La vie de Joan, son imagination ?

Laurent Larivière, brillant scénariste avant d’être réalisateur, fait raconter par son personnage Joan des histoires qui construisent sa vie. Dans un travail assez littéraire, et ou la littérature a sa place, il nous emmène dans une succession de films dans le film. Et tous sont attachants, surtout menés par cette grande comédienne qu’est Isabelle Huppert.

Par Bernard Cassat

Isabelle Huppert et Swann Arlaud, mère et fils dans A propos de Joan. Photo Gifted Films West et Blinder Films

Elle s’appelle Joan. Ça se prononce Jaune et surtout pas Johan, explique-t-elle directement à la caméra. Et le film s’enclenche ainsi, sur une parole. Les images vont suivre, bien sûr. Notamment celles d’un homme qui la suit dans les rues désertes de Paris. Elle le piège et découvre que c’est Doug, son premier amour. Après une discussion dans un bistrot, dans le temps présent, le film passe assez vite de la narration du passé au flash-back, autre manière de raconter. Au volant de sa Mini Cooper alors qu’elle part dans sa maison de campagne, elle s’adresse directement à la caméra. Tout au long du film, le procédé narratif passera de la parole à l’image. Avoir revu Doug a provoqué chez elle une remontée de souvenirs qui font faire le corps du film.

Sa rencontre première avec lui, pickpocket irlandais qui va devenir le père de son enfant. Elle est alors jeune fille au pair en Irlande, interprétée par Freya Mavor. Scène d’abord déroutante, mais on saisit vite la transposition. Doug et elle vivent une belle histoire d’amour. Beau cinéma en Irlande, dans les pubs et dans des paysages magnifiques. Petit film dans le film qui se termine mal. Elle s’essaye aussi au vol dans les poches de passants et se fait prendre. Retour chez les parents ! Où naîtra le fils de Doug, qui ne le saura pas.

Suit un deuxième petit film, une deuxième histoire, celle de sa mère, l’incroyable Florence Loiret-Caille, une histoire pleine de pieuvres et d’attirances orientales. Qui elle aussi se terminera mal, par le départ de la mère au Japon.

Joan et son amant Tim joué par Lars Eidinger. Photo Gifted Films West et Blinder Films

Et les histoire s’enchaînent ainsi, celle de son fils, celle d’une relation amoureuse étrange avec un écrivain allemand, mi Fassbinder, mi Houellebeck. Il l’aime, mais elle peut être pas, on ne sait pas trop. D’ailleurs plus on avance dans les histoires, moins on sait ce qui est « vrai ». Au fond, il est possible qu’elle invente tout. Elle est éditrice reconnue, donc manie la fiction avec dextérité.

La puissance de la fiction

Sur cette incertitude, Laurent Larivière s’amuse constamment à un jeu de pistes. Il tisse son film avec des bouts d’histoires vécues et des bouts d’histoires inventées, le tout étant inventé, puisque c’est de la fiction. Réalisateur tout autant que scénariste, il ficelle sa narration si bien que l’on se fait prendre. Toute l’histoire de son fils, à différents moments de son existence mais notamment lorsqu’il est un adulte interprété par Swan Arlaud, fonctionne parfaitement. Chaque histoire est suffisamment prenante pour qu’on n’ait pas envie qu’elle finisse, et surtout qu’elle se révèle fausse, seulement sortie de l’imagination de Joan, dont le personnage prend tout l’espace du film. Isabelle Huppert y est comme toujours totalement naturelle et royale. Pourtant, les scénarios qui impliquent plusieurs ages pour un même acteur sont délicats. Elle s’en sort magnifiquement, en grande manipulatrice des diverses fictions qui embobinent le spectateur. Alors que son personnage n’est pas toujours très sympathique, on la suit dans les méandres dont elle est la trame même. Belle performance d’actrice dans une belle démonstration de la puissance de l’imagination.

 

A propos de Joan

Scénario : Laurent Larivière, François Decodts

Réalisation : Laurent Larivière

Interprétation : Isabelle Huppert, Freya Mavor, Stanley Townsend, Lars Eidinger, Swann Arlaud, Florence Loiret-Caille

Musique Jerôme Rebotier

Directrice photo : Céline Bozon

 

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