L’Australie, des poils et un artiste allemand : les expositions parisiennes à voir absolument

Mai se prête bien à ukne déambulation dans les expositions parisiennes. Notre choix pour ce joli mois et les suivants.

Par Bénédicte de Valicourt

-« Songlines – Chant des pistes du désert australien »

Vous n’êtes jamais allé en Australie et vous aimeriez traverser plusieurs régions désertiques du centre et de l’ouest de l’île-continent ? Rendez-vous en attendant au musée du quai Branly qui invite le visiteur à se plonger sur la piste des Sept Sœurs, l’un des plus importants récits fondateurs aborigènes. Celui-ci transmis de génération en génération, raconte l’histoire de sept femmes poursuivies entre ciel et terre par un homme nommé Yurla ou Wati Nyiru, qui se métamorphose sans cesse. Pour le visiteur, c’est une occasion unique de mieux comprendre la culture aborigène et ses songlines, littéralement « chant des pistes ». Ceux-ci guident les pas des aborigènes à travers le territoire et tout au long de leur vie, un peu comme une carte, reliant entre eux les sites ou les paysages naturels. Bien plus qu’un récit légendaire, ce sont comme on l’apprend en cheminant dans l’exposition des corridors de savoirs, des chemins tracés au fil des millénaires qui renferment les règles de la cohabitation sociale, des connaissances écologiques, astronomiques et géographiques essentielles à la survie de ce peuple.

Fascinant, comme ces « Ainés », porte-parole très respectés de leur communauté, chargés de propager cette mémoire. C’est d’ailleurs un groupe d’Aînés aṉangu, issus des terres APY (Aṉangu Pitjantjatjara Yankunytjatjara) du centre de l’Australie qui est à l’initiative de cette exposition, né d’un projet lancé en 2010 et réalisé par le National Museum of Australia avec le soutien de l’Université nationale. Leur idée ? Préserver grâce au numérique, les récits fondateurs et ouvrir les yeux des jeunes générations aborigènes, trop accaparés par les merveilles technologiques de la vie à l’Occidentale. Ces savoirs sont d’ailleurs désormais conservés sur un site internet d’archives appelé Ara Irititja, géré par les membres de la communauté. Et le projet Songlines semble avoir atteint son but puisqu’il suscite, disent les chercheurs, beaucoup d’intérêt chez les jeunes aborigènes, même s’ils ne parcourent plus les terres pour chasser ou récolter de la nourriture.

Martumili_Arts_Gab_Sullivan

Mais revenons au quai Branly. Il y a là des œuvres de création aborigène, mais aussi une vingtaine d’installations audiovisuelles. On se couche sous une voûte pour suivre la songline des Sept Sœurs, qui couvre tout le continent. On s’immerge dans les tableaux ou les chants et les danses. On écoute les « Aînés » filmés face caméra, qui nous emmènent à travers le désert australien sur la piste des Sept Sœurs. Pour eux, expliquent-ils tout est vivant et tout est à sa place : les gens, les animaux, les plantes, la terre, l’eau et l’air. Etrange et envoûtant.

Musée du quai Branly jusqu’au 2 juillet

www.quaibranly.fr

« Des cheveux et des poils »

Dis-moi comment tu te coiffes et je te dirai qui tu es. L’assertion est vraie dans toutes les cultures. Mais, c’est pourtant uniquement sur la culture occidentale que l’exposition du musée des Art Décoratifs a choisi de se focaliser, à travers plus de 600 objets et peintures du XVe siècle à nos jours. Une belle façon d’entrer au cœur de cette matière, qui a tant fait parler d’elle au cours des siècles. Normalité ou anticonformisme, séduction ou répulsion, les cheveux sont, mais pas seulement, la frivolité sous toutes ses formes. Si leur couleur est associée en Occident à des images stéréotypées, ils sont également l’un des principaux atouts de la séduction. Le plus souvent d’ailleurs, jusqu’à une période récente, on contrôlait strictement leur nature pour se conformer à une certaine bienséance sociale qui, elle aussi, a varié au cours des siècles. Mais les cheveux sont aussi le symbole du temps qui passe et de la perte, acceptée ou non, comme en témoigne cette curieuse habitude du XIXe siècle qui consistait à conserver en souvenir de son enfance ou d’un cher disparu, une mèche de cheveux dans un cadre, un médaillon, un bracelet ou un collier. Matériau de mise en scène de soi, le cheveu est également devenu au XXe siècle, un matériau de création en lui-même. On pourra s’en rendre compte, en admirant – ou pas – cette énorme bouche de cheveux blonds dessinée par Charlie le Mindu, icône de la coiffure, réalisée pour le clip de la chanson « Bad Romance » de Lady Gaga. Les visiteurs pourront aussi approcher les secrets des perruques avec des modèles du XVIIe à nos jours, en passant par celle d’Andy Warhol. Tout un programme.

Affiche de l’exposition

Musée des arts décoratifs, jusqu’au 17 septembre

www.madparis.fr

« Thomas Demand – Le bégaiement de l’histoire »

Il ne reste que quelques jours pour se précipiter au Jeu de Paume à Paris où se tient une grande rétrospective de l’artiste allemand Thomas Demand. L’homme, dont le travail est pour le moins singulier, y met en scène des photos grandeur nature et souvent XXL. Ils les réalisent en photographiant des maquettes de papier qu’il fabrique lui-même avec des milliers de petits bouts de papier, qu’ils collent sur un support – par exemple des troncs en carton pour Lichtung (Clearing 2003) -clairière-, la maquette d’une forêt grandeur nature – et une fois le cliché dans la boîte, il s’empresse de jeter l’encombrante maquette. L’image obtenue est presque parfaite, mais pas tout à fait. De quoi, comme le souhaite Thomas Demand, obtenir une évocation ni vraiment précise, ni vraiment abstraite non plus. Une sorte de reflet déformant de notre monde, qui interroge, l’artiste prenant pour source d’inspiration des photos tirées de la presse, d’Internet ou de livres dont il expurge systématiquement toute présence humaine. Cela permet de laisser libre cours à l’imagination du spectateur, qui peut ainsi interpréter à sa guise les éléments qu’il voit. Et interroger la fabrique et la circulation des images et comment elles deviennent une information.

Thomas Demand, Grotte

Il y a là une soixantaine d’œuvres. C’est l’artiste lui-même qui les a mises en scène dans une scénographie très inventive, avec force papiers peints en trompe-l’œil, et pièces dérobées. Ainsi, dès l’entrée le visiteur plonge dans l’artifice, en pénétrant dans un décor qui reproduit la chambre d’hôtel russe, froide et anodine, où s’était réfugié en 2013 Edward Snowden, le lanceur d’alerte. Une pure invention, aucune image du lieu n’ayant jamais été diffusée dans la presse. Etrange et inquiétant. Dans une autre salle, consacrée à l’art, il y a la photo d’un immense étang de nénuphars en papier (Pond, 2020), allusion au tableau de Monet. A côté, c’est l’atelier d’Henri Matisse, vu sous un angle fort étrange : des chutes de papiers colorés jetés sur le sol. De quoi montrer le processus de fabrication de l’art, ses ratés et ses rebonds. Le tout est spectaculaire et vaut vraiment le détour.

Au Jeu de Paume jusqu’au 28 mai.
www.jeudepaume.org

Et aussi :

Basquiat × Warhol, à quatre mains,

Au total Andy Warhol (1928-1987) et Jean-Michel Basquiat (1960-1988) ont réalisé 160 toiles en commun. Une fructueuse collaboration, à découvrir à la fondation Louis-Vuitton jusqu’au 28 août.

– Matisse. Cahiers d’art, le tournant des années 30.

A l’Orangerie jusqu’au 29 mai 2023

– « Norman Foster »

Le grand architecte se met en scène et a les honneurs du Centre Pompidou, jusqu’au 7 août. www.centrepompidou.fr

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