Tous à St Etienne !

La 12e Biennale internationale design est une excellente occasion pour (re)visiter Saint-Etienne. La ville a su avec talent se renouveler après la fermeture de ses principales industries.

Par Bénédicte de Valicourt

L’immeuble One Station et le banc géant@BV

A « Sainté », dès le parvis de la charmante gare Châteaucreux, on plonge dans le XXIe siècle. En face, l’immeuble contemporain One Station tout en angles et rouge vif, donne le ton de ce nouveau quartier d’affaires de 53 hectares, qui a su s’inventer en beauté. C’est plutôt rare en France et cela mérite d’être souligné. Juste devant, un drôle de banc beaucoup plus grand que nature, attire l’œil lui aussi. Il a été conçu par des designers pour « Bancs d’essai », un concours de design dont la première édition a eu lieu en 2015. On peut se hisser dessus pour une petite pause ou plus simplement le tester, comme beaucoup d’autres équipements publics de cette ville laboratoire du design.

Ainsi du « plus petit gradin du monde », un édifice circulaire sur lequel on peut se poser pour discuter ou jouer. Il est sur la place Roannelle en plein centre, devant la Comète, le nouveau lieu culturel dernier cri de la ville, sis dans un bâtiment rénové, avec son resto, « Le Solar » et sa scène de jazz. Au hasard de vos déambulations, vous tomberez sûrement aussi sur l’un des tramways décorés par deux étudiants de l’Ecole supérieure d’art et design de Saint-Etienne, lauréats du concours « un tramway nommé design ».

La biennale

Mais revenons à la Biennale. Elle a été créé en 1978 par des étudiants des Beaux-Arts. Depuis le 6 avril, elle est installée partout dans la ville et bien au-delà en Auvergne Rhône Alpes. Et cette année, -c’est la première fois-, elle dure 4 mois, contre trois semaines auparavant. Ce qui nous mène jusqu’au 31 juillet. Une chance, car avec 111 expositions, 250 évènements, dont des concerts, 28 colloques et conférences, 235 designers exposés et l’Afrique comme invité d’honneur, il y a beaucoup de choses à voir ou à écouter. En ville, les commerçants ce sont eux aussi mis au goût du jour en décorant leurs vitrines aux couleurs de la biennale, le vert cette année.

Les expositions à voir à la Cité du design

Depuis 2007, l’ancienne Manufacture des armes de Saint-Etienne s’est transformée en haut lieu du design. Soit 20 hectares occupés par toutes sortes de tiers lieu, dont un espace de coworking, un « Centre des savoirs pour l’innovation » où se croisent universitaires et entreprises. Il y aussi deux restos, dont la Fabuleuse cantine zéro déchets (cf carnet de voyage ↓), un FabLab, « l’OpenFactory », où l’on peut réparer ses objets chaque deuxième samedi du mois ou en créer avec une fraiseuse numérique ou une découpeuse laser. En ce moment, avec sept expositions, c’est le cœur vibrant de la Biennale. Le thème de cette année 2022 ? Les Bifurcations. L’idée : explorer de nouvelles voies. Et changer nos habitudes dans l’habitat, l’automobile, l’habillement, la production culturelle et industrielle et l’apprentissage. Plutôt opportun par ces temps d’épuisement des ressources, de réchauffement climatique, de crise sanitaire et d’accroissement des inégalités.

Et la plus étonnante…

A ce propos, l’exposition peut-être la plus étonnante est celle de Mathilde Pellé, « Maison soustraire, à postériori ». Pendant deux mois, la designer-chercheuse indépendante au Deep Design Lab, studio intégré à la plateforme de recherche de la Cité du design, a retiré les 2/3 de la matière de 112 objets du quotidien d’un appartement de 38 mètres carrés dans lequel elle vivait. Pas évident de choisir quoi enlever ni de de repérer le moment où les objets devenaient inutilisables.

Dans la salle de bain Mathilde Pellé s’est attaqué aux carreaux. Elle a remplacé l’arrivée d’eau par un canal qui permet de remplir la baignoire avec un seau et un versoir. « Cela m’a permis d’observer les changements qui apparaissaient dans les formes, explique-t-elle. Mais aussi dans mon corps et dans la façon dont j’ai été capable de mettre en place des stratégies pour continuer à habiter cet espace domestique. Ainsi par exemple, le son dans la salle de bain. Il était complètement différent et du coup j’y ai vécu des moments beaucoup plus calmes que d’habitude». L’opération a donné lieu à la réalisation d’un film d’une heure et devrait faire l’objet d’un livre. C’est, en tout cas, le premier projet d’habitat expérimental qui peut intéresser les sciences humaines, les psychologues, les architectes… Mais c’est aussi pour la designer une aventure en soi.

Autre exposition remarquable : « Du sensoriel au Biomimétisme. Regard sur un avenir plus sensible et durable ». Elle interroge nos liens avec la nature et ce qu’elle peut nous apporter à travers plusieurs projets de biomimétisme. Il y a là de beaux modules de thermorégulation des bâtiments, des sortes de fleurs qui s’ouvrent et se ferment, qui imitent les processus mis en œuvre par la nature. Ou ce ciment biominéral, qui sans apport d’énergie dépasse en 5 jours les propriétés physiques du ciment standard. Il a été imaginé en s’inspirant du corail, cet organisme vivant capable de produire une structure minérale en combinant carbone et protéines.

Biomimetisme Biennale 2022 ©F.Roure IFR_0935

A côté, place aux Afriques contemporaines avec l’exposition « Singulier plurielles » qui invite à découvrir des pratiques de design en Afrique rurale et urbaine. Et aussi « dépliages. Corps/accord avec l’objet industriel », une exposition qui montre comment l’industrie a été obligé avec la pandémie de se repositionner sur des besoins vitaux, sociaux mais aussi sur des enjeux de bien-être et de santé.

Même chose pour la voiture («Autofiction, une biographie de l’objet automobile » ou la maison avec « At home », un panorama de nos vies domestiques qui interroge le besoin pressant de design pour répondre aux défis concrets de la maison dans toutes ses dimensions. Un petit détour dans la halle d’en face s’impose également. Y sont exposés entre autres, 28 prototypes imaginés dans le cadre de FABécole par des étudiants de l’école supérieure d’art et design de Saint-Etienne (Esadse) en collaboration avec des entreprises de la région. Celles-ci s’engagent à sélectionner trois projets, à les développer et à les produire. De quoi apprendre aux étudiants à se confronter avec les contraintes du métier mais aussi montrer aux entreprises ce que le design peut leur apporter.

Et pour les enfants, un détour par la Cabane du design et ses 4 ateliers -en pratique libre ou encadrée-, juste à côté de la Cité du design, s’impose !
www.biennale-design.com/saint-etienne/2022

 

Les expos ailleurs en ville

« En marge des fabriques » au Musée d’Art et d’Industrie, 2 place Louis Comte. Passementerie, cycle et armurerie. Le musée de St Etienne présente des objets hérités de l’histoire industrielle de la ville, dont la première bicyclette française. Mais pas seulement puisque qu’à l’occasion de la Biennale, le « Creux de l’Enfer », un Centre d’art contemporain de Thiers, a parsemé le parcours d’œuvres contemporaines, créés spécifiquement pour l’occasion. Cherchez l’erreur.

«Sub limis : l’héritage minier « rechargé » pour faire paysage autrement ». Couriot-Musée de la Mine, 3 bd maréchal Francher d’Esperey.

Vous n’avez jamais visité une mine de charbon, c’est l’occasion ou jamais d’y aller. De la salle des pendus, où les mineurs suspendaient leurs vêtements au plafond, au couloir par lequel ils passaient pour descendre dans le puits, à la salle de l’énergie, le lieu suinte l’émotion. Les étudiants de l’école nationale supérieure d’architecture de la ville, l’ont librement exploré et investi en détournant des affiches ou en nouant par exemple des dialogues entre les crassiers devenue partie intégrante du paysage de St Etienne et des amoncellements de déchets plastiques et autres débris de notre quotidien.

Aux alentours de St-Etienne

A ne rater sous aucun prétexte : la seconde plus grande réalisation dans le monde de Le Corbusier. C’est à Firminy, à dix minutes de Saint Etienne. L’ensemble comprend en plein milieu d’un quartier des années 50 à 70, édifié selon la Charte d’Athènes, une unité d’habitation aux rues multicolores, qui est toujours un lieu d’usage avec 80% de logements sociaux, une maison de la culture concave classée UNESCO et toujours en activité, comme le stade ressemblant à un amphithéâtre, et la piscine. Seule l’église en forme de cône culminant à 33 mètres, dont le chantier débuté en 1973 s’était interrompu en 1978, n’avait pas été achevée.

C’est désormais chose faite les travaux ayant repris de 2004 à 2006. Le rez-de chaussée est devenu un l’espace d’exposition, qui accueille jusqu’au 15 janvier 2023 « Le champ des possibles », une exposition de micro-architectures. La question initiale? Peut- on répondre dans 20 m2 à nos besoins ? Oui, répond Doppël Studio, un studio basé à Nevers. En partant du fameux Cabanon de Le Corbusier, ils ont imaginé 6 micro-habitats déposés au milieu des champs. Au passage n’oubliez pas non plus de visiter l’église à l’étage. Elle fonctionne encore et accueille tous les premier dimanche du mois un office assuré par un diacre Elle est incroyable avec sa nef à canons à lumière, typique de Le Corbusier. Ils miment la constellation d’Orion et laissent passer la lumière en faisceaux. C’est magique.. Elle a d’ailleurs été classée au titre des Monuments historiques en 2012 et labellisée « patrimoine du XXe siècle ».

www.sitelecorbusier.com

Et aussi :

– Promenez-vous dans les allées des halles Mazerat-Biltoki, choisissez des produits locaux, où attablez-vous autour d’une bière locale. Ici au 2,cours Victor Hugo c’est le dernier lieu où l’on cause à Sainté.

-Faites un tour au Musée d’art contemporain (MAMC+). C’est la plus grande collection d’art contemporain en France, après celle du Centre Pompidou. Rue Fernand Léger. Saint-Priest-en-Jarez. www.mamc.saint-etienne.fr

-N’oubliez pas de découvrir la galerie Ceysson & Bénétière, une galerie d’art moderne et contemporain privée qui a des antennes à Paris, New York, Genève, Luxembourg et Saint-Étienne. Elle s’est installée près de la Cité du design dans un ancien centre de formation aux métiers de l’industrie, rue des Aciéries. Le lieu est immense, avec des hauteurs sous plafond de 7 mètres. Également édition d’ouvrages et restaurant sur place (cf encadré).

-Visitez les ateliers de la chocolaterie Weiss fondés en 1882. C’est simple, c’est au 1, rue Eugène Weiss. www.weiss.fr/ateliers-weiss

-Promenez-vous dans la réserve naturelle des gorges de la Loire. 4000 hectares de nature, et des châteaux, comme celui d’Essalois sur son promontoire rocheux. www.gorgesdelaloire.com

-Et n’oubliez pas le Pilat, un parc régional à dix minutes du centre-ville. Pour une pause, on s’arrête à l’auberge à La Jasserie. www.pilat-tourisme.fr

Pour en savoir plus : www-stephanois-hors-cadre.fr.

Carnet de voyage

Où dormir ?

-A l’hôtel Continental, un ancien relais de poste de 1852 transformé récemment avec l’appui de la designer Pascaline de Glo de Besses dans le cadre de l’opération « Je participe à la rénovation de mon hôtel ». Chambres à partir de 59 euros pour une personne. N’hésitez pas à demander la chambre tout confort rénové par des designers. 10 rue François. www.hotelcontinental42.fr

-Résidence City Lofthotel ***, près des halles vers la place du Peuple. De longs couloirs dans lesquels on se perdrait presque, pour cet hôtel qui propose des studios et des appartements tout équipés. Ils ont été aménagés dans l’ancien magasin des “Nouvelles Galeries”, inscrit aux Monuments historiques. Malheureusement, il ne reste pas grand-chose des lieux d’origine, mais l’accueil est nickel. A partir de 102 euros environ pour deux personnes la nuit.

Où manger ?

A Saint-Etienne, les bonnes adresses pour bien manger sont légion.

-Restaurant Insens, Du fait maison et un accueil chaleureux pour ce restaurant qui a obtenu un Bib Gourmand au guide Michelin. 10 rue Lodi. Tél. : 04 77 32 34 34. Prix moyen 31-45 euros.
-Restaurant Madame. Cuisine inventive et expérience gustative où les poivres et les piments s’invitent au dessert, tandis que les sorbets s’agrémentent d’épices. Menu 19 euros à midi. Place Villeboeuf. Tél. : 04 77 95 55 20. www.restaurantmadame.fr
– Restaurant Chevalier Bistrot français, cuisine de bistrot raffinée. 40 rue Grenouillière. Tél. : 04 77 41 31 13. www.chevalierbistrot.fr

Et à midi

Le restaurant Beer Garden en centre-ville ; La Cantine végétarienne Numéro dix 100 % végétarienne ou le Bistrot de la galerie Ceysson Beynetière et ses produits frais de saison. Sans oublier La Fabuleuse Cantine à la cité du design qui achète des invendus alimentaires (bio et agriculture raisonnée). Et Le Solar, à La Comète, dont les produits locaux et de saison, sont majoritairement issus d’une agriculture bio et raisonnée, avec une attention toute particulière portée sur la réduction des déchets.

Bon à savoir : avec le Pass Biennale à 12 euros, vous avez droit à une journée de visite par site d’exposition de la Biennale y compris à Firminy. Et pour les moins de 26 ans c’est gratuit. www.billeterie.citedudesign.com

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