Plaidoyer pour la justice

Dans le cadre d’une guerre de séparation entre parents et probablement au nom de l’intérêt supérieur de l’enfant, une fillette de trois ans a été provisoirement placée en famille d’accueil. Révoltée et meurtrie par la privation de son enfant, la maman a alerté les médias qui dénoncent un abusif dysfonctionnement de l’appareil judiciaire et des services sociaux. 

Par Jean-Paul Briand

Peinture de Lovis Corinth

Un couple se déchire. Une enfant, otage du conflit parental, a peut-être subi des violences sexuelles du père. Chaque jour, ce type de situation encombre les faits divers des journaux et les tribunaux. Il faut écouter et croire les paroles des agressées mais l’intensité de l’écho médiatique qu’elles peuvent déclencher ne peut contraindre les décisions de la justice en la matière. Pendant de trop nombreuses années la presse a négligé les affaires de violence conjugale. Aujourd’hui elle semble vouloir se racheter en prenant fait et cause pour la souffrance des victimes, quitte à instrumentaliser l’émotion suscitée. L’identification à une mère, à qui on a retiré son enfant, engendre forcément une profonde indignation. Afin d’examiner ce type d’affaire, complexe et délicate, les juges ont besoin de sérénité.

Un magistrat ne peut favoriser un justiciable qui l’émeut

La justice a pour mission de sanctionner les coupables de faits délictueux, de protéger la société et d’apaiser les tensions sociales en arbitrant les litiges selon des règles prédéfinies. Elle doit être impartiale et préserver les droits de la défense et la présomption d’innocence. Tout ce qui se décide en justice doit obéir à la norme judiciaire et non à la pression politico-médiatique, aux mouvements sociaux partisans ou à une opinion publique bouleversée. Le juge est obligé de bâtir son action sur la raison et le droit en se rappelant, comme l’affirmait Oscar Wilde, que « l’émotion nous égare ». Les émotions varient selon notre histoire intime, notre culture et l’époque. C’est une construction socioculturelle fluctuante. Un magistrat ne peut favoriser un justiciable qui l’émeut, ou faire preuve de complaisance, voire de connivence, en laissant parler ses émotions avant le droit. Il faut accepter qu’un juge contrôle ses affects ou les gère en les articulant avec la raison et le formalisme juridique.

La justice a besoin de temps pour statuer

La décision de justice envoie un message qui peut heurter l’opinion publique. Cette dernière est porteuse de valeurs et de revendications subjectives. Afin d’augmenter la confiance du public en son endroit, un magistrat ne peut pas céder aux injonctions des foules et compromettre son indépendance au risque d’un populisme juridique. Les décisions de justice doivent être protégées des certitudes de la population. Dans le déchirant conflit familial décrit, l’opinion publique a embrassé la révolte et la souffrance de la mère. Les précautions prises par le juge, avant de statuer pour la garde de la fillette, sont imprudemment considérées comme une injustice oppressive et une offense supplémentaire infligée à la maman. La justice a besoin de temps pour statuer.

Le concept d’aliénation parentale est une aberration pseudo-scientifique

Richard A. Gardner

La dramaturgie du conflit conjugal cité est accentuée par des mouvements sociaux qui ont mis en place une pétition concernant les manipulations des violents conjugaux dans le système judiciaire. Cette pétition dénonce une stratégie usuelle des agresseurs et de leurs défenseurs qui « consiste à accuser la victime d’aliénation parentale afin de discréditer la mère dans les procédures de garde d’enfants ». Dans les années 1980, un « syndrome d’aliénation parentale » (SAP) a été conceptualisé par un pédopsychiatre américain, Richard A. Gardner, afin d’éviter la condamnation de pédophiles. Ce SAP lui a permis de gagner sa vie comme expert auprès de pères accusés d’inceste sur leurs enfants en retournant la plainte contre les mères, accusées de manipuler leurs enfants. Gardner décrit son SAP comme un « trouble de l’enfance qui survient presque exclusivement en contexte de disputes concernant la garde de l’enfant. Sa principale manifestation consiste en une campagne de dénigrement injustifiée, menée par l’enfant contre un des deux parents. Cette situation résulte de l’endoctrinement de l’enfant par un parent qui use de stratégies de programmation (lavage de cerveau), combiné aux contributions de l’enfant lui-même, à l’avilissement du parent visé ». D’après Gardner, au cours d’une séparation d’un couple si un enfant accuse le père de viol, il faut y voir le signe, chez la mère et chez l’enfant, aliéné par sa mère, d’une manipulation calomnieuse contre le père. Ce concept, qui conduit à décrédibiliser la parole de la mère et de l’enfant, a été rejeté par la communauté scientifique et n’a été accepté dans aucune classification médicale mondiale comme le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM) ou le répertoire de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS). Malheureusement le SAP, enseigné dans les écoles de magistrature, a été largement utilisé par des experts dans les tribunaux. Dans le 5ème Plan de lutte et de mobilisation contre toutes les violences faites aux femmes il est enfin recommandé (action 58, page 41) d’« informer sur le caractère médicalement infondé du syndrome d’aliénation parentale ». Le concept d’aliénation parentale est une aberration pseudo-scientifique.

La France consacre toujours aussi peu d’argent à sa justice

Pour que la justice puisse s’exercer sans prénotion, il faut une formation appropriée pour les magistrats, du temps et des moyens. Malheureusement, la France consacre toujours aussi peu d’argent à sa justice qui croule sous les piles de dossiers. Cette carence engendre des délais déraisonnables et des procédures ressenties comme bâclées et inéquitables par les justiciables. En 2018, selon le rapport de la commission européenne pour l’efficacité de la justice (Cepej), la France dépensait pour sa justice 69,50 euros par habitant, l’Espagne 92, les Pays-Bas 120, l’Autriche 125 et l’Allemagne 131. La défiance grandissante envers l’appareil judiciaire, les accusations outrées de dysfonctionnements et d’incompétence trouvent là leur principale origine qui doit être dénoncée.

Commentaires

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  1. Les enfants trinquent toujours !
    La Justice Française 37ème sur 43 pays européens ?!
    La Réalité des services judiciaires en France depuis + de 20 années.
    La France n’est plus un état de droit c’est un Pandémonium et ce n’est pas un euphémisme = Albert Eisntein disait ” On ne règle pas les problèmes avec ceux qui les ont créés ” !
    Le système judiciaire n’est pas à la hauteur, les JAF et aussi les JDE, pas à blâmer directement car le problème est double (je m’en tiens à deux) :
    – des parents paranos, menteurs, prêts à tout jusqu’à risquer l’article 226.10 du code pénal !
    – les “assistantes judiciaires”, certaines assistantes sociales, des structures type AEMO, enquêtrices soi-disant judiciaires (dont je me pose des questions quant à leur instruction, intelligence, formation), etc.
    Et ces personnes font des rapports qui remontent aux juges et ces gens là, Mesdames, Messieurs, prennent le parti de la femme ou de l’homme selon des critères qui m’échappent, rien de factuel car c’est le plus charmant et souvent le menteur qui l’emporte, au détriment de l’enfant ; plus c’est gros, mieux ça passe !
    J’ai mis au féminin car il y a peu d’hommes dans ces métiers et ces dames manquent souvent de recul (les hommes sont peut-être plus froids mais beaucoup plus neutres, ils en manquent dans ces métiers !).
    Souvent les juges se basent sur ces rapports de personnes qui ne savent pas gérer, ni enquêter, qui inventent (mais oui) ou transforment, ah si vous connaissiez les coulisses !
    Ils ne faut pas les contrarier et les mettre devant l’évidence, elles veulent maîtriser. Il ne faut pas être sincères mais en étant fourbes ça marchent, d’où des rapports tronqués, truqués, à charge.
    Elles ne savent pas travailler, elles altèrent ; elles font la pluie et le beau temps en racontant des balivernes, que cela détruisent une famille ne les gênent pas, ce qui est important pour ces inquêteurs et consorts, c’est de pérenniser leur emploi !
    Bien sûr, quand les affaires traînent en longueur et prennent de l’ampleur, elles se frottent les mains et font tout pour cela ; plus (+) de crédit pour les associations concernées, ce devrait être efficace et actif, c’est un monstre qui s’engraisse. C’est le contribuable qui paie !
    Métaphore : une épine dans le doigt, on vous coupe la main, si vous ne vous couchez pas, on vous coupe le bras, jusqu’à votre destruction si nécessaire !
    J’ai vu des policiers de la brigade des mineurs travailler, c’est autre chose, de vrais professionnels, je vais savoir bientôt si le procureur et juges sont à la hauteur car je suis en train de suivre une affaire dont des enfants sont les premières victimes (l’un d’entre eux a fait des tentatives de suicides, bravo enquêtrices et JAF, un rappel 37ème sur 43 en Europe) !
    Avec un coauteur, j’ai fait un manuscrit en partant d’une histoire vraie, sur ce sujet. Une publication est encore envisagée et monter chez les médias pour essayer de mettre fin à des injustices et scandales !
    Si je vous dis, jalousie et méchanceté chez ces gens là me croirez-vous, c’est terrible femmes contre une parente même innocente et bonne mère ; et se servir de la part de ces gens là des enfants contre d’autres enfants de la même famille, mais c’est l’horreur absolu !
    Où est l’honneur, quel intérêt, le bonheur des enfants n’est-il pas primordial.
    Des assistantes sociales, ils y en a d’excellentes et pour le reste sur une quantité de personnes, une seule a sur le sujet de mon enquête la capacité de travailler car neutre (l’enfant d’abord) !
    Chez le ou bureau du procureur, c’est tout l’un ou l’autre : très réactif et rapide (parfois avec précipitation coupable) ou alors une lenteur excessive (tout aussi coupable), surtout dans un cas comme l’autre, s’il s’agit de l’avenir d’enfants !

  2. Voilà un éclairage qui dérange récessairement bien des certitudes, mais c’est un éclairage mesuré de l’ensemble des compartiments de ce problème majeur des “placements”. Merci à son auteur.

  3. Bonjour Monsieur BRIAND,
    Je suis surprise que vous fassiez un article sur cette affaire sans prendre connaissance des pièces du dossier, ni-même entendre les diverses parties.
    Je me tiens à votre disposition si vous souhaitez réaliser un travail d’enquête.
    Pauline BOURGOIN

  4. Réduire un cas de violences conjugales et dé suspicion de violences incestueuses sur une petite de 2 ans 1/2 c’est peut être un peu léger non?
    Y’a encore du boulot !
    Je vous conseille de vous pencher sérieusement sur le cas que vous évoquez pour comprendre qu’il est emblématique de tant de dysfonctionnements et d’incohérences internes. Mais il eut fallu contacter les protagonistes pour cela…

    • Ma tribune n’est pas une enquête sur ce douloureux et poignant drame familial local (vous aurez noté qu’il n’y a pas de nom, pas de date, pas de lieu). Elle concerne le SAP et les conditions d’exercice de la justice française.
      Dans son livre d’entretien « Le temps de répondre », Lionel Jospin affirmait « Ce n’est jamais la justice qui rend la justice, ce sont les juges, c’est à dire des hommes et des femmes susceptibles, comme tout autre, de commettre des erreurs ». Encore faut-il ne pas troubler leurs décisions et donner les moyens pour qu’ils puissent faire leur travail le mieux possible. C’est aussi là qu’une femme ou qu’un homme politique peut et doit intervenir…

      • Bonjour monsieur Briand.
        De quelle autorité ou connaissances tenez vous la légitimité d’écrire cette tribune? Je l’ignore. Ce que je peux constater que vous tenez, à propos de l’aliénation parentale, le même discours que les féministes d’aujourd’hui. L’aliénation parentale n’aurait aucune base scientifique et ne serait employée que par les pères accusés se violences ou d’attouchement sur leurs enfants.
        En réalité, l’aliénation parentale a été décrite dans des articles publiés dans des revues scientifiques depuis 50 ans. Il y a des livres entiers consacrés à ce sujet, et dans toutes les langues. Je ne vous en cite qu’un, qui a fait suite à un colloque organisé par l’université libre de Lille https://www.decitre.fr/livres/alienation-parentale-regards-croises-9782849346051.html La conclusion, par l’organisatrice de ce colloque est assez claire.
        En page 22, il y a la définition de l’AP, définition qui fait aujourd’hui consensus. ” L’AP est une condition mentale dont un enfant ou adolescent est affecté (souvent dans le contexte de séparation parentale à haut conflit) et qui est caractérisée par deux éléments. D’une part, l’enfant ou l’adolescent s’allie fortement à un parent. D’autre part l’enfant ou l’adolescent rejette l’autre parent indûment, c’est à dire sans justification suffisante. Cet enfant ou adolescent résiste aux contacts avec ce parent, même ordonnés ou encore les refuse.” Il faut ajouter à cette définition deux conditions pour que l’on puisse parler d’AP: une relation antérieure positive avec le parent maintenant rejeté et absence de violence ou de parentalité déficiente de la part du parent maintenant rejeté.
        Je pourrais vous donner toute une bibliographie sur le sujet. cf https://pasg.info/ (en anglais)
        J’ajoute que la pratique “sur le terrain” des associations qui s’occupent de ce sujet rejoint celle des chercheurs: l’aliénation parentale touche autant les pères que les mères.
        A votre disposition pour vous donner des infos plus complètes.
        Alors, pourquoi certains prétendent que cela n’existe pas?
        Les mouvements féministes ont trouvé là un moyen supplémentaire de s’attaquer aux hommes (tout en se tirant une balle dans le pied).
        Il y a encore aujourd’hui des personnes qui prétendent que la terre est plate.
        Bonne journée.
        Christian

  5. Je ne connais rien de cette histoire, ni des pétitions, ni du mouvement d’indignation qu’une décision de justice a suscité, j’ai simplement relu cet article à la demande de son rédacteur. Comme ancien avocat, j’ai souvent dénoncé l’impuissance de la justice à traiter des affaires de violences faites aux femmes et notamment des crimes de viols. Je l’ai fait notamment dans des prises de parole publiques. Je ne désespère pas de voir la justice se réformer, sous l’impulsion du mouvement féministe et des acteurs de la vie judiciaire, magistrats et avocats. J’observe cependant que d’aucuns et d’aucunes entendent désormais substituer à l’institution judiciaire une justice médiatique, une justice sur internet. Cette justice-là a besoin à tout prix d’un coupable et d’une condamnation, elle fait peu de cas des droits de la défense et d’une instruction à charge et à décharge, elle agit en meute et procède au lynchage en ligne. Je me méfie autant des manifestations devant les tribunaux quand elles émanent de militants politiques qui exigent que les décisions rendues soient en accord avec leurs grilles de lecture idéologique que de celles de policiers factieux réclamant plus de brutalité judiciaire. Pour illustrer ce sentiment, je voudrais simplement citer ici le début de la plaidoirie de Paul Lombard en défense de Christian Ranucci. La foule, l’opinion publique, à l’époque, réclamaient la peine de mort pour un crime monstrueux, elle l’obtint, mais nous avons appris quelques années après son exécution qu’il était peut-être innocent. Oui le travail des juges obéit à une méthodologie rigoureuse, non Jean Paul Briand, ces juges bénéficient d’une bonne formation à l’école nationale de la magistrature de Bordeaux à l’issue d’un concours exigeant et sélectif, cependant oui aussi Jean Paul Briand, la justice est en difficultés en raison de la pauvreté des moyens matériels dont elle dispose. Mais place ici aux mots de Paul Lombard :
    « Mesdames et Messieurs les jurés,
    En cet instant où je prends la parole pour Christian Ranucci, j’ai dans cette enceinte de justice face à moi trois adversaires. Vous, Maître Collard, qui avez su avec une belle humanité prêter votre voix aux parents de la petite Maria-Dolorès, vous Monsieur l’avocat général qui avez prononcé l’un des meilleurs réquisitoires que j’aie eu à entendre de toute ma carrière, mais mon plus redoutable adversaire, c’est vous-même, Ranucci ! Vous qui êtes incapable d’inspirer la sympathie aux autres avec vos yeux de poisson mort ! Vous qu’on avait envie de comprendre quand vous êtes entré pour la première fois dans cette salle, mais dont l’attitude a fait qu’ensuite on a eu envie de vous haïr. Un innocent, il crie, il hurle, il se débat, il n’accepte pas le destin. Vous, vous vous êtes montré froid comme un iceberg, impassible, comme étranger à nos débats. Imbécile !
    Mais Mesdames et Messieurs les jurés, ne vous fiez pas aux apparences. Juger sur les apparences, c’est se faire le bourreau ! Juger en fonction de l’attitude qu’il a manifestée, ce serait oublier de juger.
    N’écoutez pas non plus la rumeur ignoble. N’écoutez pas l’opinion publique qui frappe à la porte de cette salle. Elle est une prostituée qui tire le juge par la manche, il faut la chasser de nos prétoires, car, lorsqu’elle entre par une porte, la justice sort par l’autre. Je n’ai rien à faire de l’opinion publique. Je ne suis pas un signataire de pétitions humanitaires. Je ne suis pas un militant. Je suis un homme. Et en tant que tel, je hais la peine de mort. Je ne serai jamais aux côtés de ceux qui la réclament, de ceux qui la donnent, jamais je ne serai aux côtés du guillotineur. »

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