Marc Gricourt (PS) Maire de Blois : « Il n’y a pas de bradage du patrimoine municipal »

Accusé par plusieurs associations de brader le patrimoine blésois aux promoteurs, Marc Gricourt (PS) a bien voulu répondre en exclusivité pour Magcentre sur différents dossiers polémiques qui cristallisent les tensions depuis plusieurs semaines. De la maison du gardien du Jeu de Paume aux ruines de la Tupinière en passant par l’Hôtel-Dieu, l’édile a évoqué sans détour l’ensemble de la politique patrimoniale de la ville.

Par Jean-Luc Vezon

Le maire de Blois Marc Gricourt répond au réquisitoire de Didier Rykner

Magcentre. Que répondez-vous à Didier Rykner qui vous reproche « de ne pas avoir de conscience patrimoniale » dans un long article publié dans La Tribune de l’art ?
Marc Gricourt.
Cette diatribe ne m’affecte pas. Il n’y a pas de bradage du patrimoine municipal. La réalité est tout autre avec de nombreuses opérations menées (1) et à venir comme la rénovation de l’aître Saint-Saturnin. Je suis viscéralement attaché à ma ville et, à ce titre, à son patrimoine. Je citerai comme exemples mes deux premières décisions lors de mon élection comme maire de Blois en 2008 : le réaménagement du port de la Creusille (800 K€ en 2011/12) et la replantation d’arbres sur les terrasses de l’Evêché. M. Rykner est un journaliste, hélas bien connu, qui a une approche étriquée et conservatrice du patrimoine. Heureusement, l’Etat a une vision différente de la préservation du patrimoine ancien. Celle-ci doit s’accompagner d’une intégration dans la modernité. Le patrimoine doit évoluer.

Magcentre. Cette conception peut effrayer les puristes…
Marc Gricourt.
Qu’aurait dit M. Rykner s’il avait été contemporain de François 1er ou de Gaston d’Orléans lorsqu’ils ont reconstruit le château de Blois ? Au-delà, le patrimoine, ce n’est pas que le patrimoine bâti ancien ou contemporain. Il y aussi les espaces végétalisés, les espaces publics, les œuvres d’art ou les manifestations culturelles comme les Rendez-Vous de l’Histoire ou Bd Boum qui se tiendra les 8, 19 et 20 novembre prochain.

Magcentre. Où en est le projet du Carré Saint-Vincent, le projet d’extension du centre-ville commercial qui concentre de nombreuses critiques de la part de vos opposants ?
Marc Gricourt.
Les fouilles archéologiques sont terminées. L’INRA va rédiger son rapport et il ne semble ne pas y avoir d’opposition de la DRAC sur les vestiges. Nous allons donc poursuivre le projet et passer à l’étape suivante avec le remblaiement des fouilles. La SEM 3 Vals Aménagement, qui porte le projet, va réaliser les études techniques complémentaires (portance des sols, soutènement du mur Jean Laigret… ). Le Conseil municipal pourra ainsi délibérer prochainement sur la vente au promoteur JMP Expansion. Normalement, les travaux pourraient ainsi commencer au 1er trimestre 2023 avec un achèvement au 2e semestre 2025.

Magcentre. Dans un contexte économique difficile pour le commerce, ce projet n’est-il pas risqué ?
Marc Gricourt. Nous n’avons pas trop d’inquiétudes sur la commercialisation. Le promoteur et Paul Gilet, adjoint en charge du commerce, de l’artisanat et du tertiaire, font un gros travail. Nous avons déjà des prospects notamment pour la halle alimentaire (poissonnier, charcutier, fromager, vendeur de fruits et légumes en circuit court… ). Pour les autres cellules, les preneurs s’engageront quand les travaux commenceront mais nous avons déjà quelques engagements sécurisants telle une enseigne d’alimentation et d’équipements de la personne. D’ici juin, nous communiquerons d’ailleurs sur ces enseignes. La situation des entreprises du BTP nous inquiète davantage avec des retards possibles.

Magcentre. Quid de la maison du Jeu de Paume que vous aviez souhaité voir bombardée ?
Marc Gricourt
. Cette déclaration marquait mon irritation face au coût de la mise hors d’eau (400 K€). Dans une période de contrainte budgétaire, cette somme m’a paru exorbitante. La maison du Jeu de Paume sera naturellement préservée mais nous n’avons pas encore décidé la destination de ce bâti, pour lequel nous avions eu un acquéreur. Si un porteur de projet se manifeste, pourquoi ne pas le vendre ? Il pourrait aussi accueillir en location une association de sauvegarde du patrimoine qui le remettrait en état.

Magcentre. Que voulez-vous faire du Pavillon Anne-de-Bretagne et quel est l’avenir du musée d’art religieux que vous hébergez aux Jacobins et du bâtiment de la Tupinière ? Rykner parle d’une expulsion pour le musée…
Marc Gricourt
. Le site du Pavillon n’est pas à vendre. Après le départ des artisans d’art, nous souhaitons lui offrir une nouvelle vie. Deux porteurs de projets blésois se sont déjà manifestés. Une décision sera prise d’ici 2023. Le musée d’art religieux sera relocalisé à l’Hôtel-Dieu et l’association y disposera de 400 à 500 m² ce qui lui permettra d’offrir aux visiteurs un parcours de visite amélioré. Il bénéficiera aussi de la proximité de l’exposition permanente Lorjou. Cela devrait booster sa fréquentation au cœur d’un site exceptionnel. J’ajoute que le promoteur Histoire et Patrimoine, reconnu pour ses nombreuses réhabilitations patrimoniales (Arras, Seclin, Lille… ) a proposé au diocèse 100 K€ de mécénat. Les travaux commenceront lorsque les recours seront purgés. Nous espérons naturellement que le juge entendra nos arguments. Concernant la Tupinière, la ville va lancer une étude patrimoniale qui sera prescriptive pour l’acquéreur. Nous souhaitons que ce bien soit réhabilité. Un promoteur (IMOTER) propose la construction de trois logements en préservant les murs qui sont classés. Le privé peut aussi rénover et embellir notre patrimoine.

L’Hôtel-Dieu sera cédé sera cédé au promoteur Histoire et Patrimoine pour 3,25 M€.
Crédit photo H & P.

Magcentre. Où en est le projet de nouveau théâtre ?
Marc Gricourt.
Nous avons actualisé l’étude de 2013 en souhaitant une approche globale de développement de la Scène nationale – HAG et de l’activité congrès. La décision est désormais actée et sera inscrite dans le contrat de plan Etat-Région avec aussi un soutien financier du département et d’Agglopolys. Nous prévoyons de construire le futur théâtre dans la HAG dont l’usage sera conservé avec une structure de gradins escamotables préservant la charpente. L’ancien site Peigné tout proche accueillera pour sa part la partie congrès. Ce nouvel équipement, d’un coût prévisionnel de 16 M€ , devrait voir le jour à l’horizon 2027. Les travaux débuteront sur le site Peigné ce qui permettra à la Scène nationale de se délocaliser pendant leur réalisation.

Magcentre. Un mot pour conclure sur les Promenades photographiques qui vont quitter Vendôme pour le Blaisois. C’est du pain béni…
Marc Gricourt.
Christophe Degruelle et moi-même avons été sollicités par l’association qui les organise. C’est bien leur choix fondé sur l’attractivité touristique et culturelle de notre ville… Après un échange avec Philippe Gouet, président du département, nous avons validé le principe d’un soutien à hauteur de 10 K€ qui viendra abonder ceux de la région CVL, du Pays de Châteaux et de l’agglomération. En 2023, les Promenades photographiques vont connaître un nouveau souffle et je m’en réjouis car l’association aurait pu quitter le Loir-et-Cher. Elle sera hébergée dans des locaux mis à disposition place de Grève.

Magcentre. Que répondez-vous à celles et ceux qui critiquent le toit blanc en pierres de Loire du nouveau restaurant de Christophe Hay ?
Marc Gricourt.
Ce n’est pas la responsabilité de la ville. Les services de l’Etat ont signé le permis de construire et il n’y a pas eu de recours. A titre personnel, je ne suis pas choqué.

Magcentre. La ville de Blois a-t-elle toujours les moyens de ses ambitions ?
Marc Gricourt.
Notre situation financière est saine avec une dette en retrait de 12 M€ depuis 2008 qui nous garantit une bonne capacité d’emprunt pour investir. Compte tenu du contexte inflationniste et de stagnation des dotations, nous pouvons ainsi dégrader la dette sans augmenter les taux des impôts ; celle-ci retrouvera alors son niveau antérieur à la fin de la mandature. Les bases fiscales devraient cependant augmenter de 6 à 7 % en 2022. Cette décision de l’Etat dégagera une recette supplémentaire de 1,6 M€ couvrant une partie de la hausse des coûts de l’énergie (+ 1,9 M€).

(1) Aménagement de la cour du Foix au château, square Victor Hugo, kiosque de l’Evêché, Action Cœur de Ville (18 M€)…

A l’horizon 2025, le visage de Blois changera avec l’aménagement du Carré Saint-Vincent au pied du château. Crédit JMP Expansion.

La désaffectation d’églises pas d’actualité

Jérôme Goujot, premier adjoint en charge du patrimoine était présent lors de l’interview, l’élu a défendu les travaux dans l’église Saint-Nicolas prévus sur quatre tranches pour un montant de 3,4 M€. « Les municipalités précédentes ne s’étaient pas engagées. Nous portons la dépense totale de restauration qui fait l’objet d’un co-financement de la DRAC, du département et de mécènes comme le groupe Sisley (vitraux) et la fondation du patrimoine », a précisé l’élu. « Notre ville compte de magnifiques églises : Saint-Nicolas, Saint-Saturnin et Saint-Vincent. Le patrimoine religieux est une richesse mais certaines villes, comme Montpellier ou Poitiers, ont déjà vendu des églises qui n’avaient plus de culte. Ce n’est pas d’actualité à Blois », a aussi déclaré le bras droit du maire de Blois en concédant que la ville avait déjà été sollicitée par un promoteur.

Jérôme Boujot, 1er adjoint en charge du patrimoine.
Crédit photo Jean-Luc Vezon.

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Commentaires

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  1. Merci pour cette interview. Mais j’aurais aimé que vous demandiez à monsieur Gricourt s’il est exact que dans le cadre du projet Saint Vincent, le bâtiment qui accueille la poste doit être rasé.
    Cordialement.

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