Accord Sécu – médecins : ça passe ou ça casse

Persuadés de lutter efficacement contre la désertification médicale, des élus de tous bords politiques font de la communication et leur promotion personnelle en inaugurant des maisons médicales souvent vides de professionnels de santé. Moins tapageuses et démagogiques mais particulièrement décisives pour l’accès aux soins des Français, les négociations conventionnelles entre médecins libéraux et assurance maladie ont démarré.

Par Jean-Paul Briand

Depuis le 9 novembre 2022, les six syndicats représentatifs des médecins libéraux (CSMF, MG France, SML, Union Avenir Spé-Le Bloc, UFML-S et FMF) vont essayer de trouver un difficile compromis avec les patrons de la Sécurité sociale. La signature de la nouvelle convention médicale doit intervenir au plus tard en mars 2023. Elle organisera l’exercice des médecins libéraux et leur relation avec les caisses d’assurance maladie pour la période 2023 – 2027. Les marges de manœuvre sont étroites puisque la lettre ministérielle de cadrage fixe les objectifs à atteindre. Ils vont dans le sens de ce que l’exécutif a précédemment porté dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS 2023). Même si ce PLFSS a été complété par 150 amendements, dont certains proposés par les partis d’opposition, la Première ministre, Élisabeth Borne, a dû utiliser l’article 49.3 de la Constitution pour faire passer l’ensemble du texte rapporté, entre autres, par les députées du Loiret, Stéphanie Rist et Caroline Janvier.

Les lignes directrices de la prochaine convention médicale

Thomas Fatôme

Le 28 octobre 2022, François Braun, ministre de la Santé et de la Prévention, et Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l’Organisation territoriale et des Professions de santé, ont adressé les lignes directrices de la prochaine convention médicale au directeur général de la Caisse nationale d’Assurance maladie, Thomas Fatôme.

Quatre axes principaux ont été définis par les ministres :

  1. « Agir de manière déterminée contre toutes les inégalités d’accès à la santé, qu’elles soient territoriales, sociales ou financières.
  2. Intégrer plus largement la prévention dans l’activité médicale et poursuivre le mouvement d’amélioration des pratiques et de la qualité des soins.
  3. Libérer du temps médical afin de permettre aux médecins d’augmenter leur patientèle et de se concentrer sur les prises en charge qui requièrent un diagnostic médical.
  4. S’accorder sur les moyens de déployer la feuille de route ambitieuse du numérique en santé, au service des patients et des professionnels. »

Les priorités des pourparlers entre Sécu et toubibs

La prévention et le numérique sont des objectifs importants mais secondaires. Ils devraient se concrétiser par la mise en place de rendez-vous de prévention à plusieurs âges clés de la vie (20-25 ans, 40-45 ans, 60-65 ans) d’une part et avec des aides pécuniaires pour généraliser la numérisation des actes médicaux et inciter à une meilleure utilisation du dossier médical informatique « Mon espace santé » d’autre part.

Les priorités essentielles des pourparlers entre Sécu et toubibs sont l’accès aux soins dans les déserts médicaux, la participation des libéraux à la permanence des soins pour soulager les services d’urgence et les nouvelles délégations de tâches vers les autres professions de santé. L’Assurance maladie a en effet signalé que plus de 6 millions de Français, dont 10% souffrant d’une affection de longue durée (ALD), n’ont pas de médecin traitant. Par ailleurs la pénurie de médecins va encore empirer au moins pendant les cinq prochaines années. Selon la Caisse nationale d’assurance maladie (Canam) chaque généraliste devrait prendre en charge 160 patients de plus pour couvrir les besoins. La convention devra donc développer les moyens permettant de gagner du temps médical. Afin de permettre cette augmentation du volume des consultations par les médecins traitants, la Cnam mise sur le déploiement des assistants médicaux, en partie financés par l’Assurance maladie, au sein des cabinets des docteurs. Le rôle de ces assistants médicaux sera d’épauler les praticiens dans les tâches administratives, de les seconder lors des consultations ou dans la coordination du suivi des patients avec d’autres acteurs de santé.

Les discussions risquent d’être âpres

Les médecins n’accepteront d’augmenter leur activité qu’avec d’avantageuses compensations. C’est probablement sur ce point qu’ils pourront négocier de substantielles revalorisations de leurs honoraires ainsi que des aménagements notables sur le partage des tâches et la coopération avec les autres professions de santé. La proposition de loi portée par les députées Stéphanie Rist et Aurore Bergé risque d’en faire les frais.

Dans un contexte de réduction des déficits de la Sécu avec un Objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam) de la médecine de ville qui n’a augmenté que de 2,9 % malgré une inflation à plus de 6 %, les discussions risquent d’être âpres. La présidente du principal syndicat de généralistes (MG France), Agnès Giannotti, a d’ailleurs déclaré « Soit ça passe, et notre système de santé reste debout, soit ça ne passe pas et les généralistes déplaquent, les jeunes ne s’installent pas, ceux qui sont au bord de la retraite partent et le système s’effondre »…


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