Ciné: “Sept hivers à Téhéran”: la barbarie du régime

L’histoire d’une jeune iranienne, Reyhaneh, est documentée par une réalisatrice allemande à partir de matériel video et audio transmis par sa famille. Images réelles ou reconstituées s’entrechoquent dans des séquences parfois difficilement définissables. Mais le propos est terriblement poignant. La loi du talion, œil pour œil, vie pour vie, régente plus que jamais les tribunaux iraniens !

Par Bernard Cassat

 

Reyhaneh pendant la comparution. Capture film

Steffi Niederzoll est une jeune réalisatrice allemande lorsqu’elle lit dans la presse l’histoire de Reyhaneh, accusée de crime par la justice iranienne et en attente de son exécution. Par différents hasards, elle rencontre à Istanbul des membres de la famille qui lui montrent beaucoup de matériel audio et visuel. A partir de cela, elle s’engage dans un projet documentaire pour reconstituer l’histoire de Reyhaneh.

Une maquette de prison comme une maison de poupée

Les documents les plus importants sont des enregistrements téléphoniques à sa mère dans lesquels Reyhaneh explique de sa prison ce qu’il s’est passé. Plusieurs appels successifs. Son récit porte sur les événements qui l’ont conduite là et sur les traitements qu’elle subit. Des tortures à certains moments de l’enquête, qu’elle raconte par écrit. Ces notes sont parvenues à l’extérieur de la prison. Elles sont lues par une actrice, Zar Amir Ebrahimi. Comme Steffi n’a aucune image de la prison, elle a construit une maquette et la filme sur le récit en voix off. Moment fort du film, il y a aussi une grande cohérence. Tout est faux autour de Reyhaneh, les policiers qui l’interrogent veulent imposer leur récit qui n’est pas du tout sa réalité, pour faire d’elle une coupable alors qu’elle est doublement victime : de son violeur et de la police. Cette maquette de prison qui ressemble aussi à un jouet devient terriblement prenante. Surtout qu’une image réelle de la prison plus tard dans le film accrédite encore plus la maquette du début. Idem pour la salle de tribunal, avec une maquette vide et quelques images réelles.

Et renforce l’ambiguïté des images que l’on voit. Beaucoup ont été tournées par des téléphones, et là on sait que ce sont de vrais documents. Tout comme les films familiaux qui montrent l’ouverture et la culture de cette famille très évoluée. Mais pour raconter aussi les moments sans visuels, Steffi a fait appel à des images extérieures des prisons successives et de la ville de Téhéran, tournées par des anonymes d’un collectif iranien.

Sept années de faux procès et de calvaire de la famille

La mère de Reyhaneh, ses sœurs et d’autres membres de la famille ont réussi à venir en Allemagne. Elles racontent à la caméra de Steffi leur long calvaire des sept années pendant lesquelles elles n’ont quasi pas vu Reyhaneh. Et leur engagement, surtout pour la mère, Shole, contre la peine de mort. Avec des moments extrêmement forts, les coups de fil filmés par d’autres membres de la famille où Reyhaneh annonce son exécution pour la minute qui suit. Shole est devant la prison, dans une voiture. Moment silencieux d’angoisse absolument intenable !

Shole, la mère de Reyhaneh. Photo Julia Daschner

Comment en est-on arrivé à exécuter la victime d’un viol ? En fait, son avocat qui par ailleurs prend des risques, explique qu’il pense (il n’a aucune preuve) que l’agresseur poignardé est ou était un membre des services secrets iraniens. En plus, le procès n’est pas au civil, mais relève de la charia, la loi du talion. C’est à la famille du mort de tuer l’auteur(e) du crime. Et le fils de l’homme poignardé, famille très religieuse, ne pardonne pas à l’assassin de son père, donc fait exécuter la sentence.

Ce documentaire ne passera sans doute jamais en Iran. Des images dans le film peuvent d’ailleurs envoyer leur(s) auteur(s) en prison. Mais l’histoire de Reyhaneh est sortie d’Iran déjà de son vivant, des images de télés européennes en font état dans le film. Et que le documentaire continue à donner voix aux femmes iraniennes est primordial. Shole, désormais en Allemagne, continue le combat contre la peine de mort en Iran. Et tout soutien au mouvement Femme, vie, liberté est le bienvenu. Surtout lorsqu’il est aussi poignant.

 

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