Vers un retour de la filière soie en Touraine ?

En inaugurant en mars dernier un conservatoire du mûrier au château d’Amboise, Arnaud Lebert a jeté les bases d’un projet ambitieux : replonger le visiteur dans l’histoire des manufactures royales de soieries en Touraine et faire du végétal une attractivité touristique et économique.

Par Estelle Boutheloup

Arnaud Lebert, à la tête de l’illustre Maison Roze, devant le conservatoire expérimental du mûrier.
Photo Estelle Boutheloup

« Au départ une lettre et une plume », annonce Marc Métay, directeur du château d’Amboise. Celles de Louis XI qui, par ordonnance du 12 mars 1470, envisageait l’installation à Tours d’une vingtaine de soyeux italiens arrivés à Lyon, pour s’affranchir de la soierie notamment de Chine et de l’Empire ottoman. Cinq siècles et demi plus tard, Arnaud Lebert, repreneur en 2018 de la Maison Roze, plus ancienne manufacture de soie française (1660), ressuscite l’esprit des mûriers de la cour d’Amboise en créant, en partenariat avec l’association Vivo Bene, un conservatoire de 2,7 hectares, visible depuis la partie supérieure de la terrasse de Naples.

« Un conservatoire pour rappeler l’origine et les grandes heures de la soierie en Val de Loire, où le mûrier était une plante emblématique qui poussait alors partout dans les propriétés. Une plante qui, aujourd’hui, doit être aussi un vecteur qui s’inscrive dans une démarche engagée de jardin remarquable et de préservation de la biodiversité. » Ainsi, depuis le printemps des dizaines de mûriers-blancs ont été plantés sur les 180 prévus d’ici 2023 en trouvant les variétés les plus adaptées au territoire. « Pour l’heure c’est un site expérimental de 3000 m² avant une extension prévue sur 150 ha pour un début de production en 2024 ou 2025. Il s’agit de la première étape d’un projet de valorisation et de restauration de la filière soie en Val de Loire », explique Arnaud Lebert, porteur du projet.

Un projet dans 25 châteaux

Car la démarche va bien au-delà. L’idée ? Faire du végétal un élément d’attractivité dans les châteaux du Val-de-Loire et un élément de développement économique. « Vingt-cinq au total, entre Orléans et Saumur, avec lesquels nous sommes engagés, précise Arnaud Lebert. Un conservatoire associé à un végétal : la tomate à la Bourdaisière, le chou à l’Abbaye de Fontevraud par exemple… L’idée est d’identifier les propriétés des végétaux et leurs co-produits pour en faire différentes filières de valorisation. » Ainsi, de la fibre de tomate pour tisser des vêtements, de la feuille de mûrier et de la séricine (exfoliant) pour des produits cosmétiques, ou encore du jus de mûres en alimentaire…

Jour de l’inauguration le 12 mars au château d’Amboise. De g. à d. François Bonneau (Président de la Région CVDL), Thierry Boutard (maire d’Amboise), Marc Métay, (directeur du château d’Amboise), Arnaud Lebert (repreneur de la Maison Roze) et Marc Bayard (Directeur du développement culturel au Mobilier national). Photo EB

Activité florissante aux XVe et XVIe siècles, la production de soie reste importante en Val de Loire jusqu’au XIXe siècle avec près de 700 000 pieds de mûrier plantés à Tours au milieu du XVIIIe siècle. De nombreuses magnaneries et manufactures tournent ainsi à plein régime grâce à la sériciculture pour produire de la soie locale jusqu’alors achetée auprès de commerçants lyonnais. Parmi les trois entreprises encore en activité au début du XXIe siècle, seule la Maison Roze perpétue encore aujourd’hui la tradition de la soierie tourangelle entre tissage de soieries et d’étoffes d’ameublement pour décorateurs, architectes d’intérieurs, tapissiers…
« Laine, lin, soie sont utilisés dans la décoration pour les palais de la République et les édifices publics en France et à l’étranger en motifs anciens ou contemporains dans les tapisseries, les textiles d’ameublement, les tapis, les rideaux, les soieries murales…, explique Marc Bayard, Directeur du développement culturel au Mobilier national. Mais aujourd’hui, la soie vient de Chine. Relocaliser des matières premières passe par la revitalisation des savoir-faire. C’est un vrai challenge. » Lequel n’excluant pas que l’État se fournisse à nouveau auprès de l’illustre maison.

Photo de Une Estelle Boutheloup.

Commentaires

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  1. Photo incomplète, pourquoi les jardiniers qui ont fait le travail n’y figurent pas ?

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