Gestion de l’eau : « La sobriété n’est plus une option » pour les sénateurs

« L’idée que les ressources en eau seraient toujours disponibles pour répondre à nos besoins a vécu », alertent dans leur rapport les sénateurs de la mission d’information sur « La gestion durable de l’eau », menée par le sénateur LR du Cher, Rémy Pointereau, et son rapporteur Hervé Gillé (SER, Gironde). Ils réclament « une politique de l’eau ambitieuse » avec de véritables moyens.

Par Zoé Cadiot


Point de discours apocalyptique des deux hommes sous les ors républicains mais un état des lieux explicite pour mieux définir et relever les défis hydriques qui nous attendent.
 
« On a connu par le passé d’autres périodes de sécheresse », avertit en préambule l’élu berrichon, avant d’égrener les nombreux épisodes qui ont marqué notre mémoire.
 Et ce depuis 1947 ! « Mais force est de constater que le phénomène s’amplifie depuis les années 1980 ». Porté par l’intensification des épisodes de canicule et de sècheresse, avec les impacts que l’on connaît, on observe en effet une accélération du phénomène. « On a d’ailleurs enregistré depuis ces années, une diminution de 14 % de la ressource en eau renouvelable », poursuit le conseiller municipal de Lanzay (Cher), qui redoute dans certaines régions une multiplication des conflits d’usage.

Le sénateur du Cher Rémy Pointereau, président de la mission d’information sur la gestion de l’eau. Photo Zoé Cadiot

Spécificités territoriales

« D’un territoire à un autre, la situation est complétement différente. D’autant que l’eau n’est pas présente partout. Regardez dans notre région, nous avons la nappe phréatique de Beauce qui est une des plus grandes réserves souterraines de France, avec celle de la plaine du Rhin et en même temps vous avez des zones comme dans l’Indre où l’eau est très rare dans les sous-sols. On a que des rivières et donc peu de possibilité d’irriguer. Dans le Cher, on a également un grand nombre de cours d’eau qui dépendent aussi du Massif central. Et malheureusement, madame Voynet (ministre de l’Environnement du gouvernement Jospin ndlr) nous a privés en 1999 du barrage de Chambonchard alors que c’était un beau projet pour réalimenter les rivières, soutenir l’étiage, et pourquoi pas faire de
l’hydro-électricité »
, précise non sans agacement l’élu, exploitant agricole dans le civil.
 « Finalement quand on regarde la situation dans toute la région Centre, l’irrigation n’est pas si importante qu’on veut bien le dire car les surfaces irriguées représentent
10-15% de la surface totale.
 On constate même une régression de surfaces irriguées avec les problèmes d’investissement, les interdictions et les difficultés pour constituer des réserves qui font peur à certains. C’est dommage car si on veut garder des agriculteurs sur notre territoire, à terme, c’est quand même mieux d’avoir une retenue ou la possibilité d’irriguer quelques hectares pour rentabiliser, maintenir les exploitations et installer les jeunes ».

53 propositions

Pour faire face au défi de la gestion partagée et durable de l’eau, « ressource de plus en plus rare et précieuse », le sénateur Pointereau brandit les 53 propositions du rapport, visant à associer l’ensemble des acteurs de la filière dans un usage partagé de l’eau. D’autant que pour ces élus de la Chambre haute, la gestion de l’eau ne peut pas être que nationale. L’engagement territorial, à les écouter, est nécessaire, pour ne pas dire indispensable au regard des prospectives : « A l’horizon 2050, la vitesse de recharge des nappes devrait diminuer de 10 à 25 %, les débits moyens annuels des rivières diminuer de l’ordre de 10 à 40 %. Sans oublier l’humidité du sol qui devrait aussi baisser, marquée par une hausse attendue des précipitations en hiver de l’ordre de 15% et une baisse de 10% en été. »

L’hiver dernier dans le Cher, l’Arnon et le secteur de Sidiailles avait été fortement impacté par le manque d’eau. @SC

Effort insuffisant

« La sobriété n’est plus une option mais une obligation. Il faut aller plus vite et plus fort » martèlent les deux parlementaires, qui plaident pour une meilleure maîtrise de l’eau mais pas seulement. Ils réclament en effet plus de moyens pour mettre en œuvre une
« politique de l’eau ambitieuse ».
 À cet égard, le plan Eau, annoncé fin mars par le président de la République, et présenté comme une des priorités de la planification écologique du gouvernement, est jugé « insuffisant ». « Les 475 millions d’euros annoncés par an pour les agences de l’eau, destinés à les accompagner dans la mise en œuvre de ce plan ne sont pas satisfaisants compte tenu des enjeux », explique le sénateur de Gironde, qui plaide pour un doublement de fonds pour atteindre les trajectoires.

Encore trop de fuites

Dans leur rapport, les parlementaires mettent aussi en avant la nécessité d’augmenter les moyens pour entretenir et moderniser les réseaux d’eau. « Au rythme actuel, il faudrait plus de 150 ans pour renouveler l’intégralité des réseaux des villes de taille moyenne et de leurs communautés, et 140 ans pour les réseaux d’assainissement collectif », déplore Hervé Gillé tout en pointant le rendement moyen des réseaux de distribution d’eau potable. La France perd chaque année 20 % de l’eau potable produite à cause des fuites dans les réseaux de canalisation. Cela représente chaque année selon les chiffres de l’Office français de la biodiversité quelque 937 millions m3 d’eau, soit l’équivalent de la consommation annuelle de 18 millions d’habitants. « Dans cette lutte, un effort doit être également fait pour les micropolluants, dont les effets sur la santé et l’environnement restent encore à découvrir », concluent les deux hommes.

Plus d’infos autrement sur Magcentre : Sécheresse : branle-bas de combat pour le bassin Loire Bretagne

Commentaires

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  1. Ah ! Le bon sénateur Pointereau !
    Avec lui nous revenons aux belles années du siècle passé, quand il était déjà l’un des plus gros bénéficiaires des subsides publics via la pac , en tant qu’agrimanager irriguant à fond les manettes !
    Les contribuables d’aujourd’hui et les générations futures comprendront aisément qu’il est juste de cotiser à son bénéfice en finançant pour lui et ses semblables le pillage et le gaspillage de l’eau ! Toujours plus de mecs bassines pour de mins en moins de paysans , et pendant que nous y sommes , pourquoi pas quelques milliards de plus pour ressusciter ces éléphants blancs que furent les projets de bétonnage du bassin versant de la Loire , pourtant enterrés y compris par ses amis politiques ?
    Ah ! Oui , vraiment ! Quelle paire d’amis forment sur les bancs de l’assemblée régionale le sénateur et le ministre de l’agrobusness Fesneau !

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