Françoise Tixier et Jean-Luc Bouland : deux regards sur le corps des femmes

Le colloque 2022 de Mix-Cité 45 a aussi permis à plusieurs artistes locaux de présenter leur travail sur le corps des femmes, notamment les peintures de Françoise Tixier et les photographies de Jean-Luc Bouland. Portraits croisés.

Par Sophie Deschamps  

LQuatorze oeuvres de l’artiste orléanaise Françoise Tixier ont animé les cimaises de l’auditorium Marcel Reggui de la médiathèque d’Orléans les 22 et 23 septembre 2022 durant le colloque consacré au corps des femmes : « Monique Lemoine connaissait mon travail et moi ça m’intéressait beaucoup d’exposer pour les femmes, sans exclure les hommes. Mon sujet de prédilection, c’est les femmes, c’est-à-dire qu’il y a des modèles qui viennent poser chez moi, il y a d’ailleurs aussi quelques hommes. J’aime beaucoup aussi les nus, donc j’étais très contente d’être invitée à exposer à ce colloque. Ce n’est pas du tout une salle d’exposition mais le fond noir et l’éclairage mettent très bien mes oeuvres en valeur. »

Françoise Tixier a aussi été comédienne professionnelle durant 43 ans mais elle a toujours dessiné : « En 2017,  j’ai pris ça très sérieusement. En fait j’ai rattrapé un désir que j’avais depuis l’âge de 15 ans. Le dessin pour moi c’est la même urgence que le théâtre, c’est-à-dire rencontrer les gens par un vecteur qui n’est pas moi directement.

En parcourant ses dessins, on s’aperçoit que Françoise utilise plusieurs techniques et notamment le marouflage qu’elle affectionne : « J’ai fait beaucoup de choses sur des papiers. Ensuite, je les ai déchirés et marouflés, c’est-à-dire collés sur une toile. Je travaille aussi à l’encre avec des feutres. J’aime aussi beaucoup le graphisme car ma base, c’est le fusain et le crayon. Et j’aime beaucoup mélanger le crayon et la couleur. J’apprécie beaucoup Ernest Pignon-Ernest qui ne travaille que le dessin. Un point commun que j’ai avec lui, c’est d’accepter le passage du temps sur les oeuvres.»

« L’origine du monde » selon Françoise Tixier 

Puis on tombe en arrêt devant un tableau qui représente une vulve avec une tête de femme qui émerge de la pointe du clitoris : « Si on le regarde bien, c’est aussi le dessin d’une femme qui replie ses jambes. J’aime beaucoup cette forme d’ogive. Donc au départ je fais une femme comme ça accroupie. Je me recule et je me dis “d’accord Françoise tu as fait une vulve ! J’ai adoré donc j’ai confirmé cela “. 

Tableau de Françoise Tixier avec un double sens. Photo SD

Un tableau qui ne laisse personne indifférent, qui en choque même certaines. Françoise raconte alors ce qui est arrivé alors qu’elle exposait à l’église Saint-Étienne de Beaugency : « J’avais mis ce dessin là comme à la place du Christ, au fond. Quelqu’un est entré, croyant entrer dans une église en activité, il a vu mon dessin et il a fait le signe de croix. J’ai trouvé ça génial qu’il se signe devant une vulve féminine ! Donc je trouve que c’est essentiel et qu’il ne faut pas avoir peur de la montrer »

Françoise Tixier évoque enfin son intérêt à dessiner des modèles masculins nus :         « C’est une qualité de rencontre formidable parce qu’elle se fait dans le silence. Bien sûr, on parle avant ou après mais très peu pendant. Je les regarde et je les apprécie comme ils sont et eux ont aussi la possibilité de me regarder dessiner. Et je trouve que c’est aussi une belle façon de rencontrer les gens. »

L’oeil bienveillant de Jean-Luc Bouland 

Zoom à présent sur le regard masculin et photographique de Jean-Luc Bouland. Une dizaine de ses clichés de femmes plus ou moins dénudées ont été exposés en soirée le 22 septembre 2022 au FRAC d’Orléans durant le faux procès du corps des femmes.
D’emblée et sans doute pour éviter toute ambiguïté, Jean-Luc Bouland précise sa démarche :

« Ma thématique c’était Lectures intimes. Je ne suis allé chercher personne. Toutes ces femmes sont volontaires et là c’est un choix. Elles ont toutes plus de 18 ans, c’est impératif mais je ne mets aucune limite d’âge dans l’autre sens et je n’ai aucun critère physique. J’aime à dire que dans mon studio tout le monde est beau. Je n’aime pas la standardisation. Elles veulent poser, elles rentrent dans le jeu et là le jeu c’était de poser avec un livre de leur choix et pas avec un ustensile de ménage, c’est pas mon truc. 

Sabrina était enceinte et elle a choisi un livre qui avait un rapport avec sa situation du moment. Gwenn, en formation d’infirmière anesthésiste, est venue avec ses bouquins de cours. »

Jean-Luc Bouland est intervenu dans l’environnement de la photo : « Je voulais un décor similaire pour que ça fasse une série cohérente. On fait en sorte qu’il n’y ait pas de nudité frontale, c’est pas le but. S’il y a nudité frontale, le regard ne sera pas le même. Ce n’était pas pour dire “vous montrez votre corps et vous l’affichez. Là vous êtes dans une situation où votre pouvez vivre normalement votre corps.” Certaines ont choisi d’être plus ou moins habillées. On a choisi ensemble les photos ensuite. Par exemple, Nathalie a choisi de poser avec le nounours qui est la mascotte du studio. Elle est venue avec un livre de conte de fées et elle s’est fait des couettes. C’est elle qui a choisi de poser comme ça pour la série”.

Le photographe explique ensuite comment il travaille avec ses modèles : « On fait différentes poses et ensuite on choisit la photo où elles se trouvent le plus à leur avantage. Ce sont toutes des amatrices, il n’y aucun modèle professionnelle. Elles ont toutes un autre métier et elles font cela pour différentes raisons. C’est très souvent une démarche de revalorisation et d’estime de soi, de réconciliation avec leur propre corps. La plupart n’avaient jamais fait de photos avant et ont choisi de poser sans vêtements. Je ne dis pas nues parce que c’est du dévêtu, pour moi ce n’est pas la même démarche. Elles me font confiance et elles viennent toujours avec un.e assistant.e qu’elles ont choisi.e. Ça veut dire que le photographe ne touche pas le modèle. Je reste derrière mon objectif et c’est l’assistant.e qui va positionner les accessoires ou les drapés”.

Et à la question, inévitable, de son regard d’homme sur la nudité, Jean-Luc répond :    « Comment fait un médecin face à un corps de femme ? Je raisonne de la même façon, ce qui me permet de photographier autant des femmes nues que des hommes nus. Mon intérêt à moi est de faire une bonne image. Et je rappelle que je n’ai que des volontaires, je ne fais pas de castings. Mon but est que ces femmes abandonnent leur personnage extérieur devant l’objectif et soient elles-mêmes. Pour moi, les modèles ne sont pas de la pâte à modeler alors que 90% des photographes hommes disent “tu te mets là, tu t’assoies comme ça, tu mets ton bras comme ça…”. C’est ce que je ne veux surtout pas faire. »

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