Sénatoriales en Indre-et-Loire, l’équation de Jean-Gérard Paumier (LR)

Cruelles, ces élections sénatoriales en Touraine qui se profilent à l’automne : avec une gauche victorieuse aux municipales à Tours en 2020, la droite qui jouissait jusque-là des trois postes de sénateur qu’offre l’Indre-et-Loire va perdre au moins un siège au Sénat, la gauche récupérant quasi-mécaniquement une place, vu le mode de scrutin indirect.

Par Joséphine


On se dirigeait donc vers un embouteillage de candidatures à droite, annonçant un jeu serré, mais Dieu merci, l’annonce de départ à la retraite du sénateur LR sortant Serge Babary a soulagé une partie de cette famille politique.
 Très vite d‘ailleurs, 
Jean-Gérard Paumier s’est jeté sur le strapontin vacant, alors même qu’il a été élu président du Conseil départemental d’Indre-et-Loire il n’y a pas si longtemps – à l’été 2021 – et ce pour un mandat de sept ans.
 Attitude semi-élégante envers les électeurs qui lui ont fait confiance direz-vous, mais bon voilà, tout le monde fait comme ça dans le milieu. Babary n‘avait-il pas quitté son mandat de maire à mi-parcours pour partir ronronner sous les ors de l’auguste chambre haute en 2017 ?

Mais attention, ce n’est jamais simple, les chaises musicales à des niveaux si élevés. Il a fallu d’abord pour Paumier convaincre la sénatrice LR sortante Isabelle Raimond-Pavero de se ranger derrière lui et de perdre probablement sa place, en un sublime sacrifice. Puis patatras, caillou dans le mocassin verni de Paumier : le président de la Chambre de Métiers et d’Artisanat – le cultissime Gérard Bobier – est sorti du bois et a annoncé sa candidature, convaincu de siphonner assez de voix d’élus de droite des petites communes pour tenter sa chance. Enfin, le sénateur centriste sortant Pierre Louault, lui aussi en départ pour une retraite bien méritée a laissé sa place à… Louault Vincent, son fils, en un émouvant passage de flambeau familial si typique dans nos contrées. Le fiston compte avec le soutien de tout un réseau d’élus dans le Lochois ainsi que de poids lourds du coin tels le député Henri Alfandari et le patron des patrons, Philippe Briand himself. Mieux, c’est carrément Édouard Philippe et le parti Horizons qui soutiennent également cette candidature, partie donc sous les meilleurs auspices.

Racoler à droite toute

Dès lors, Paumier a dû se résoudre à bien calibrer sa campagne pour assurer son élection dans ce contexte compliqué. Certains élus de la majorité au Conseil départemental s’amusent d’ailleurs des petites cordialités offertes par la Maison : des mairies ont reçu gracieusement un buste de Marianne, des élus ont reçu un petit livre dédicacé à la Noël, une subvention pour maintenir les compétitions sportives de l’UNSS a été octroyée, pour le plus grand plaisir des communes où il y a un collège. Bref, de quoi fluidifier le vivre-ensemble. Mais le souci, c’est que Paumier s’est fait déborder par son centre-droit, et il se retrouve donc à devoir aller chercher les voix les plus droitières et les plus cathos, notamment auprès des élus de l’opposition de Tours ou de certains coins du département, par exemple Descartes ou l’Ile-Bouchard, peu connus pour leur progressisme. Ainsi, Paumier s’affiche depuis des mois avec Olivier Lebreton, ancien adjoint à la sécurité à Tours connu pour ses saillies sécuritaires et conservatrices, histoire de montrer à tous les élus LR du département qu’il n’hésitera pas à porter une ligne dure au Sénat, sans se vendre aux macron-compatibles d’Horizons. Et pour séduire le segment catho de son électorat potentiel, Paumier s’est appuyé sur Cécile Chevillard, élue d’opposition à Tours, connue pour ses positions traditionalistes, son soutien à la Manif pour Tous tendance Civitas et ses proximités avec le RN et Reconquête via notamment Stanislas de La Ruffie, figure locale du mouvement réactionnaire, tendance châtelain.

Cette stratégie du sabre et du goupillon est devenue explicite lors de la Nuit du Bien Commun organisée il y a quelques jours par la cathosphère de Tours, comme l’évoque  mon précédent article. Lors de cette soirée privée de levée de fonds à but caritatif – et de défiscalisation -, Cécile Chevillard était invitée à pondre un discours inaugural en tant qu’élue du Conseil départemental, sans que l’on comprenne véritablement à quel titre elle intervenait. Discours par ailleurs remarqué – en un silence gêné –, notamment les tirades sur « la Touraine terre bénie des Dieux » qui ont laissé un goût aigre-doux à une partie de l’assistance, soufflée par tant de laïcité de la part d’une élue de la République.

25 000 euros pour des casseroles ?

Détail intéressant, parmi les associations participant à la soirée et demandant de l’argent, on retrouvait le Café Joyeux, qui a ouvert il y a quelques mois avenue Grammont à Tours et dont le but est l’insertion et l’autonomisation des personnes en situation de handicap en leur proposant un travail. En réalité, il s’agit d’une sorte de chaîne présente un peu partout en France et identifiée par la presse comme issue de milieux catholiques intégristes, anti-avortement et ultra-conservateurs. Quelle ne fut pas la surprise d’un certain nombre d’élus du Conseil départemental et d’acteurs du social et de la culture qui assistent à des baisses répétées de leurs budgets, de voir que ce vendredi 30 juin, lors de la séance de l’assemblée départementale, il est proposé d’attribuer une subvention exceptionnelle de 25 000 euros au… Café Joyeux de Tours.

Interrogé en commission par l’opposition sur ce drôle de choix et la coïncidence des dates entre la soirée caritative et cet octroi de subvention, Paumier a semblé sur la défensive. Il dit avoir consulté les services préfectoraux sur la légalité d’une telle subvention, en une sérénité visiblement toute relative. Face au flou de l’objet de cette subvention, il a précisé que c’est pour acheter du matériel de cuisine, et ce alors que le Café Joyeux est flambant neuf et propose déjà de la restauration. Interpellé sur les conditions sociales et d’emploi proposées par le Café Joyeux, il a répondu vouloir se renseigner au plus vite, bottant en touche, un peu gêné. Du reste, ni le cabinet de M. Paumier ni les services de la communication du Conseil départemental n’ont souhaité répondre à mes quatre interpellations à ce sujet.

On ne va pas se mentir, le suspens est limité et sauf énorme surprise, Vincent LouaultJean-Gérard Paumier et le socialiste tendance très light  Pierre-Alain Roiron partiront représenter la Touraine au Sénat. Mais cette élection assez confidentielle qui passionne peu les foules en dit beaucoup sur la reconfiguration locale du rapport de force à droite entre LR et Horizons, tout comme elle dit beaucoup sur les dynamiques à gauche, nous y reviendrons bientôt…

Le Blog de Joséphine

Plus d’infos autrement sur Magcentre : Nuit du Bien Commun : quand la cathosphère s’affiche à Tours

Commentaires

Toutes les réactions sous forme de commentaires sont soumises à validation de la rédaction de Magcentre avant leur publication sur le site. Conformément à l'article 10 du décret du 29 octobre 2009, les internautes peuvent signaler tout contenu illicite à l'adresse redaction@magcentre.fr qui s'engage à mettre en oeuvre les moyens nécessaires à la suppression des dits contenus.

  1. Bon papier politique qu’on ne lira jamais dans la presse locale, la “Pravda” de l’avenue de Grammont !

  2. Vers une représentation sénatoriale du département 100 % masculine ? C’est pas joli, jolie…

Les commentaires pour cet article sont clos.

Centre-Val de Loire
  • Aujourd'hui
    18°C
  • mardi
    • matin 11°C
    • après midi 14°C
Copyright © MagCentre 2012-2024