Dossier violences faites aux femmes : Quand les femmes parlent

Il est très difficile de témoigner après avoir subi des violences de son compagnon de vie. Il est donc essentiel de souligner le courage de celles qui le font mais sans culpabiliser celles qui n’y arrivent pas. Il faut écouter ces femmes, les croire  et leur offrir notre compassion. D’où l’importance du témoignage que vous allez lire.

Propos recueillis par Sophie Deschamps 

Slogan manif parisienne contre les violences masculines, novembre 2021. Photo Sophie Deschamps

Nous l’appellerons Isabelle. Elle a 50 ans et vit aujourd’hui dans une petite ville, près d’Orléans. Mère de trois enfants, elle raconte avec dignité ce que son mari lui a fait subir durant trois ans :

Dix ans après les faits, j’arrive à en parler un peu, certains amis sont au courant, d’autres non…  mais ça reste douloureux. Rien que quand je regarde un film avec des scènes de violence conjugale, je change aussitôt de chaîne. De plus, certaine personnes de mon entourage comprennent quand d’autres ne comprennent pas. J’ai aussi un peu peur que l’on me juge parce qu’en fait, si j’ai réussi à partir de chez moi, c’est parce que mon fils a appelé les gendarmes. 

Puis, Isabelle commence à dérouler son histoire :

Je me suis mariée à 22 ans et je suis restée avec mon mari durant vingt ans. Nous avons eu trois enfants. Tout se passait bien. Les violences ont démarré quand nous avons commencé à travailler ensemble suite à la création d’une association d’activités pour enfants. Nous n’aurions jamais dû faire ça puisque ça a été le déclencheur. J’avais alors 37 ans. Au début, il ne me frappait pas, c’était seulement verbal. Il me disait que je ne savais jamais rien faire, que j’étais une bonne à rien, des choses comme ça. Il me rabaissait tout le temps, devant des amis certaines fois, à d’autres moments il faisait ça en douce…mais il le disait surtout devant les enfants.

Puis, il a cru que je le trompais, donc plus ça allait plus ça montait et il en est venu aux mains environ trois ans après les premières insultes. Il m’a alors donné un coup de poing en plein visage, devant mes enfants. J’ai ressenti alors une énorme peur. Il ne s’est jamais excusé. Il a toujours dit que c’était de ma faute.

Ensuite j’ai dit à mes enfants : « Si ça recommence vous appelez tout de suite les gendarmes. » 

Il y a eu encore des coups, hors de la présence des grands parce qu’il y a dix ans d’écart entre mon premier fils et le dernier. Donc, il faisait toujours les choses devant le dernier parce qu’il savait très bien qu’il ne dirait rien et puis un jour il a continué devant les grands. À ce moment-là, le grand a prévenu les gendarmes.

Si vous voulez partir, c’est tout de suite !

Ils ont dit à mon mari que c’était un voisin qui les avait appelés pour protéger mon fils. Ils ont alors embarqué mon mari, Surtout en me disant : « Vous avez très peu de temps, si vous voulez partir c’est tout de suite parce qu’après il va revenir ! » Donc, j’ai pris vite fait quelques affaires et je suis partie. 

Le lendemain, je suis allée porter plainte à la gendarmerie mais d’abord il a fallu que j’aille me faire soigner à l’hôpital et faire constater les coups sur mon corps. Il a été placé en garde à vue mais le procureur a estimé que je n’avais pas eu assez de jours d’ITT (Incapacité temporaire de travail, NDLR) et il a été relâché. C’était comme ça il y a treize ans ! Il n’a jamais eu l’interdiction de m’approcher. Il n’a pas été inquiété par la justice, il n’y a pas eu de procès, rien !

Slogan manifestation contre les violences masculines, Paris, novembre 2021. Photo Sophie Deschamps

Du coup, , je suis allée vivre chez mes parents. Le problème c’est qu’on était début juin et que l’école était à trente kilomètres. Il n’y avait pas de bus, donc mes trois enfants sont restés chez leur père. Il ne les a jamais frappés. Je suis restée trois mois chez mes parents. Mais quand j’ai trouvé une maison à louer, début septembre, j’ai récupéré mes enfants et je les ai changé d’école, de collège et de lycée. 

Durant ces trois mois, il m’a vraiment fait la misère. Il s’est déplacé jusque chez mes parents. Il avait gardé le double de mes clés de voiture et il la mettait en panne pour m’empêcher d’aller travailler. Il surveillait tout ce que je faisais. 

Je voulais alors divorcer mais Monsieur ne voulait pas donc ça a pris six ans. La loi est très mal faite pour ça. J’ai dû faire un abandon de domicile à la gendarmerie quand je suis partie mais du coup j’étais en tort malgré toutes les plaintes déposées. Donc j’ai dû attendre le délai de six ans pour pouvoir enfin divorcer. 

Je ne lui pardonnerai jamais !

Même après le divorce, il a continué à me faire la misère. Le juge m’avait obligé à donner ma nouvelle adresse pour les enfants. Donc, il en profitait pour venir chez moi casser des choses. Une fois, il m’a volé mon sac à main avec mon téléphone dedans. J’ai voulu porter plainte mais j’étais tellement énervée que j’ai mis la voiture dans le fossé. Ce sont les gendarmes qui sont venus nous tirer de là.

Lorsqu’ils ont été en âge de choisir, mes enfants sont venus vivre avec moi. 

J’ai ensuite réussi peu à peu à me reconstruire parce que j’ai été bien entourée et soutenue par mes parents, mes enfants, mes amis. Du coup, j’ai mis moins de temps à m’en remettre que je ne le pensais.

Depuis la naissance de notre petite-fille il y a neuf ans, les choses se passent mieux, il me laisse tranquille. Toutefois je m’en tiens au strict minimum avec lui et pas question de passer un Noël avec lui ! Je n’oublierai jamais ce qu’il a fait à moi et aux enfants. Je ne lui pardonnerai jamais !

Et quand on lui demande, ce qu’elle aimerait voir changer au niveau judiciaire, la réponse fuse, limpide : 

Je voudrais que les plaintes que l’on prend la peine de déposer ne restent pas sans suite surtout pour des choses comme ça parce qu’ils attendent que ça s’aggrave ou que quelqu’un meure pour bouger quoi !

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