L’acteur et metteur en scène Stanislas Nordey de passage à Orléans

A l’issue de la représentation de « la Question » d’après le récit d’Henri Alleg, donnée au Théâtre de la Tête Noire ce jeudi, l’acteur, metteur en scène et Directeur du Théâtre National de Strasbourg, a rencontré Magcentre pour parler de ses choix artistiques, de ses projets et de l’actualité.

Interview réalisée le 19 janvier, jour de grève et de manifestations

Propos recueillis par Bernard Thinat

Magcentre : En 2020, vous avez mis en scène et joué « Qui a tué mon père » d’Édouard Louis, puis cette année vous portez à la scène « la Question » d’Henri Alleg, deux textes d’une grande violence, le premier d’une violence politique, le second d’une violence physique. Qu’est-ce qui vous amène vers ces deux textes ?

SN : Tout d’abord, la langue, la qualité de la langue. Celle d’Henri Alleg est une langue au cordeau, sèche, qui permet de ne pas être dans le pathos, celle d’Édouard Louis, c’est celle de l’auto-fiction où l’on raconte ses histoires familiales, c’est une langue qui me touchait. A chaque fois, c’est un coup de cœur littéraire. J’ai été élevé par Pasolini, c’est le mélange entre le poétique et le politique, ce sont des textes qui parlent à tous, je pense toujours au public quand je choisis un texte. Ce sont deux textes qui touchent à l’universel.

Photo – Jean-Louis Fernandez

Magcentre : Comment vous sont parvenus ces textes ?

SN : La genèse des deux spectacles est très différente. Un jour, après une lecture sur la violence, Édouard Louis était présent. Nous avons parlé ensemble et je lui ai proposé d’écrire pour le théâtre de Strasbourg. Un an après, il m’envoie un texte, « Qui a tué mon père », et dans la conversation qui a suivi, il me dit qu’il faut que ce soit moi qui le joue. Je n’avais pas prévu cela, mais à la première lecture, je m’étais dit que ce texte devait être agréable en bouche. Ceci dit, il ne me l’aurait pas demandé, je l’aurais sans doute confié à un autre metteur en scène. C’est un texte où je n’ai rien coupé, il a été écrit pour le théâtre.

Magcentre : Et concernant la Question ?

SN : C’est très différent. Laurent Meininger que je connais depuis longtemps, un jour m’appelle et me dit qu’il veut mettre en scène « la Question ». Il me dit qu’il ne voit personne d’autre que moi pour le porter sur scène. Je lui ai dit oui tout de suite car c’est un texte que j’ai lu quand je devais avoir 15 ans, le premier texte qui m’a éveillé au monde politique au sens large. Il y avait une sorte d’évidence à me saisir de « la Question ». On a fait du texte d’Alleg une adaptation, on a vraiment sculpté à l’intérieur tous les deux pendant les répétitions, Laurent et moi, pour trouver l’équilibre juste, il dure une heure et je ne pense pas qu’il doive durer plus.

Magcentre : Pourquoi avoir joué à la Tête Noire de Saran ?

SN : Je ne sais pas si vous connaissez l’histoire, mais quand j’ai démarré, c’était en 1988 au Festival d’Avignon dans le Off, avec « la Dispute » de Marivaux. La première structure qui nous a acheté une date fut le théâtre de la Tête Noire, on est venu jouer à Saran il y a 30 ans, et pour nous, c’était comme si on allait jouer à l’Odéon. J’ai donc un rapport presque affectif avec la Tête Noire.

Magcentre : Entre ces deux spectacles, « Qui a tué mon père » et « la Question », il y a des points communs, des passerelles ?

SN : Il y a la frontalité avec un rapport direct avec le public. De même lorsqu’on apprend une langue étrangère, j’apprends à parler le Édouard Louis, le Henri Alleg, le Heiner Müller. C’est ça qui change à chaque fois, je me glisse comme dans un gant, dans une autre langue, aucun spectacle pour moi ne se ressemble. Quand je passe d’Henri Alleg à Pascal Rambert avec « Clôture de l’amour » ou « deux amis » avec Charles Berling, j’ai l’impression de passer d’un corps à un autre, de me glisser dans la poésie de l’autre.

Le Théâtre National de Strasbourg (Shutterstock)

Magcentre : Qu’est-ce que vous préférez au théâtre, mettre en scène un texte écrit pour le théâtre, ou adapter un roman comme le fait Séverine Chavrier ?

SN : Dans tout ce que j’ai fait, j’aime mettre en scène des textes écrits pour le théâtre, dans les 30 dernières années voire les années qui viennent. Parfois, il y a des accidents. Si « Qui a tué mon père » a été écrit pour le théâtre, j’ai le projet de monter « Combats et métamorphoses d’une femme » ainsi que « Changer : méthode » d’Édouard Louis, sorte de trilogie. Les 2 derniers n’ont pas été écrits pour le théâtre et demandent à être adaptés. J’ai énormément d’admiration pour Séverine Chavrier qui adapte Thomas Bernhard ou Faulkner, et je ne sais pas si j’en suis capable. Je vais me confronter à cela l’année prochaine en adaptant « Le Voyage dans l’est » de Christine Angot, et c’est une nouvelle aventure, je n’ai pas cette habitude-là. J’aime respecter les structures d’écriture des auteurs et autrices, prendre l’œuvre telle qu’elle est. J’aime les œuvres dans leur totalité.

Magcentre : En 2015, vous êtes venu au CDN d’Orléans présenter « Répétition » de Pascal Rambert, composé de 4 monologues, et à la fin du vôtre, vous vous exclamez « Jeunes gens, réveillez-vous ». Ils se sont réveillés depuis ?

SN : Oh, je n’ai jamais cru à la force du théâtre comme une force politique pure. Je pense qu’on change le monde en s’engageant, en allant dans la rue. Le théâtre est formidable pour garder les gens éveillés, il a une fonction de veilleur, il va aider à maintenir quelque chose de vivant dans la réflexion. C’est la force du théâtre dans les démocraties.

Stanislas Nordey quitte le théâtre National de Strasbourg fin août 2023 et est remplacé par Caroline Guiela Nguyen

Stanislas Nordey reprendra « la Question » au Festival Off d’Avignon, en juillet prochain, au théâtre des Halles.

Plus d’infos autrement sur Magcentre : La Question avec Stanislas Nordey au théâtre de la Tête Noire

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