Paul Lay : un pianiste sérieux qui joue comme un enfant

Avant son concert solo de ce vendredi 10 février au Théâtre d’Orléans, Magcentre a rencontré Paul Lay. Pianiste de plus en plus demandé. Il nous a expliqué l’importance de l’improvisation et le plaisir de la pratiquer. Et son grand intérêt pour la transmission. Il a animé une master class au conservatoire d’Orléans, et samedi 11 à 17h, un concert de restitution aura lieu au théâtre.

Propos recueillis par Bernard Cassat

Paul Lay jouera en concert le répertoire de son dernier album vendredi 10 février à 20h30 au théâtre d’Orléans.

Magcentre. Pourquoi partir de (ou revenir à) la musique classique ?

Paul Lay : J’ai étudié le piano classique d’abord, et découvert le jazz vers l’âge de 10 ans. Ce retour vers le classique est lié à une invitation à la folle journée de Nantes. Le directeur du festival, René Martin m’a proposé en 2020 la célébration des 250 ans de Beethoven. J’ai décidé de sélectionner certains « tubes », parce que j’avais envie de voir comment je pouvais y poser ma pâte, ma singularité. Beethoven, c’est un maître du rythme, de la forme, de l’élément et du silence, du mystère et du suspense. L’idée était de conserver ces éléments alors qu’il allait y avoir pas mal de plages totalement improvisées.

Magcentre. Comme pour un standard de jazz ?

Paul Lay : Les standards, c’est le patrimoine, l’héritage commun du jazz. Des morceaux qui avaient de l’influence auprès des pairs, auprès des autres musiciens… Round Midnight, par exemple. C’est une mélodie exceptionnelle, tous les musiciens ont voulu s’en emparer parce que c’est un chef d’œuvre. Il y a l’effervescence du be-bop, les formes, la science mélodique évolue, la manière d’improviser aussi. La puissance mélodique de ce morceau est rare. On peut le siffloter, on s’en souvient… Et puis la manière dont Monk joue avec le silence. C’est surpuissant. Thelonious Monk, un monde à lui seul. Ensuite, Miles Davis qui s’en est emparé. Tous les musiciens de jazz diront que c’est un chef-d’œuvre, et le public aussi.

Paul Lay. Photo Sylvain Gripoix

Magcentre. Comment se passent les accords entre musiciens qui jouent ensemble ?

Paul Lay : Il y a des règles du jeu communes. Par l’héritage. On apprend d’abord le terrain de jeu sous-jacent. Il faut par exemple connaître la mélodie, le rythme harmonique, les accords de base. Les ingrédients essentiels. Ensuite, il y a les us et coutumes. C’est un cadre de base : une intro, le thème une ou deux fois, ensuite chacun prend la parole.

Magcentre. Qu’est ce qui fait que c’est réussi ?

Paul Lay : C’est comme une conversation entre amis, heureux d’être ensemble, on se tend des perches, on s’écoute. En jazz, c’est la base, l’écoute intense des autres. Pour créer un son d’ensemble. C’est une musique où 90% est improvisé. Tout est une affaire d’interaction. Chaque musicien a une incidence sur les autres. C’est ça qui est passionnant, et c’est pour ça que chaque concert est différent du précédent. Je vais faire ça parce que lui ou elle a fait ça, on va dans le même sens ou on fait un contrepoint, ou contrepied… Le fait de ne pas jouer, c’est aussi une proposition. Lever les mains. Tout est une affaire de choix dans la responsabilité des propositions. Mais en restant léger. Je répète souvent l’idée exprimée par Picasso, « j’ai essayé de peindre toute ma vie avec le sérieux d’un enfant qui joue ».

Magcentre. La transmission est importante pour vous ?

Paul Lay : Oui, j’aime beaucoup ça. Je fais ça depuis une dizaine d’années.
Au conservatoire du XIIIe à Paris puis depuis 2 ans au Conservatoire National Supérieur de Musique. J’y étais il y a 20 ans comme élève. Le niveau général est vraiment plus fort. Ça doit être lié à Internet, à l’accès aux ressources, de bien meilleure qualité qu’avant. J’essaie, avec toute l’équipe pédagogique, de faire en sorte que le groupe sonne. Donc d’apprendre à s’écouter. Cette écoute de l’autre, pas seulement en musique, bien sûr, c’est une valeur essentielle. L’essence du jazz, c’est l’instantanéité. Il n’y a rien qui est écrit, prémédité. Pour que cette musique soit forte, riche, c’est là, maintenant, qu’est ce que tu dis, qu’est ce qu’on dit ensemble ? Et c’est ça que le public reçoit, presque autant que la substance de la musique. Il y a les notes, le rythme, mais avant tout c’est une énergie, qui crée une émotion.

 

A Orléans, vous avez animé une master class. Comment ça s’est passé ?

Magnifique équipe pédagogique à Orléans et les Aubrais. Il y a eu un travail important de préparation, de sensibilisation. Ils m’ont communiqué les morceaux qu’ils étaient en train de travailler. Des musiciens classiques. Mon idée, c’était comment ils pouvaient apprivoiser l’impro dans cette musique. J’ai essayé de sélectionner des petites fenêtres au sein de leurs morceaux de référence et je leur ai proposé des cellules rythmiques et mélodiques. Un petit microcosme improvisé à l’intérieur de leur pièce. Un moment ou chacun d’entre eux va se frotter à l’impro et à l’écoute mutuelle. En général ils jouent à deux, donc ils apprennent à gérer ce moment. C’était très convaincant par leur curiosité et leur envie. C’est par là que c’est gagné. Susciter de la motivation et de l’autonomie.

Concert de restitution de master class samedi 11 février à 17h au théâtre d’Orléans.
Renseignements

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