« Vers le Paradis », une œuvre littéraire qui vole de siècle en siècle

Hanya Yanagihara, autrice US née en 1974, d’origine hawaïenne et cela a son importance pour comprendre les références de son dernier roman, nous offre une splendeur littéraire, « Vers le Paradis ».

Par Bernard Thinat


Roman de 800 pages, il se subdivise en trois parties, sans lien entre elles, si ce ne sont les noms et prénoms identiques des protagonistes ainsi que le lieu où se déroulent les histoires, New York, Hawaï dans la seconde, et les thèmes que l’on retrouve dans chacune d’elles, l’homosexualité masculine et la filiation grand-père / petit-fils ou petite-fille.


Vers 1893

Un riche banquier, âgé, vit avec son petit-fils, homosexuel, qui devrait reprendre la société paternelle, mais préfère partir en Californie à l’autre bout de l’Amérique, vivre sa vie et non celle qui lui est destinée, avec celui qu’il aime, dont on ne sait trop si celui-ci est honnête ou escroc. L’autrice invente un pays divisé, certes en états, mais surtout en groupes d’états, les « états libres » à l’est où le mariage homosexuel est admis sans restriction, « les colonies », ces anciens états esclavagistes du sud, « l’Amérique » englobant tout le nord, et « l’ouest » avec la Californie où l’homosexualité est condamnée.

Un siècle après

Au milieu des années Sida, dans une grande banque, un jeune employé tombe follement amoureux de son patron, et réciproquement, quoique pour ce dernier, ce serait plutôt l’excitation sexuelle de la jeunesse qui le motive. Le jeune emménagera dans la luxueuse villa du patron. Dans une seconde partie, le père du jeune homme, promis à devenir roi d’Hawaï, mais déchu par la soumission du pays à l’Amérique, raconte sa vie dans l’île, son enfance, son impossibilité de travailler, ses relations avec son fils qui s’enfuira de l’île, ainsi que celles, ambigües, avec un ami d’enfance dont il deviendra prisonnier de la folie nationaliste qui les animera tous deux.

En 2094 et avant

La troisième partie, le plus intéressante, puisque de pure fiction, se déroule d’une part en 2094, racontée par une jeune femme devenue stérile lors d’une pandémie, et d’autre part de 2054 à 2088 par son grand-père (non biologique), chercheur épidémiologiste qui a donné son consentement à toutes les mesures répressives au sein d’un comité chargé d’enrayer les épidémies à répétition et de plus en plus mortelles. On retrouve ici le futur de la planète auquel on peut s’attendre : réchauffement climatique, épidémies virales, rebellions d’insurgés (le Capitole US connaît déjà) sur fond de complotisme (le Trumpisme est expert).

Photo Adrian Lourie


Écrit durant la pandémie de Covid, dans une langue sublime, mais le traducteur, Marc Amfreville, y est certainement pour beaucoup, ce roman entrecroise les thèmes récurrents de nos sociétés – homosexualité, maladies contagieuses, démocratie et dictature, rapports de domination, rapports de filiations, nationalisme – que l’autrice s’emploie à inverser dans les différentes époques, dans des fictions qui pourraient ne pas en être, et laissant le lecteur s’interroger sur le final, « vers le paradis », ou vers l’enfer… Un roman qui enthousiasmera, je présume, lecteurs et lectrices qui voudront bien se plonger dans ces trois époques si différentes, mais si proches du point de vue des mentalités.

« Vers le Paradis »
Hanya Yanagihara
Traduction Marc Amfreville
800 pages – 29 €
Ed. Grasset

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