Un vélo en bambou sur les chemins de Sologne

Patrick Communal, est bien connu des lecteurs de Magcentre pour sa défense des “Petites reines de Kaboul“, Masomah et Zhara, et lorsqu’il quitte son action en faveur des demandeurs d’asile, c’est aussi un praticien passionné du vélo qu’il enfourche pour des périples solognots, voire beaucoup plus longs. Il nous raconte ici sa découverte du vélo en bambou et les vertus d’une bicyclette qui est aussi une aventure humaine…

Par Patrick Communal

L’année 2000, pour le changement de siècle, j’ai parcouru le Vietnam à vélo par la route mandarine, d’Hanoï à Saigon. Ce n’était pas encore une activité gérée par des tour-operators comme aujourd’hui et je n’ai rencontré pendant ce périple qu’un vieil Anglais âgé de 68 ans qui faisait le tour du monde sur un vélo semblant sortir du magasin tant il était rutilant quand mon Motobécane (MBK) couvert de la boue des pistes du nord donnait quelques signes de faiblesse au niveau de la transmission. Pas de cyclotouriste donc, mais des paysannes qui se rendaient le matin dans les rizières à bicyclette et avec qui je faisais un brin de causette. Les charges que les Vietnamiens peuvent transporter sur un vélo sont considérables, surtout dans le nord du pays. Les deux-roues sont souvent renforcés par des tiges de bambou qui soutiennent la marchandise, mais malgré mes recherches, je n’ai jamais trouvé, au Vietnam, le vélo entièrement réalisé en bambou dont je rêvais de longue date en dépit de l’omniprésence de ce matériau. Pourtant, un vélo en bambou sur la route mandarine ou la piste Hô Chi Minh, ça aurait eu de la gueule ! J’ignorais encore que la solution viendrait d’Afrique.

Dans les bambous

Réaliser un rêve

Passé 74 ans, le temps m’a semblé compté pour réaliser ce rêve, surtout après une hospitalisation ayant causé quelques inquiétudes à mes proches. Il y a quelques artisans, ingénieurs concepteurs, qui fabriquent de tels vélos en France, mais je n’ai pas trouvé ce que je cherchais, soit parce que les modèles ne me convenaient pas sur le plan esthétique, soit parce qu’ils étaient beaucoup trop chers pour ma bourse, soit enfin parce que les délais de réalisation me semblaient trop longs. Ma quête du bambou m’a conduit du Ghana à la Belgique en passant par le nord de l’Allemagne, pour un voyage virtuel empruntant des réseaux qui sont parfois sociaux.

Lien en chanvre

Gérard Munyanziza est citoyen belge, né au Rwanda, il a débarqué dans un aéroport français à l’âge de 18 ans, pendant le génocide ; placé en rétention, dès son arrivée, par la police de l’air et des frontières, il a été libéré par le juge et relâché dans la nature sans prise en charge par les services sociaux, bien que mineur non accompagné. Son parcours de réfugié l’a mené Outre-Quiévrain, ce qui n’est pas qu’une métaphore géographique puisqu’il habite aujourd’hui à 10 kilomètres de cette commune frontalière, plus précisément à Jemappes, dans l’agglomération de Mons. Il a poursuivi des études d’ingénieur et créé l’association No Borders ASBL afin de lutter contre le repli communautaire des populations d’origine africaine immigrées en Belgique. L’association propose des activités sportives et culturelles pour faciliter la mixité sociale, les rencontres et l’intégration.

Gerard Munyanziza

Gérard est un garçon sympathique, idéaliste, ouvert, s’exprimant avec cet accent un peu chantant si caractéristique de la francophonie en Wallonie. Avec la détermination propre à ceux qui ont su affronter les galères de l’exil, il souhaite doter l’association d’un volet économique et comme il est aussi passionné de cyclisme, il prospecte, au cours d’un voyage en Afrique, la possibilité de créer une filière de commercialisation de vélos en bambou. C’est en effet au Ghana et en Ouganda qu’on voit poindre, dès 2009, des premières tentatives, encore artisanales, de développer une production de vélos utilisant cette ressource végétale abondante et proposer au marché local, à un tarif accessible, des machines rustiques, solides, et en définitive mieux adaptées à la rudesse des pistes africaines. Si le vélo personnel de Gérard, un modèle « gravel » qu’il expose dans la vitrine de son magasin de Jemappes, a été fabriqué en Ouganda, c’est au Ghana qu’il établit un partenariat avec « My Boo » une petite start-up allemande intervenant en soutien d’une démarche de développement local en zone rurale : « le projet Yonso » qui a mis en place une aide à l’éducation avec la création d’une école accueillant 200 enfants, une filière de micro-crédit à destination des femmes, une unité agricole entretenant une bambouseraie et enfin un atelier composé d’une quarantaine de jeunes ouvriers salariés fabriquant des cadres de vélo et bénéficiant d’une rémunération équitable. Les cadres de vélos sortant de l’atelier font l’objet d’un contrôle technique afin de vérifier leur conformité aux normes européennes, ils sont ensuite envoyés à Kiel, dans le nord de l’Allemagne où ils sont équipés entièrement (fourche, roues, transmission, dérailleur). L’acheteur, comme je l’ai fait, a la possibilité de configurer son vélo selon ses choix personnels (braquets, poste de pilotage etc.).

Ma nouvelle machine, chaussée de pneus Touareg fabriqués à Châlette dans le Loiret et équipée de sacoches artisanales de chez Carradice, d’un guidon plat et court très maniable sur les chemins de Sologne et en ville dans la circulation, est destinée à une pratique mixte, gravel bikepacking léger et également à un usage urbain. Le bambou beaucoup plus souple que l’aluminium ou le carbone, absorbe bien les chocs comme j’ai pu l’observer en allant d’Olivet à Chambord par les sentiers pédestres de grande randonnée ou sur les pavés du centre-ville d’Orléans. Natif de Roubaix, je projette évidemment un baptême dans la trouée de Wallers-Arenberg. Le confort s’avère ainsi la première qualité de ce vélo. Avec une matière première naturelle et renouvelable, sa fabrication génère 40 fois moins de CO2 qu’un cadre de vélo utilisant les matériaux classiques. Les tiges de bambou sont assemblées avec des liens de chanvre durcis à la résine. Mais il me semble qu’on achète un vélo en bambou en premier lieu parce qu’il est beau, avec cette allure d’objet d’art premier qu’on exposerait volontiers dans une vitrine ou son salon.

Et puis ce vélo nous raconte une belle histoire…

Gérard Munyanziza est le distributeur des vélos « My boo » pour la Belgique, les contacts et échanges sont facilités avec un interlocuteur francophone qui assure la liaison avec le fournisseur allemand.

Si le bambou vous intéresse, vous pouvez contacter Gérard par mail : gmunyanziza@yahoo.fr Site web de référence : www.nobordersasbl.be.

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Commentaires

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  1. Bonjour,
    Une petite erreur s’est glissée dans la rédaction de cet article: j’avais presque 18ans lorsque je suis arrivé en Europe et pas 14 ans.

    J’ajouterai que notre association propose d’autres vélos atypiques aux besoins spécifiques:
    – HASE BIKES avec, entre autres modèles, leur vélo tandem Pino au renommé internationale
    – ELLIPTIGO : des vélos elliptiques très performants pour s’entrainer autrement !

    N’hésitez pas à nous contacter pour plus d’info:
    http://www.nobordersasbl.be
    Gmunyanziza@yahoo.fr

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