Expos : cap au sud

Envie de quelques jours dans le Sud ? N’hésitez pas à passer par Sète et Montpellier où vous attendent deux expositions tout à fait inattendues. L’une vous conduira au musée d’Art Brut de Montpellier, un lieu étonnant. L’autre à Sète où la maison de la photographie (organisatrice d’ Images Singulières, un important festival de photographie documentaire, qui aura lieu cette année à Sète du 18 Mai au 11 juin 2023, avec un week-end d’ouverture  à ne pas rater du 18 au 21 mai ) présente le beau travail au long cours de la photographe Claudine Doury le long du fleuve Amour en Sibérie.

Par Bénédicte de Valicourt


« Pascal Verbena, habitacles et destins »

Pascal Verbena est un Marseillais pur jus. Fils d’une marchande de poissons du vieux port où il vit toujours aujourd’hui, il a fait l’école de la rue. « Il a tout fait, tout essayé et c’est un autodidacte facétieux », explique Patrick Michel, fondateur avec son frère Denys du Musée d’Art Brut de Montpellier, une vraie merveille à visiter sans attendre.

Pascal Verbena devant ses habitacles. Musée d’Art brut de Montpellier © Valicourt.

A côté de lui, Pascal Verbena assis devant ses œuvres, sourit en coin. Facétieux en effet. Il y a là ses beaux et mystérieux dessins monochromes à l’encre. A côté « L’arbre de vie », « L’Ange gardien », « Le crabe » et d’autres drôles d’armoires sculptées plus ou moins imposantes en bois clair trônent. Ce sont des « habitacles ». Sorte de sculptures à mécanismes que l’artiste, visiblement aussi grand ébéniste, a réalisé sans un clou, dans des bois flottés ou récupérés dans le centre de tri où il travaillait. Le visiteur ne peut malheureusement pas ouvrir les portes, manipuler les tiroirs, faire bouger des volets mobiles… « Une œuvre dans l’œuvre », explique Pascal Verbena. Car, dans les niches dont certaines sont sans issue, il y a les « trésors » que l’artiste y a enfouis : pinces de crabe, poupées de bois, miroirs…

Ou terre de cimetière et photographies d’humains supposés disparus pour « Holocauste » son triptyque monumental de 5 mètres de long dont il nous parle mais qui n’est pas là aujourd’hui. Cette œuvre qu’il a achevée en 1988 est l’une de ses plus connues. Il l’a réalisée en pensant à son grand-père raflé par la Gestapo quand une amie lui a rapporté de la terre d’Auschwitz. Elle a élu domicile chez un très grand collectionneur de New York avant d’atterrir au musée d’Art brut de Lausanne, où elle est encore. On regrette un peu de ne pas la voir à Montpellier, mais on l’imagine aisément. « Voilà comment peuvent se créer des œuvres qui sont encore d’actualité, nous explique-t-il. Pour cela, j’ai besoin du matériau bois sur lequel l’usure du temps a posé sa patine ». Le dessin est quant à lui venu beaucoup plus tard. Il le réalise à l’encre indélébile. Du coup, quand il pose un trait, il ne peut plus l’effacer. De quoi, dit-il, « partir sur des chemins de traverse et s’ouvrir des tas de possibles ».

Musée d’Art Brut. 1 rue Beau Séjour, Montpellier

jusqu’au 30 avril.
www.musee-art-brut-montpellier.com

Odyssée sibérienne le long du fleuve Amour

Claudine Doury photographe de l’agence Vu parle vite, comme pressée par le temps. C’est d’ailleurs pour faire un retour sur le temps, y compris sur son temps à elle, qu’elle est repartie sur le fleuve Amour en Sibérie, 27 ans après son premier voyage de 1991. Depuis elle y est revenue souvent, très souvent et a photographié ces peuples natifs de Sibérie, qui lui ont valu ses galons de grande photographe primée par plusieurs prix. Un travail sur le temps long, au plus près des gens, magnifique. Et un vrai voyage, tout en nuances, aux confins de cet Est extrême et presque inconnu.

© CLAUDINE DOURY VU IN CAMERA

Interview Claudine Doury

 

Magcentre. Que représente pour vous ce voyage de 1991 en Sibérie ?

Claudine Doury : C’est mon premier grand voyage. Je travaillais comme iconographe à Libération et je commençais à être photographe. Je regardais beaucoup les Atlas et je suis tombée sur l’Amour, ce fleuve au fin fond de la Sibérie qui porte un si beau nom. Cette planète « Mars » s’ouvrait à moi. C’était comme une branche pour échapper à mon village. Je n’avais qu’une envie, c’était d’aller dans ce bout du monde inconnu.

Au-delà du nom, pourquoi suivre ce fleuve sibérien qui s’étire sur 4 400 kilomètres de long et forme une frontière avec la Chine ?

Les fleuves m’intéressent, c’est une ligne conductrice pour rencontrer un territoire. J’avais proposé au magazine Géo d’aller photographier le fleuve, de son origine à son embouchure. Une fois sur place en août 91, je découvre la vie le long du fleuve, les nombreux peuples natifs asiatiques en voie de disparation qui y vivent. Il y a aussi dans les villages de petits musées très bien faits. Un jour, je tombe sur la photo d’une femme Oroqen avec un enfant. Elle aurait pu être d’Edward Sheriff Curtis, le grand photographe américain que j’admirais. Je me dis alors c’est incroyable, on ne parle jamais de ces natifs de Sibérie. C’est d’ailleurs de là qu’est né mon grand projet sur les peuples de Sibérie que j’ai photographiés en noir et blanc. De 1996 à 1998, j’ai sillonné la Sibérie avec trois francs six sous. Je m’intéresse à l’ethnologie et à la culture des peuples. C’est un fil dans mon travail artistique.

En 1999, vous passez à autre chose. Pourtant en 2018, une bourse en poche (lauréate 2017 du prix Marc Ladreit de Lacharrière – Académie des Beaux-arts avec ce projet), vous décidez de repartir en Sibérie. Pourquoi ?

Je n’oublie jamais les gens que j’ai photographiés. J’aime beaucoup cela, ce lien qui compte. Et à un moment donné, j’ai repensé à ceux que j’avais rencontrés sur le fleuve Amour. J’avais gagné un prix et j’ai eu envie de partir à la recherche de ces trois sœurs que j’avais photographiées petites. Beaucoup de gens n’étaient plus là, car dans ces régions, où il n’y a toujours pas d’eau courante et où l’on vivote de la pêche, les jeunes partent. J’ai retrouvé une des sœurs avec qui j’ai longuement parlé, mais je ne l’ai pas photographiée. Cette fois, j’avais envie de porter mon attention sur tous les Sibériens et j’ai fait de belles rencontres. Comme cette Dasha qui est la dernière que j’ai photographiée et qui m’a beaucoup touchée. Ou cet homme en maillot dans son canot gonflable sur le fleuve tout seul avec un accordéon. Je n’ai pas gardé la photo mais il résumait à lui tout seul une certaine mélancolie sibérienne.

Pensez-vous un jour retourner en Sibérie ?

Pour moi, la Sibérie est un peu comme le tissage de Pénélope, un travail que je ne voudrais jamais voir fini. C’est un tissage sur le temps. Maintenant avec la guerre, je ne reviendrai peut-être jamais là-bas. Et pour l’instant je laisse tout cela reposer. Mais si je pouvais, j’adorerais travailler sur les archives qui sont au musée d’ethnologie de St Pétersbourg. Toute la culture et l’histoire de la conquête de ces peuples de l’Est sont dans ce musée.

« Amour. Une odyssée sibérienne » de Claudine Doury, au Centre photographique documentaire Images Singulières. Jusqu’au 9 avril

17 rue Lacan, Sète : 04 67 18 27 54

Du mardi au dimanche de 14H à 18H

www.imagessingulieres.com

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