Nezouh : une adolescence sous les bombes à Damas

Les bombes ne trouent pas seulement les murs, elles ouvrent aussi des brèches dans les esprits. Entre documentaire et fable, le film de Soudade Kaadan, tout sympathique qu’il est, reste à la surface de toutes les directions qu’il propose. Sur une très belle idée, le mince fil qu’elle déroule est trop ténu pour tenir jusqu’au bout. Dommage.

Par Bernard Cassat

La famille de Zeina. Photo Pyramides Films


On s’est tous demandé comment les gens pouvaient continuer à vivre lors de conflits comme ceux de Beyrouth en son temps, la Syrie, ou actuellement l’Ukraine. Le film de Soudade Kaadan aborde cette question. A travers le personnage d’une jeune ado, la réalisatrice et scénariste franco-syrienne évoque tout à la fois la guerre civile dans un Damas détruit et coupé en quartiers, la vie de famille régentée par le patriarcat, l’enfermement des filles et des femmes que la tragédie guerrière fissure, mais aussi la découverte de l’autre sexe, donc de l’amour, et la poésie nichée dans des situations inhabituelles.

Les deux adolescents, Amer et Zeina (Nizar Alani et Hala Zein). Photo Pyramides Films


Mélange de thèmes, donc, mais aussi mélange de genres. Le côté presque documentaire du décor ouvre sur la rêverie poétique de Zeina, qui avoue n’être jamais montée sur le toit de son immeuble ! La vue des étoiles au-dessus de son lit, à travers le plafond percé par une bombe, amène des idées nouvelles, des rapprochements qu’elle n’avait jamais imaginés. Même si, plusieurs fois, elle dit sa connaissance du monde à travers la télévision. La rencontre d’Amer, son voisin plutôt futé, très branché matériel de cinéma, va concrétiser cette direction du film. De l’enfermement initial dans l’appartement encore intact à l’ouverture à tous vents des murs détruits et des plafonds éventrés, Zeina et sa mère vont s’émanciper encore plus en fuyant seules. Le père, personnage un peu niais mais très présent, fera lui aussi un long parcours pour que la famille continue à exister.

Une fable pleine de symboles

Les mots, c’est plutôt le domaine du père, qui ne cesse de répéter des attitudes convenues sur la protection de la famille, que par ailleurs il n’arrive pas à assurer en ces temps de terribles menaces. Et il bute sur certains mots, comme « réfugié », ce qu’il ne veut pas devenir. Zeina au contraire a peu de mots mais beaucoup d’images. De belles images symboliques, le ciel-mer, le trou dans le plafond par lequel le regard, puis le corps, s’échappent. C’est à travers ces images que le film développe sa dimension de fable. Les deux ados, Zeina et Amer, vont aller jusque de l’autre côté, en passant par ce fameux tunnel qui évoque Gaza ou les villes assiégées. C’est une fuite (nezouh en arabe signifie la fuite, l’exil), mais aussi la continuation de leur initiation à la vie, puisque le film a aussi cette direction.

Zeina sur le toit découvre sa ville, Damas. Photo Pyramides Films


Malgré le mélange des thèmes et la multiplicité des genres, Nezouh est tout de même très mince. Soudade Kaadan le remplit de petits riens, jolis mais peu parlants. Ou trop exploités, comme cette canne à pêche qui se veut poétique mais tombe un peu à plat, la mer étant ici plus un lieu de fuite qu’autre chose. Peut-être n’a-t-elle pas su aller assez loin dans aucun des différents genres qu’elle aborde, réalisme, poésie, féminisme, amour adolescent. C’est d’autant plus dommage que la Syrie, maintenant qu’elle est sortie des radars médiatiques, a besoin de relais artistiques pour rappeler que la situation de guerre civile perdure. La réalisatrice n’arrive pas à transformer l’ingénuité des adolescents en véritable force artistique, restant dans un film sympathique et touchant mais pas percutant, alors que la situation du pays le demande.

 

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