Jean-Louis Trintignant a bouleversé le public du CADO   

Charisme empli de pudeur, sagesse, fièvre, un sourire et sa morsure, une voix unique dont le timbre est celui d’une mélodie allant sans cesse à l’intime.  Jean-Louis Trintignant, acteur de cinéma, homme de théâtre, cinéaste et amoureux de la poésie, s’en est décédé, ce vendredi 17 juin, à Uzès, dans le Gard, à l’âge de 91 ans.  A Orléans, à l’invitation du CADO, Centre de Création National Orléans Loiret, alors dirigé par Jean-Claude Houdinière et Loïc Volard, également directeurs de Atelier Théâtre Actuel, cet artiste est merveilleusement monté sur la scène du Théâtre d’Orléans. Il le fit en s’emparant de l’écoute du public et en soulevant l’émotion. La plus douce. La plus grave. Que ce soit dans la célébration de poèmes. Ou dans ce « Love Letters » donné avec Anouk Aimée. 

Par Jean-Dominique Burtin.  

Par amour de Prévert, Vian et Desnos 

Le mardi 13 mai 2014, lors de la traditionnelle présentation aux abonnés de la saison du CADO, centre de création qu’ils ont fondé en le 15 janvier 1988, Jean-Claude Houdinière et Loïc Volard se livrent à un cérémonial chaleureux qui s’accompagne d’une passation de direction à Christophe Lidon, actuel directeur du CADO.  

La saison précédente, leur programmation intitulée « Sans fil rouge » leur permet d’inviter une nouvelle fois Jean-Louis Trintignant. Cette fois mis en scène par Gabor Rassov, le comédien dit, en compagnie de l’accordéoniste Daniel Mille et du violoncelliste Grégoire Korniluk, du 24 au 29 septembre 2013, salle Touchard, les textes de trois poètes libertaires du XXe, à savoir Prévert, Vian et Desnos. Un moment de pur éblouissement offert par une voix à l’écoute des moindres secrets et aspirations de la vie. Tout est très beau. Fragile. Pur et vibrant de discrétion. Un bonheur attendu.  

 Espoir déçu au Théâtre de Chartres 

Quelques années plus tard, Jean-Louis Trintignant, l’acteur de Z (Costa Gavras 1969), l’inoubliable interprète de Et dieu créa la femme aux côtés de Brigitte Bardot (Vadim 1956), de Amour avec Emmanuelle Riva (Michael Haneke en 2012), de Ma nuit chez Maud avec Marie-Christine Barrault (Romer 1969), de Le Train avec Romy Schneider (Pierre Granier-Deferre 1973), devait jouer à Chartres. Rendez-vous était annoncé pour le 30 mars 2016 où l’on aurait pu assister à la première du spectacle « Le bateau ivre, les poissons détestent les vendredis », de Denis Podalydès. L’acteur devait aussi se rendre le temps d’une soirée dans la cour d’honneur au festival d’Avignon. Toutefois, Jean-Louis Trintignant, à 85 ans, « est trop fatigué pour assurer la tournée » fera savoir le théâtre de Chartres.  Dans ce spectacle, accompagné par l’accordéoniste Daniel Mille, l’amoureux de la poésie devait se lancer avec Denis Podalydes, et Jacques Bonnaffé dans une « conversation à trois voix » sur les mots d’Arthur Rimbaud, Jules Laforgue, Guillaume Apollinaire, Vian, Desnos et Prévert. 

« Love Letters” en alchimie avec Anouk Aimée 

A Orléans, plusieurs temps après le décès de sa fille Marie, survenu le 1er août 2003, Jean-Louis Trintignant fait sa première apparition, déjà à l’invitation de Jean-Claude Houdinière et Loïc Volard, sur la scène du CADO. Le rendez-vous est lumineux et invite aux retrouvailles de l’acteur et d’Anouk Aimée, beaux interprètes de Un homme et une femme, film culte signé Claude Lelouch sorti en 1966. Tous deux se lancent, cette fois, dans l’interprétation de Love Letters. De fait, cette pièce, d’Albert Ramsdell Gurney mise en scène par Lars Schmidt, les deux interprètes l’ont interprétée dès 1991. Et c’est Atelier Théâtre Actuel qui la fait tourner. Cette œuvre, Anouk Aimée, au cours de sa carrière l’aura également jouée en compagnie de Philippe Noiret, Jacques Weber, Alain Delon, Bruno Crémer, Gérard Depardieu.  

A Orléans, l’interprétation est magistrale. Emplie d’une écoute intuitive entre les partenaires, elle laisse libre cours à la mécanique des sentiments. A tout instant la vérité est là, à fleur de parole.  

Simplicité profonde emplie de vérité 

 Peu avant cette représentation orléanaise, Michèle Grandamas, alors directrice adjointe du CADO, avait organisé une rencontre avec Jean-Louis Trintignant, dans un hôtel, place de l’Opéra à Paris. Pas question d’être en retard. D’autant que Jean-Louis Trintignant est déjà là, sur le trottoir, au milieu de la foule des passants, au pied de l’hôtel, pour attendre et guetter celui qui vient le rencontrer et dont il ne connait pas le visage. Un bonjour, quelques mots de présentation, un sourire et Jean-Louis Trintignant entraîne son interlocuteur de manière enthousiaste, attentive et chaleureuse, dans un salon de l’hôtel pour parler, avec infiniment de simplicité et de précision de son intérêt pour Love Letters, cette pièce qu’il va reprendre à Orléans. Aujourd’hui, Jean-Louis Trintignant, comme tant d’autres invités du CADO, à savoir et entre autres François Perrier, Michel Piccoli, Claude Rich, Benno Besson, Pierre Mondy, Michel Bouquet, Claude Brasseur, Michel  Galabru, Philippe Avron, Maurice Béjart, Gisèle Casadesus, nous laisse un grand vide dans le cœur. Et le souvenir d’une simplicité radieuse, celle d’une personne élégante témoignant de tous ses mots et de toutes ses forces de la profondeur et du sens de la vie.  

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