Expo : Lettres d’internés au Cercil à Orléans

Coup d’envoi ce 10 mai 2022 au Cercil-Musée Mémorial des enfants du Vel d’Hiv d’Orléans de l’exposition « C’est demain que nous partons » Lettres d’internés, du Vel d’Hiv à Auschwitz. Des documents émouvants mais aussi précieux pour l’Histoire et la compréhension de la Shoah.

par Sophie Deschamps 

Affiche de l’exposition du Cercil Musée mémorial des enfants du Vel d’Hiv “C’est demain que nous partons”. Photo Sophie Deschamps

Karen Taieb, responsable des archives du Mémorial de la Shoah de Paris était à Orléans ce 10 mai 2022 pour présenter l’exposition « C’est demain que nous partons.» Lettres d’internés, du Vel d’Hiv à Auschwitz dont elle partage le commissariat scientifique avec l’historien Tal Bruttmann, spécialiste de l’histoire de la Shoah. 

Cette exposition, visible avec des variantes dans trois lieux à la fois, Orléans, Paris et Drancy commémore les 80 ans de la Rafle du Vel d’Hiv des 16 et 17 juillet 1942, qui reste la plus grande rafle de juifs de la seconde guerre mondiale. Karen Taieb explique d’ailleurs d’emblée que « très peu de lettres sont sorties du Vel d’Hiv puisqu’à ce jour je n’en ai identifiées que 19 ».

Composée de 30 articles présentés sur des panneaux bleus dans la cour du Cercil, cette exposition très documentée et pédagogique met ainsi en avant près de 200 lettres manuscrites choisies parmi plus de 4000 : « Il nous semblait très important de donner à voir la matière. La lettre dit un certain nombre de choses évidemment mais quand on voit le morceau de papier sur lequel l’information est inscrite c’est tout à fait autre chose. On peut notamment percevoir les difficultés que l’interné a eu à écrire le texte. »

Des lettres de plus en plus sombres 

En premier lieu, il faut bien comprendre que durant la seconde guerre mondiale, le courrier reste le seul lien que les familles peuvent maintenir avec les détenu.es et les interné.es. Ces courriers ont plusieurs fonctions : rassurer et prévenir la famille de l’endroit où l’on se trouve. C’est aussi espérer de l’aide administrative pour être rapidement libéré.e. C’est aussi demander ce dont on manque… sans priver la famille. Et c’est enfin le moyen de dire adieu aux siens.

Car le contenu des lettres va évoluer au fil du temps. Elles seront bien sûr de plus en plus pessimistes lorsque l’espoir d’être libéré.e s’évanouit et celui d’être tué.e ou promis.e à un avenir sombre augmente avec notamment ce message déchirant qui donne son titre à l’exposition : « C’est demain que nous partons.»

Mais il n’était pas toujours possible d’écrire des lettres rappelle Karen Taieb : « Il y a tout d’abord un problème matériel, pour écrire il faut avoir de quoi écrire ». D’où la présence dans l’exposition de lettres écrites sur l’envers de la couverture d’un livre ou d’une ordonnance ou sur n’importe quel bout de papier. « Il y a aussi bien sûr la censure à l’intérieur du camp. On ne peut pas laisser sortir n’importe quelle information et cela prend du temps, ne serait-ce que celui de la fabrication des tampons de censure appliqué sur les courriers. La conséquence est que les familles n’ont pas tout de suite des nouvelles des personnes arrêtées et internées. »

Une censure qui sera toutefois contournée très rapidement : « Donner des nouvelles en profitant soit de la bienveillance d’un camarade libéré ou d’un personnel du camp qui accepte en prenant un risque de faire sortir ces lettres. C’est aussi le marché noir mis en place par les gendarmes, et là il faut payer de plus en plus cher au fil du temps.»

L’exposition a aussi le mérite de présenter la biographie de personnes connues ou inconnues : Irène Epstein-Némirovsky, Alphonse Joel, Alexis Masor ou bien encore la famille Berr dont la fille Hélène sera connue ensuite pour son journal : « On les a choisi en fonction de la correspondance, parfois importante mais pas toujours, qui était conservée dans les collections.»

Les lettres des convois

L’exposition s’achève par les messages souvent déchirants jetés depuis les wagons des 73 convois qui emmènent les internés vers l’horreur des camps d’extermination. Des lettres d’adieu bien souvent qui ne sont pas toujours parvenues à leur destinataires ou parfois des années après.

Karen Taieb, l’une des commissaires de l’expo “C’est demain que nous partons” devant le panneau des lettres jetées des convois. Photo Sophie Deschamps

Mais aussi incroyable que cela puisse paraître les déporté.es d’Auschwitz ont pu parfois envoyer ou recevoir une lettre. Sans doute pour éviter de créer la panique chez les juifs libres mais peut-être aussi et l’on reconnaît bien là la perversité des nazis pour récupérer des adresses et arrêter d’autres juifs. Ce qui expliquerait aussi que certain.es déporté.es aient volontairement donné de fausses adresses.

Visite guidée gratuite  ce samedi 14 mai 2022 de 18h à 19h dans le cadre de La Nuit européenne des musées

« C’est demain que nous partons » Lettres d’internés, du Vel d’Hiv à Auschwitz. Cercil-Musée Mémorial des enfants du Vel d’Hiv jusqu’au 29 janvier 2023 ainsi qu’au Mémorial de la Shoah de Paris et Drancy jusqu’au 22 décembre 2022.

Un catalogue de l’exposition orléanaise sera également disponible à la fin du mois 

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