Théatre d’Orléans : chambre avec vue sur les ruines de la modernité

En partenariat avec l’Astrolabe et le Centre Chorégraphique National d’Orléans, la Scène nationale a présente mardi soir Room with a view, un grand spectacle de danse krump par la Ballet national de Marseille sur une musique de RONE et mis en scène par le collectif (LA)HORDE. Une musique terriblement prenante, de la danse magnifique malgré des passages d’une violence inadmissible. Une nouvelle messe pour le temps présent ?

Par Bernard Cassat

La troupe de Marseille et RONE aux machines de son. Photo Cyril Moreau

Il n’y a pas de début. Lorsque le public entre dans la salle, tout est déjà là, même la musique. Ou plutôt, tout a été là. Parce qu’on est manifestement dans du post : post ville, post béton, post banlieue. Des ruines ! Et dans l’arche cassée d’une autoroute, RONE tripote ses machines. Un rythme d’abord, une pulsation, un cœur qui envoie l’énergie. Intense. La fille qui danse à côté du juke-box en est traversée. Mais aussi, derrière, en même temps, du planant qui monte dans les basses. Ca pulse et ça plane.

Une inadmissible violence faite aux femmes

La troupe de danseurs arrive dans ce tout petit espace creux dans le béton, pour un moment christique assez sidérant, comme un tableau animé rappelant des passions caravagesques. Et puis les danseurs descendent sur scène et se déchirent. Violence, violence insupportable mêlée d’amour hystérique. Violence qui passe les bornes, même en spectacle. A l’ère de Metoo, on ne peut pas traîner sa partenaire par les cheveux, la bourrer de coups de pied avant de passer au sexe. Même au théâtre, même pour de faux. Monstration n’est pas dénonciation. Moment insupportable, inadmissible.

Les danseurs du Ballet National de Marseille. Photo Jerome Lobato

Heureusement plus tard, la musique se fait carrément mélodique. Et les danseurs.euses carrément troupe. Ces moments-là sont magiques. Par exemple, le groupe avance au ralenti, avec devant lui l’un des danseurs qui suit les pulsations rapides des sons, ça plane et ça pulse encore, toujours. Un vrai travail de troupe de danse, impeccablement réalisé. Du plaisir. De l’émotion. La musique de RONE arrive même à introduire un sirtaki dansé par trois membres de la troupe. Le Ballet national de Marseille regroupe 16 nationalités. Donc pourquoi pas un sirtaki dans des ruines qui tout d’un coup deviennent grecques.

Des thèmes qui cernent notre actualité

La pluie de poissons est plus mystérieuse. Référence biblique, là aussi ? Après Gethsémani, Tibériade ? Ou seulement cette fameuse guerre des imaginaires à laquelle les artistes se réfèrent ? De toutes façons, rien n’est ici narratif. RONE & (LA)HORDE ne racontent pas, mais rassemblent des thèmes qui décrivent notre actualité. L’effondrement, l’interaction des corps. Et cela, de nombreux moments de danse le disent, le montrent. Le béton s’effrite et vole en poussière. Seule la beauté du groupe qui danse sur l’énergie de la musique prouve que dans cet effondrement, il reste du désir, du vrai désir, ne serait-ce que celui de la beauté. Le monde se meurt, mais le rythme du cœur, celui qui crée les fêtes, est bien vivant.

Une ronde intemporelle. Photo Aude Arago.

Et après la noire violence des couples du début, le collectif de la fin rayonne. Une sorte de danse traditionnelle, une ronde comme pour les sardanes, une danse enfantine qui n’a pas d’âge, qui inclut tous ceux qui veulent, qui absorbe l’individu dans une vitalité de groupe. Et le bruit des mains sur le corps relayé par les voix bouches fermées rappellent la vivacité de l’humain, prennent le dessus sur les sons de machines. La salle Touchard, pleine à craquer d’un public fervent, a vibré pendant un peu plus d’une heure à cette sorte de nouvelle messe pour le temps présent.


Plus d’infos autrement sur Magcentre :
Théâtre d’Orléans : les saisons s’emparent de la scène

Commentaires

Toutes les réactions sous forme de commentaires sont soumises à validation de la rédaction de Magcentre avant leur publication sur le site. Conformément à l'article 10 du décret du 29 octobre 2009, les internautes peuvent signaler tout contenu illicite à l'adresse redaction@magcentre.fr qui s'engage à mettre en oeuvre les moyens nécessaires à la suppression des dits contenus.

Centre-Val de Loire
  • Aujourd'hui
    • matin 7°C
    • après midi 14°C
  • samedi
    • matin 8°C
    • après midi 13°C
Copyright © MagCentre 2012-2024