Loiret, le casse-tête des certificats de décès

Le manque de médecin a des répercussions d’un bout à l’autre de la vie, de la naissance… jusqu‘au décès ! Car sans la signature du certificat de décès (acte pour le moment réservé aux médecins), les pompes funèbres ne peuvent procéder à la levée du corps. A l’Est du Loiret, secteur réputé pour son désert médical, une entreprise de pompes funèbres tente de mettre en place un réseau de médecins retraités.

Par Izabel Tognarelli

Photo d’illustration. ©J.P.Briand

« On ne savait plus quoi faire ! On a eu toutes les difficultés du monde à trouver un médecin qui accepte de se déplacer pour signer le certificat. Cela a été terrible pour nous comme pour les gendarmes ! ». Le témoignage de Valérie Martin, maire de Lorris, fuse comme un diable de sa boîte à l’évocation d’un épisode qui a eu lieu il y a déjà plusieurs années. Le souvenir de cet homme retrouvé décédé d’une crise cardiaque, un dimanche, dans l’une des vitrines de la place commerçante de cette petite ville de l’Est du Loiret, demeure très vif dans son esprit. Elle en reste marquée. L’épisode avait duré plusieurs heures avant que les autorités ne trouvent un médecin retraité qui accepte de se déplacer. Dans l’intervalle, un drap avait été tiré devant la vitrine en attendant que les pompes funèbres soient autorisées à procéder à la levée du corps.

Sans aller jusqu’à des situations aussi singulières que celle précédemment citée, tout maire a été confronté dans sa carrière à la difficulté de trouver un médecin pour attester d’un décès, une situation qui peut instiller comme un avant-goût d’éternité… 
La récurrence de la situation a conduit Gautier Caton, entrepreneur de pompes funèbres, à agir.

Quand on n’a pas de médecins, on a des idées !

Le déclic a eu lieu lors de conférences organisées par son entreprise avec un médecin légiste, à l’attention des pompiers, gendarmes et policiers : ceux-ci ont fait remarquer que les recommandations de la médecine légale se heurtaient au mur de leur réalité, celle de l’interminable attente pour trouver un médecin qui signe l’indispensable papier, reconnaissable à sa couleur bleue. Cette situation est particulièrement problématique lorsque le décès survient au domicile ou sur la voie publique. Chaque partie – médecins, légistes, forces de l’ordre, services des pompes funèbres – a compris la réalité de l’autre, et chacun, à défaut de pouvoir sortir un médecin de son chapeau, s’est résigné.

Mais une certaine convergence s’est fait jour dans l’esprit de Gautier Caton. D’une part, son entreprise a mis à disposition un numéro d’appel destiné aux proches afin d’effectuer les toutes premières démarches, une astreinte qui fonctionne sept jours sur sept, 24h/24. D’autre part, l’entreprise Caton est attributaire du marché du transport de corps avant mise en bière pour les parquets de Montargis et Orléans. Ces facteurs ont donné naissance à une idée : mettre en place un système qui, par le biais d’une régulation, permet de joindre des médecins retraités afin d’établir cet acte de décès. Pour autant, les familles ne sont pas obligées de se tourner vers son entreprise pour l’organisation des obsèques.

La première démarche de Gautier Caton a consisté à s’ouvrir de son projet auprès de l’Ordre des Médecins du Loiret, qui ne s’est pas montré opposé au principe. L’Ordre a fait valoir ses devoirs de neutralité et de confidentialité, tout en envoyant un courrier à l’ARS et à la CPAM afin de demander comment mettre en relation les médecins retraités potentiellement à même de rédiger ces certificats avec l’entreprise Caton dans le but de mettre en route ce réseau. C’était à la fin de l’année 2019, la Covid est passée par là, le courrier n’a pas trouvé de suite.

Un réseau qui peu à peu s’étend

Pour autant, l’organisation s’est mise en marche, avec six médecins principalement installés sur l’Est du Loiret. Le système donnant des résultats, il s’est étendu sur la Nièvre, l’entreprise Caton ayant des implantations sur plusieurs départements. « Dans le Loir-et-Cher, l’Ordre des Médecins a considéré que les problèmes se limitent au nombre de fois où le parquet les appelle pour les réquisitionner en cas d’instruction judiciaire », précise Gautier Caton.

Son entreprise s’est chargée de fournir aux médecins volontaires les formulaires bleus, mais surtout, il a proposé un accompagnement administratif, notamment pour les problématiques d’assurance. Le médecin a reçu la somme forfaitaire due pour l’établissement de l’acte, ainsi que des indemnités kilométriques, majorées la nuit, les dimanches et les jours fériés (un poste qui, à lui seul représente 20 000 euros par an pour l’entreprise).

« Notre système n’est pas infaillible, mais il n’est ni subventionné, ni aidé, et on ne nous a pas fourni de fichier de médecins », conclut l’entrepreneur. On peut ajouter qu’il contribue à faire émerger des solutions au cœur de la crise, ce qui n’est pas négligeable. Quant à l’éventualité que le monde infirmier soit autorisé, pour une durée probatoire de trois ans, à établir ces fameux certificats de décès – un amendement déposé par la députée Stéphanie Rist et qui attend validation par le Sénat –, il y est tout à fait favorable.

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