En réponse à Jean-Pierre Sueur qui n’aime pas le CDN d’Orléans

En réponse à Jean-Pierre Sueur: lettre ouverte d’un sénateur qui n’aime pas le CDN d’Orléans

Par Bernard Thinat

Monsieur Jean-Pierre Sueur s’est autorisé, sur un papier à l’en-tête du Sénat, à critiquer la programmation du Centre Dramatique National d’Orléans, la jugeant dépourvue de « tous les auteurs de théâtre de l’humanité », dressant la liste de celles et ceux qui manquent de son point de vue (enfin celles, il n’en cite qu’une seule face à 12 auteurs hommes, n’épiloguons pas), allant d’Eschyle à Claudel, s’en prenant directement à la personne de la Directrice du CDN accusée ni plus ni moins d’exclure les œuvres du patrimoine.

D’abord, et c’est une constante qui se vérifie en tous lieux et en tous temps, quand un politique critique la programmation d’un théâtre, d’un cinéma ou de tout lieu culturel, ou d’un festival, parce qu’elle ne lui convient pas, la censure n’est jamais loin.

Monsieur Sueur n’apprécie pas la programmation du CDN. C’est son droit ! Mais fréquente-t-il le CDN ? Y met-il les pieds parfois ? Il dénonce l’absence d’auteurs du patrimoine. L’année passée, Genet, Pirandello et Tchekhov étaient présent dans la programmation. Cette saison, si les auteurs du patrimoine cèdent la place à des auteurs contemporains, on trouve néanmoins une femme, Prix Nobel de littérature. La connaît-il ?

La Métropole d’Orléans a ceci de particulier, certains le regrettent, d’autres s’en félicitent, de posséder un théâtre avec trois salles, où cohabitent un théâtre public (le CDN), un théâtre privé, (le CADO), sans parler des autres structures culturelles que sont la Scène nationale ou le Centre Chorégraphique, ainsi que l’ATAO qui programme du théâtre depuis plus d’un demi-siècle. Chacun possède son histoire, sa programmation, son budget, son public qui sans doute très attaché à telle structure hésite à s’approcher des autres, on peut le regretter. On sait aussi que les villes alentours ont une programmation théâtrale particulière, que des compagnies professionnelles, semi-pro ou amateurs, proposent aussi leurs spectacles, de qualité le plus souvent. Et nous pensons que la diversité des programmations est une richesse et non un appauvrissement culturel. Que serait la vie théâtrale à Orléans si tous les lieux, toutes les structures, se faisaient une concurrence exacerbée en proposant toutes et tous, la même chose, les mêmes auteurs, les mêmes mises en scène ? Le CDN possède sa propre programmation très contemporaine, le CADO la sienne axée plus particulièrement sur le nom d’un artiste (Anconina ces jours-ci), l’ATAO mêlant contemporain et classique.

Monsieur Sueur veut du Molière. Sait-il que l’année passée, les deux cinémas Pathé de la Métropole ont programmé, soit en direct, soit en différé de la Comédie Française, quatre pièces de Molière, et pas des moindres, sur plus d’une dizaine de dates par comédie. Est-il allé seulement à une représentation ? Curieusement, il ne cite pas le CADO dans sa lettre qui, cette saison, ne programme aucun « auteur du patrimoine ». Pourtant, il draine des milliers de spectateurs venus de tout le Loiret grâce aux bus affrétés par le Département. Les spectateurs assidus du CADO, se plaignent-ils de l’absence de ces auteurs chéris du sénateur ?

Sans doute a-t-il réagi de cette sorte à l’écoute d’un certain public, probablement indisposé par la dernière pièce proposée par le CDN au théâtre d’Orléans, « Bros » de Roméo Castellucci. Qu’on ne désire pas voir l’état policier, ni le fascisme bien réel dans le monde, et redouté en France, sur la scène d’un théâtre, cela peut se comprendre. Mais la réalité du monde est là, à nos portes, qui nous guette. De quoi d’ailleurs nous parle Shakespeare dans ses pièces, si ce n’est de l’état du monde au XVIe siècle, qui se reflète comme un miroir dans le monde d’aujourd’hui, et c’est pourquoi il est tant rejoué.

Cessons donc d’opposer les classiques aux contemporains, chacun et chacune peut trouver ça ou là, ou ailleurs, dans telle structure ou telle autre, le spectacle qui lui convient, la diversité est une richesse, au théâtre, au cinéma, au concert, au musée, et partout.

NB : Jetant un œil sur la programmation de l’autre CDN de la Région Centre Val de Loire, celui de Tours, on est bien en peine de découvrir un « auteur du patrimoine ».

Photo de Une: Bros de Roméo Castellucci

 

 

Commentaires

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  1. Bof, tempête dans un verre d’eau.
    Je ne vois pas en quoi sa prose vous dérange, je trouve même votre réponse inutilement acrimonieuse, mais c’est un point de vue.
    Pour le reste, il y a toujours moyen de faire mieux encore faut-il en avoir la volonté de part et d’autre.

  2. Monsieur Thinat, j’entends bien votre colère. D’ailleurs c’est franchement incompréhensible surtout de la part d’un homme de culture tel que monsieur Sueur, sortez ce Grouard qui se cache en vous monsieur Sueur….
    Son communiqué est ridicule il est vrai.
    Mais votre réponse est également, hélas, pas au niveau.
    Vous dites que la censure n’est jamais loin…je ne vous ai pas lu concernant l’attaque de monsieur Perdriau contre Mediapart qui est autrement plus GRAVE plus la liberté !
    Dommage que vous utilisiez d’autres structures comme le CADO, dont je précise je ne suis pas sensible à leur travail mais ils sont essentiels à la vie de la cité, pour défendre le CDN. Vous utilisez les unes contre les autres finalement…
    On se doit de défendre toutes les structures culturelles, surtout face à des personnes comme Serge Grouard, François Bonneau ou Marc Gaudet, qui eux font du mal à la Culture !
    Monsieur Sueur n’a fait qu’un pipi de chat…dans son coin.

  3. Je me dois de répondre à la prose de Bernard Thinat.
    Celui-ci dénie le droit à un sénateur de s’exprimer sur le théâtre, mettant ainsi en cause la liberté d’expression, principe fondamental qui vaut pour toutes et tous, et pour les élus comme pour quiconque.
    Il ajoute que dès lors qu’un élu s’exprime sur ce sujet, « la censure n’est pas loin », ce qui est un absurde, indigne et méprisable procès d’intention.
    Si tel était le cas, les élus ne pourraient plus rien dire, ce qui serait injustifiable. Ils devraient se contenter de voter des subventions ou, pour les parlementaires, le budget de l’État qui permet le fonctionnement des Centres dramatiques nationaux (CDN), moyennant le respect d’un cahier des charges.
    Bernard Thinat, de surcroît, semble n’avoir pas lu mon texte. J’y déclare, à deux reprises, mon total attachement à la création contemporaine. Cela ne l’empêche pas d’affirmer le contraire. Et pour justifier son assertion, il me soupçonne de ne pas avoir aimé un spectacle que je n’ai pas vu, et dont je ne pense donc rien ! On appréciera la subtilité de ce nouveau procès d’intention.
    Bernard Thinat m’apprend qu’il y a trois salles au Carré Saint-Vincent. Je l’en remercie. Je me souviens même en avoir construit deux, avec mon cher adjoint à la culture, Augustin Cornu.
    Il m’apprend qu’il y a une pluralité de structures. Comme j’ai pu obtenir la création du CDN et du Centre Chorégraphique National (CCN), je le remercie encore de cette information exclusive ! Il doit penser que j’ai oublié.
    Il prêche finalement pour la complémentarité de la création contemporaine et de la représentation des œuvres de tous les temps, ce qui est exactement ce que j’ai écrit. Bernard Thinat, que la contradiction ne semble pas effrayer, s’échine donc, tout en partageant mon propos, à m’accuser sans produire le début du commencement d’un argument qui tienne debout.
    Mais, après tout, qu’importe ! La liberté de la presse ne s’use que si l’on ne s’en sert pas.
    Jean-Pierre Sueur

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