Ciné : Le marchand de sable qui se fait marchand de sommeil

Dans Le marchand de sable, Steve Achiepo aborde les questions épineuses de l’immigration et du logement. Ses personnages, une famille africaine de banlieue parisienne, éclatent dans un appartement trop petit. Pour loger sa tante fraîchement arrivée d’Abidjan, Djo va se mouiller dans une maffia vendant le sommeil. Et en paiera le prix.

Par Bernard Cassat

Djo (Moussa Mansaly) et sa mère dans la cuisine. Photo The Jokers Films

C’est la fête d’anniversaire de la mama. La famille, la grande famille africaine, remplit un appartement plutôt petit, danse et rit. Une séquence dense comme la foule qu’elle montre dans cet espace réduit, fait éclater le cadre. La caméra suit des regards, montre des rapports humains compliqués, des sourires complices, des liens forts ou douloureux entre deux personnes au beau milieu des autres. Tous noirs, sauf une blanche, qui se révèle être l’ex-compagne de Djo, donc la mère de sa fille. Des images très riches installent ces rapports particuliers de chaque membre dans et à la communauté. Et nous font rentrer, juste par quelques indications visuelles, dans le mode de vie des Africains en France.

Djo et sa fille, une belle relation. Photo The Jokers Films

Au milieu de cette fête arrive une femme, la tante de Djo. Venant tout droit d’Abidjan. Et la coutume veut qu’on lui offre l’hospitalité, à elle et à ses trois enfants, dont une enfant albinos. Djo doit se charger de trouver une solution. C’est le début d’un triste inventaire, celui des lieux inacceptables qui hébergent des immigrés. Qui vont conduire Djo à essayer de trouver des solutions plus dignes, donc se heurter à ce qui ressemble à une maffia. Celle des marchands de sommeil, qui font payer des sommes considérables des lieux vidés au préalable manu militari. Entassant les familles, trimballant les gens de droite à gauche. On ne comprend pas tout, et d’ailleurs les immigrés hébergés ne comprennent rien. Mais Djo, par des alliances familiales, des coups de main et quelques billets, est obligé de faire ce qu’il réprouve.

Une terrible cour des Miracles

Dans ce domaine qui met en jeu une organisation de type maffieux face au problème social, le film n’hésite pas. Même si Benoit Magimel incarne un chef de gang cynique à souhait, il reste un personnage très secondaire. Les lieux par contre, notamment une série de caves, nous font descendre dans les bas-fonds de la société. Des miséreux, blancs ou non, vieux ou enfants, survivent dans cette cour des Miracles.

Steve Achiepo a travaillé dans l’immobilier parisien avant le cinéma. Il connaît ce milieu, il sait ce qu’il s’y passe. Et son film, on le sent très vite, conduit à la catastrophe. D’abord les engrenages qui font de Djo un marchand de sommeil un peu malgré lui, et ensuite les magouilles, les arnaques qui ne peuvent que mal finir. Qui ne sont pas que financières. Des gens sont manipulés, sont trimballés comme un troupeau d’animaux.

Transbordement d’un logement précaire vers un autre logement précaire. Photo Léa Rener

Les personnages qui nous racontent cela sont très attachants. Djo (Moussa Mansaly) se débat dans des situations terribles, pris entre une réalité urgente et un déni, une envie de laisser-aller, de se laisser vivre. Son ex Aurore (Ophélie Bau), par son métier, doit elle aussi faire face à de terribles choix, notamment celui posé par cette femme qui a subi l’enfer pendant son trajet vers la France. Les organisations qui s’occupent de ces gens-là ont aussi des règles, parfois protectrices, parfois douloureuses à respecter. Et puis toute la famille de Djo, notamment Augustine, cette fille albinos qui porte aussi en elle tous les mythes africains, construit un récit très convaincant.

Ce premier long-métrage de Steve Achiepo est une belle réussite. Sur des questions complexes et récurrentes, l’immigration, le problème du logement, il choisit un récit familial et humain qui évite tout pathos. Et surtout sa maîtrise de l’image lui fait trouver un style efficace, sincère, une manière d’aborder le réel avec grande humanité. On est loin de Pimprenelle et Nicolas !

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