Outarville: Sur les Terres de Jim, dans les bottes de la Macronie

C’était l’évènement escompté à Outarville, dans le Loiret, ce vendredi 9 septembre. Si le Tour Vibration était prévu dans le cadre de « Terres de Jim », la plus grande fête agricole en plein air d’Europe, c’est aussi et surtout la visite officielle du Président de la République française qui a sur place créé du foin.

Par Émilie Rencien

Il semble se passer quelque chose, quelqu’un arrive … © Émilie RENCIEN

Amir ? Shy’m ? Bob Sinclar ? Presque oubliés en pleine moisson les invités du Tour Vibration le 9 septembre à Outarville, petite commune du fin fond du Loiret comptant moins de 1 500 âmes en rive de l’Eure-et-Loir, car tous les esprits, ou quasi, n’avaient que deux patronymes sur les lèvres ce vendredi-ci en plein champ, sur le site Innov’Agri : la reine Elizabeth II et sa récente disparition. Et… un bien vivant, Emmanuel Macron. Son ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire, le loir-et-chérien Marc Fesneau (Modem), avait confirmé cette venue en Centre-Val de Loire, une semaine auparavant aux médias dans un lycée horticole pour la rentrée à Blois (41). « Il fera des annonces, » avait indiqué ce dernier en guise de teasing.

Un Président donc sur les « Terres de Jim », en Beauce cette fois. Il s’agit d’un événement annuel d’ampleur en plein air, à l’initiative des Jeunes Agriculteurs; cette vitrine du monde agricole existe depuis 2014 (précédemment dénommé finale nationale de labour) et avait cette année choisi de poser ses roues de tracteurs dans le Loiret ((en 2020, la manifestation était organisée près du Puy-en-Velay ; en 2021, en Provence, etc. ndrl). À Outarville, pendant trois jours, du 9 au 11 septembre, plus de 100 000 personnes ont ainsi découvert sur 55 hectares des compétitions de sports mécaniques, des expositions de matériel, des démonstrations végétales et animales, un village des producteurs français, un labyrinthe géant, un espace enfants, une compétition de labour, une locomotive vintage, ainsi que des soirées concerts de musiques actuelles. « C’était plus calme l’an passé, » aura souri un badaud face à la foule amassée, en blaguant, « Il vient en hélico ou en char à voile ? », pendant que d’autres agriculteurs s’amusaient en attendant l’arrivée présidentielle, à trouver des jeux de mots combinant “Marc Fesneau” et « pipeau », ou bien à rêver d’annonces gouvernementales pécuniaires à six chiffres sous un ciel de moral en berne et de sécheresse.

Reporters acceptés dans le pré

Petit aparté, quid de la presse locale ? L’amour médiatique dans le pré ? C’est le nerf de la guerre à chaque « VO » (comprenez dans le jargon étatique, visite officielle), pour ne pas dire la galère, le Président Macron aimant donner la priorité à nos confrères nationaux dès le début de son premier quinquennat. La préfecture du Loiret, il se murmurait, avait réalisé un forcing pour l’accueil d’un maximum de journalistes locaux et régionaux sur ce déplacement. Il nous est en effet arrivé plusieurs fois de ne pas obtenir d’accréditation. Hormis Chambord et les 500 ans du Centre-Val de Loire en 2019, nous avons tenté notre chance à chaque fois dans le Loir-et-Cher mais également dans le Cher. En vain.

Emmnanuel Macron pendant sa prise de parole devant le monde agricole à Outarville. © Émilie RENCIEN

Alors peu ou plus de cris d’orfraie, nous connaissons à force le système par cœur. Sur cette invitation du 9 septembre 2022, tout était en rouge et surtout « poolé », c’est-à-dire uniquement accessible à un petit groupe de journalistes dans le « pool », ce petit cercle Saint-Graal très sélect, identifié à Outarville par un brassard jaune autorisant à suivre tout le programme dans son intégralité, sans attente ni mise à l’écart. Et de fait permettant d’obtenir sons, confidences aux premières loges, images de choix. Comme d’habitude. Joueurs, nous avons tout de même une ixième fois rempli le formulaire de l’Élysée et ô surprise, pour une fois, nous avons été admis, contre toute attente, en tant que rédacteur ! C’est peut-être pour ça qu’il sera tombé des cordes après le départ d’Emmanuel Macron, rendant le site des Terres de Jim boueux, glissant et périlleux autant pour les chaussures que les voitures. « D’habitude, c’était plutôt François Hollande qui déclenchait une telle météo, » aura ironisé un photographe.

L’assurance-récolte accordée

Et donc, avec notre calepin sur le terrain, que retenir de l’accueil de cet invité de marque pendant près de 5 heures ? Le bonheur politique dans le pré ? Déception, Emmanuel Macron, arrivé en retard, vers 14 heures passées, était venu sans bottes mais les bras joyeusement chargés de mesures autour de quatre piliers. Alors même que personne n’y croyait, y compris côté presse, malgré des enjeux nombreux : dérèglement climatique, la moitié des agriculteurs à la retraite d’ici 2030, accès à l’eau, etc. Le charme de la campagne aura finalement opéré : Christiane Lambert, à la tête de la FNSEA (Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles), était particulièrement rayonnante, juste après un échange à huis clos, hors médias, avec le Président.

L’assurance-récolte esquissée l’an dernier, et tant attendue par les agriculteurs, c’est okay. « Six cent millions d’euros par an, pendant trois ans, » a-t-elle révélé en primeur. Emmanuel Macron a quelques minutes plus tard confirmé cet engagement chiffré, ainsi qu’un seuil d’indemnisation à 20% de pertes, pour mieux protéger les agriculteurs face aux risques climatiques. « On va essayer de simplifier les règles, et de tenir, ce que j’ai compris comme étant ce sacro-saint 20, 70, 90. Et de permettre, y compris aux filières qui étaient à 25% sur la franchise, d’aller aux 20% pour créer un appel d’air et une vraie attractivité de ce système d’assurance », a-t-il assuré sur une estrade entouré de lycéens agricoles de Montargis.

Le Président a en sus fixé d’autres caps dans le but de sceller un “pacte d’avenir” dans les six prochains mois. C’est-à-dire améliorer la transmission entre anciennes et nouvelles générations ; mettre en place un fonds entrepreneur du vivant (doté de 400 M€) pour épauler la reprise d’exploitations par des jeunes, pour l’investissement foncier et l’agriculture de demain ; consolider l’enseignement agricole via un fonds de soutien (20 M€ investis dans la formation) et un réseau d’incubateur agricole ; développer des outils d’adaptation et pour le climat avec les Chambres consulaires.

Avant la bise à Jim, une bouée Duralex

« La situation, moi, me préoccupe, je ne suis pas là pour dire que tout va bien, » a martelé M. Macron. « Garantir notre souveraineté agricole et alimentaire, c’est la mère des batailles. Il nous faut tenir bon. Nous allons notamment contribuer à une PAC (Politique Agricole Commune) ambitieuse. (…) Tout le monde veut bien manger ; si le consommateur aussi n’accepte pas le fait que l’alimentation a un coût, il condamne nos producteurs à fermer et à nous réveiller groggy dans 10 ou 20 ans.» Il n’aura pas inclus dans ce verset l’inflation galopante et les hausses à venir sur le ticket de caisse … Il se sera contenté de placer un produit, ou plutôt un supermarché. « Lidl m’a par exemple dit s’engager sur le lait, » a souligné le Président, avant de partir vers 19h des « Terres de Jim ».

Et sinon, c’est qui ce Jim au fait ? C’est tout bonnement la mignonne mascotte à la salopette bleue, au t-shirt vert, aux bouclettes d’or parsemées d’épis de blé (un garçon, bon… et pourquoi pas une fille après tout?). Selon les organisateurs, « son nom, Jim Bataille, évoque à la fois le courage et la liberté. Il véhicule plusieurs valeurs dont la défense du bon, de l’avenir, de la qualité, de la solidarité… ». L’histoire ne raconte pas ce qu’il aura exactement murmuré à l’oreille de la Macronie le 9 septembre lors de la photo souvenir, entre deux stands d’abondance visités, garnis de rhum, de vanille et de camembert de Normandie. Pour l’ancien ministre Jean-Pierre Sueur (PS), personne n’ignore par contre ce qu’il a exprimé à l’Élysée : le sénateur du Loiret a tweeté « pour Duralex ». La verrerie mettra en sommeil pendant quatre mois dès le 1er novembre son activité, prise dans la tourmente énergétique et ses prix inhérents intenables. L’élu a confirmé par conséquent avoir remis en compagnie de la députée LREM de la 2e circonscription loirétaine, Caroline Janvier ; le président PS de la région Centre-Val de Loire, François Bonneau ; et Marc Gaudet, président UDi du Département 45, « une lettre à Emmanuel Macron, également signée par Serge Grouard (maire LR d’Orléans), pour l’alerter sur la nécessité absolue de sauver l’entreprise Duralex de La Chapelle Saint-Mesmin ! ».

À suivre.

 

Commentaires

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  1. Et donc rien de neuf sous le soleil de Beauce : l’agrobisness continue de murmurer à l’oreille des pouvoirs politiques la conduite à mener ; cela fait 60 ans que cela dure , avec les brillantissimes résultats que l’on connaît sur la santé , l’autonomie alimentaire , l’emploi , la biodiversité et le climat …

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