans hésitation aucune. J’ai eu la chance d’être engagé pour un an par une compagnie, à la fois comme comédien et comme médiateur culturel. Conscient d’une nécessité de professionnalisation, j’ai ensuite suivi une formation à l’école de théâtre Charles-Dullin à Paris pendant deux ans. J’ai alors compris que mon désir, ce plaisir que je n’ai jamais perdu, n’était pas tant de jouer, mais d’écrire et de mettre en scène. J’ai donc écrit, beaucoup, des spectacles plus que des pièces de théâtre et aussi des textes en  périphérie du théâtre, éditos, billets d’humeur, chansons, journal. Les éditions Quartett ont édité ces écrits dans un livre intitulé « La Fabrique des instants précieux » toujours disponible en librairie. 

 

MagCentre : Tu écris des adaptations aussi ?

 

PD : Oui, j’ai adapté  des nouvelles et des  romans, certains comme « Océan Mer » d’Alessandro Baricco que je n’ai pas monté, mais dont l’adaptation est prête, des nouvelles, « lettre d’une inconnue » de Stefan Zweig, des  romans « Poil de Carotte » de Jules Renard , « Moderato Cantabile » de  Marguerite Duras… 

Je suis arrivé à Saran, et avec la confiance de la municipalité, nous avons construit l’histoire du « Théâtre  de la Tête Noire ». Le premier spectacle que j’ai mis en scène était une tragédie contemporaine de Claude Prin, « Erzebeth », avec une importante distribution et une ambitieuse scénographie, beaucoup de costumes. 

Je  ne suis jamais « sorti » du théâtre contemporain, que ce soit avec des écritures pour la jeunesse ou pour adultes. Cela a abouti en 2020 à  la labellisation de mon parcours par le ministère de la culture sous le terme « Ecritures contemporaines ». Je lis inlassablement, des essais, du théâtre, des romans, j’ai le sentiment d’avoir une triple journée, celle du directeur de théâtre, celle du metteur en scène et enfin celle du lecteur qui se glisse dans des fissures du temps, dans les interstices de journées bien remplies .

 

MagCentre : A quand remonte la création de la compagnie ? 

 

PD : Nous sommes arrivés ici dans la « Chapelle Vieille » (nom d’usage du lieu ) en mai 1981 (NDLR : date historique à tous points de vue) et la création du « Théâtre de la Tête Noire » remonte à 1985. Nous sommes partis de rien. Le lieu servait de local de rangement de matériel scolaire pour la mairie, il y avait encore l’orgue, la chaire… Tout en respectant le lieu, et avec l’aide de la ville, nous l’avons peu à peu aménagé, d’abord comme « un abri » selon le mot de Vilar désignant les théâtres d’Avignon, jusqu’aux grands travaux de rénovation de 2000/2001 où le théâtre a été fermé pendant un an au cours duquel nous avons créé hors les murs, notamment à la Scène Nationale.

 

MagCentre : Comment fonctionne le lieu d’un point de vue juridique ?

La salle de spectacle de la Tête Noire

PD : Il y a désormais deux associations distinctes. Comme je suis metteur en scène, l’Etat m’a conseillé de séparer mon travail artistique de ma fonction de directeur « labellisé » en créant ma compagnie qui s’appelle « La Tête Noire-la Cie  ». Mais je ne peux diriger ce théâtre qu’avec le regard d’un metteur en scène parce que c’est mon premier métier. Cette seconde et récente association résultant de la récente séparation juridique manque pour l’instant cruellement de moyens.  

 

MagCentre : Qu’est-ce que t’a apporté le label ?

 

PD : Il nous fait appartenir au cercle des 12 lieux labellisés de la Région Centre Val de Loire et au réseau national des SCIN. Nous avons une convention de quatre années basée sur mon projet artistique. C’est aussi une vraie reconnaissance pour les institutions et collectivités qui nous soutiennent, en premier lieu la ville de Saran qui méritait ce label sur son territoire car la municipalité  a toujours affirmé son soutien, une reconnaissance aussi pour le travail de tous les artistes qui ont participé à l’aventure, une reconnaissance enfin pour tous les permanents, celles et ceux qui sont encore là où celles et ceux qui nous ont quittés. En fait, c’est tout un échafaudage avec le petit drapeau du label au sommet. C’est ce label qui  doit servir à consolider financièrement les projets et à les rendre pérennes. 

Nous avons eu deux années difficiles à l’issue de l’ancienne convention, qui a pris fin en 2018, et jusqu’à l’obtention du label d’intérêt national en décembre 2020. Nous avons alors perdu beaucoup de moyens venant de l’état et de la région. Aujourd’hui l’enjeu, et il est urgent, consiste à retrouver ce qu’on a perdu entre la fin de la précédente convention et le début du label, soit pendant deux années. Pour l’instant, le label ne nous apporte pas de moyens supplémentaires dont on aurait pourtant besoin pour mener à bien le projet pour lequel nous avons candidaté et qui a été validé. 

 

(A suivre)

 

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