“Créer un jardin de soins”, les secrets d’un jardin-guerrisseur

« Mains dans la terre, tête au vert ! » Plus aucun doute : jardiner est bon pour la santé. Et c’est encore plus vrai pour les personnes fragilisées par la maladie ou la vieillesse. Paule Lebay le sait d’expérience, elle a été infirmière pendant dix ans puis formatrice pendant cinq autres au Domaine de Chaumont-sur-Loire (Loir-et-Cher). Alors que les jardins thérapeutiques se développent, peu de littérature existe sur le sujet. Consultante auprès des personnels soignants, directeurs d’établissements et professionnels du jardinage, elle signe ce pas à pas pour proposer plus de vert dans les structures de soins.

Propos recueillis par Estelle Boutheloup

Paule Lebay a formé aux jardins de soin sur le Domaine de Chaumont-sur-Loire. Photos PL


Mag’Centre. Paule, vous venez de sortir ce tout nouveau guide, Créer un jardin de soins, chez Terre Vivante. Expliquez-nous ce qu’est un jardin de soins ?
Paule Lebay : Le jardin de soin est un jardin avant tout ! Avec deux-tiers de végétal et un tiers de minéral. Il se compose de vivant et d’aménagements adaptés au public – adultes, enfants, adolescents – qui va en bénéficier : personnes en burn-out, paraplégiques, porteurs de handicaps lourds, physiques ou cognitifs (autisme, trisomie, Alzheimer…). C’est un jardin qui vise à recréer un environnement, un cocon où se sentir entouré. Il est à distinguer de l’ « hortithérapie » dont le principe est d’utiliser le vivant comme médium à travers des activités qui vont y être menées par un soignant ou un professionnel du jardin ayant des aptitudes à prendre soin.

Les jardins de soins étaient déjà connus en Égypte sous l’Antiquité : les pharaons avaient pour habitude de marcher dans leurs jardins privés pour se maintenir en bonne santé. En Chine, les Taoïstes créaient des jardins et des serres dont la fréquentation était bénéfique sur la santé. Mais c’est avec Benjamin Rush, médecin américain de la fin du XVIIIe début XIXe que le nom « hortithérapie » apparait : il recourait au jardin de soins pour ses patients en psychiatrie.

Quels sont les bienfaits de ces jardins sur la santé ?
P.L. :
Ils vont être physiques, cognitifs et psychologiques et ce, dès que la personne entre en action avec le végétal : planter, désherber, s’occuper des plantes, manipuler l’outil… Le contact à la nature va diminuer le stress, l’anxiété, les problèmes cardiaques et de sommeil. Sur le plan cognitif, ils vont inciter à travailler la mémoire des noms, stimuler des recherches sur des plantes et enfin, offrir une dimension sociale et psychologique par l’action de cocréer en groupe.
Ces jardins de soin sont adaptés aux patients. Ils ne sont pas figés avec une végétation type. Il y a des grimpantes, des rampantes, des vivaces, des perpétuelles… Des végétaux structurants avec par exemple des repères visuels pour s’orienter dans l’espace. Un jardin comme à la maison mais avec des objectifs thérapeutiques. Pour les soignants, ces jardins offrent aussi un pause sur l’extérieur et en réduisant le stress, ils diminuent le surmenage et les risques d’erreur. Quant aux bénéfices pour les aidants et les familles, ces jardins sont l’occasion de redécouvrir leur proche dans une activité qui pourrait être du quotidien autre que le prisme de la maladie, ça revalorise le patient.

Qu’ils soient en EHPAD, hôpitaux de jour ou dans d’autres lieux d’accueil de personnes âgées, d’enfants et d’adolescents, les jardins de soins apaisent les patients, diminuent le stress au travail des soignants, et permettent aux aidants et familles de redécouvrir leur proche autrement que dans le prisme de la maladie. Photo Paule Lebay.

Que trouve t-on dans ce livre ?
P.L :
Je voulais créer un jardin de soins à l’EHPAD d’Onzain. J’ai été porteuse d’un projet complet. Je me suis appuyée sur cette expérience car ce n’est pas facile à construire un jardin de soins. J’ai donc écrit un pas à pas qui guide les soignants pour réaliser un jardin de soins de A à Z, accessible à tous et abordable financièrement. J’y aborde le vocabulaire commun, les différents courants de pensées, ce qui fait la spécificité de ces lieux, comment monter et financer un projet, constituer une équipe, quelles démarches faire auprès des mécènes, les postures de l’animateur… ?

Vendôme, Onzain, Chambray-lès-Tours sont des exemples de réalisations dans la région. Mais des jardins de soins se développent de plus en plus hors établissements de santé, pourquoi ?
P.L. :
D’une façon générale ces projets sont plutôt bien accueillis par les structures. Le problème c’est le budget qui manque. Il faut un suivi thérapeutique, un suivi du jardin, du temps pour que des équipes puissent construire leur projet et on ne leur donne pas. Résultat, des jardins se créent de façon extra-muros à travers, par exemple, des jardins de quartier repensés pour être plus inclusifs. Des soignants qui se mettent à leur compte par besoin de se remettre dans leur rôle avec leurs valeurs, de s’extraire du système de santé et de se remettre dans une vraie posture de soignant, sans bousculer les patients.
Enfin, dans le prolongement du livre, je vais organiser en septembre des conférences sur les jardins de soin et l’hortithérapie destinées aux étudiants, infirmiers et différentes écoles de la santé et du paysage pour préparer et sensibiliser les nouvelles générations qui seront demain sur le terrain.

Créer un jardin de soins. Ed. Terre vivante. 25 €.

Photo de Une Paule Lebay

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