Au CADO à Orléans, Agathe Royale livre un vibrant hommage au théâtre

Pour clore la saison du Cado, Christophe Lidon, son directeur artistique, met en scène « Agathe Royale », un face à face entre une actrice sur le déclin et un jeune acteur qui ambitionne le haut de l’affiche. Superbe !

Par Bernard Thinat

“Agathe Royale” – Catherine Jacob – Photo Cado

Agathe et Quentin présentent Médée d’Euripide, quand le dernier fils que la mère n’a pas occis, lui reproche tous ses meurtres. Et tout part à vau-l’eau, Agathe ne sait plus son texte, son fils lui souffle, avant qu’un incident (dont je ne dirai rien) ne vienne mettre fin à la pièce.

La suite est un dialogue entre cette vieille actrice, passée deux ans à la Comédie Française, qui a tout joué ou presque, qui a eu de multiples amants (dont le nombre est à trois chiffres précisera-t-elle), et ce jeune comédien qu’elle avouera avoir elle-même choisi lors du casting, et dont on découvre qu’il sait tout d’elle, qu’il connaît tous les rôles qu’elle a joués, et qui allait lors de chacun de ses anniversaires, lui déposer une gerbe de tulipes sur son palier, des « agathe royale » bien sûr.

Mais ce dialogue entre ces deux artistes, c’est surtout sous la plume de Jean-Benoît Patricot, l’auteur de la pièce, l’occasion de rendre un hommage au spectacle vivant qu’est le théâtre. Brice Hillairet dans le rôle de Quentin, s’adressant au public, s’étonne qu’on ne puisse aimer le théâtre dans un bref discours émouvant. L’auteur a eu la riche idée de permettre à Agathe de décliner un extrait de « l’Ecole des Femmes », quand Agnès raconte à Arnolphe avoir aperçu de son balcon un jeune homme et qu’ils se sont fait mutuellement révérences. On aura droit aussi à un vers de Phèdre de Racine, « Je le vis, je rougis, je pâlis à sa vue », et la pièce se terminera avec le personnage de Puck du « Songe d’une nuit d’été » de Shakespeare, s’adressant à nous, public, « J’espère que la pièce vous a plu… ». Applaudissements nourris et mérités.

“Quentin” – Brice Hillairet – Photo Cado

Catherine Jacob, dans le rôle d’Agathe, resplendit sur le plateau de la salle Touchard. Haute en couleur, coiffée d’une sorte de perruque blanche toute frisée, elle irradie la scène, égratignant joyeusement l’auteur-metteur en scène absent de la seconde représentation, toujours celle où tout va mal, mais laissant à son compère, Brice Hillairet, une place de choix, ne l’écrasant surtout pas par sa présence scénique.

Le metteur en scène précisément, c’est Christophe Lidon, dont la direction d’acteurs est impeccable, Catherine Jacob et Brice Hillairet naviguent sur la scène comme deux poissons dans l’eau, trouvant toujours le ton juste, la bonne réplique pour le plus grand plaisir du public.

Le spectacle sera présenté au prochain Festival d’Avignon, en juillet, puis à la rentrée dans un théâtre parisien. Nul doute que les salles seront remplies.

 

Quelques mots du metteur en scène

Christophe Lidon a reçu MagCentre au cours d’un échange sur la pièce actuellement à l’affiche du Cado, sur sa conception de la création artistique, et sur ses projets dont il ne veut rien dire, mais pour lesquels il donne rendez-vous au public le 16 mai.

Arrivé il y a 8 ans à la Direction du Cado, il crée une pièce par an, cette année « Agathe Royale ». Pour lui, cette pièce, en cours de programmation au théâtre d’Orléans, est certes un hommage au théâtre, mais aussi « aux gens qui vont changer de voie, et qu’il n’est pas inintéressant de parler d’une vie après ». « Quand on a fait un long chemin quelque part, on a besoin de lâcher certaines choses pour se relibérer, pour un nouvel élan », ajoute-t-il. « Quand, à la fin, Agathe dit qu’elle va redevenir « Agathe tout court », elle ne dit pas que ça va être moins bien, ni moins beau, elle dit que ça va être autre chose », précise-t-il.

« Les projets, dit-il, sont des ruisseaux qui deviennent des rivières, qui deviennent des fleuves, et là on peut enfin les monter. Chaque projet a son rythme, des rythmes très différents d’un projet à l’autre : parfois, avec beaucoup de spontanéités, un projet est créé et sort en 6 mois, et parfois il faut des années ».

Jusqu’au 9 avril
https://www.cado-orleans.fr/

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Commentaires

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  1. Bonjour,

    Et surtout merci pour l’article. Je vais voir la pièce samedi. Je vais manquer une partie de ma Vigile Pascale pour cela, la date étant bloquée de longue date, puisque je suis moi-même abonné au CADO et fidèle de la maison. Ça donne vraiment envie. Et on a hâte d’y être.

    À l’occasion, je vous dirai ce que j’en pense. Mais ça promet d’être grandiose. Et puis en plus, il y a les costumes de Chouchane ABELLO-TCHERPACHIAN, toujours magnifiques, somptueux et réussis. Que demander de plus sinon d’y être ? Rien je pense.
    On rajoutera juste quand même un merci à l’inventeur du Théâtre (je parle ici de l’art qu’est le Théâtre, comme il y a la Musique ou le Cinéma par exemple), et à Christophe LIDON pour ses mises en scène toujours réussies et sa géniale Direction du CADO depuis qu’il a repris les rênes en remplacement des fondateurs Loïc VOLARD et Jean-Claude HOUDINIÈRE.

    Bien à vous,

  2. Re,

    Je suis donc allé voir samedi dernier 8 avril 2023 «Agathe Royale». Quel plaisir de revoir Catherine JACOB, que j’avais déjà vue notamment dans «L’Avare» du regretté Jérôme SAVARY, lui-même en Harpagon au passage. Un vrai régal de la voir chanter et réciter les louanges du théâtre avec Brice HILLAIRET, impeccable dans son rôle de fils d’une mère qu’il se rêve et qu’il aimerait bien être Agathe justement. Les effets de mise en scène, que je ne dévoilerai aucunement ici, pour laisser le suspens pour les personnes qui ne l’auraient pas vue et pourraient la voir à Avignon cet été ou plus tard à Paris (probablement au Théâtre MONTPARNASSE, puisqu’il est remercié sur le dépliant présentant la pièce), sont géniaux et bluffants par moments. L’un des jeux et effets de la mise en scène m’a été expliqué à la fin du spectacle par une salariée du théâtre avec qui j’ai échangé sur la pièce car je ne l’avais compris comme tel en assistant à la représentation (c’est dire si c’est bien fait puisqu’on croit que ce n’est pas de la fiction mais bien la réalité).

    Bref, tout sonne juste, surtout lorsque Catherine / Agathe égratigne gentiment mais bien comme il faut tout de même son metteur en scène (traduire Christophe LIDON, notre bien-aimé Directeur du CADO, Metteur en Scène de profession). Et lorsqu’il y a des déclamations de vers de SHAKESPEARE, notamment «HAMLET», ou d’autres pièces, c’est toujours joué avec une infinie justesse. Les deux comédiens semblent s’en être donnés à cœur joie en répétant et faisaient plaisir à voir. Et leur bonheur d’être avec nous était vraiment communicatif. Bref, un vrai bon et grand moment de théâtre comme on les aime, surtout lorsqu’il s’agit d’une éloge du théâtre et d’une déclaration d’amour à cet art (je ne sais plus le combientième il est, sachant que le septième est le cinéma et le neuvième est la Bande Dessinée [et j’avoue bien humblement que je ne sais même plus lequel est la Musique, bien qu’étant pianiste et musicien de formation – j’ai une Maîtrise de Musicologie effectuée sur : «La Musique Minimaliste Nord-Américaine : Aspects et influences» -]).

    Vous aviez donc vu juste dans votre critique de la pièce. J’y souscris pleinement maintenant que j’ai vue cette formidable pièce de Jean-Benoît PATRICOT. Et je ne peux qu’encourager les fidèles lecteurs de Mag’Centre et les autres qui n’auraient pas vu la pièce à aller s’ils le peuvent à Avignon cet été (en espérant qu’il reste des places, ce que j’ignore) ou plus près de nous géographiquement, à Paris lorsque la pièce passera (j’ignore quand, et où, même si comme écrit plus haut, j’ai une petite idée de l’endroit). Vous ne le regretterez absolument pas !

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