Festival des Croqueurs de pavés : leurs adieux au Loiret

Depuis 20 ans, les arts du cirque sont présents dans le Montargois et plus particulièrement à Châlette, grâce aux Croqueurs de pavés et à leur école du cirque. Mais cette année, la 18e édition de leur festival sera leur dernière dans le Loiret : ils déménagent dans le Cantal ! Musique, cirque, théâtre, marionnettes sont au programme de deux journées dédiées aux arts de rue.

Par Izabel Tognarelli


Quand on est artiste, que l’on vit pleinement son art, on peut ressentir de la difficulté à faire comprendre le sérieux, le travail, la discipline nécessaires au quotidien. C’est particulièrement valable pour les arts du cirque. Mais les mentalités sont en train de changer et la fréquentation de personnes comme les Croqueurs de pavés, par le biais de leur école de cirque, y contribue.

Les arts du cirque pour les élèves en difficulté

Christiane fait partie des fondateurs de cette compagnie de circassiens. Institutrice spécialisée pour les enfants en difficulté, elle a exercé plus de dix ans à la Goutte d’Or à Paris, avant d’arriver à Vésines. Par ce biais, les Croqueurs sont nés, en 2004 : « J’ai voulu utiliser les arts du cirque pour mes élèves en difficulté, afin de les motiver. C’est comme ça que cela a commencé, dans l’école du quartier ».

Un festival tout entier dédié aux arts du cirque et de la rue – Photo Les Croqueurs de pavés

Sa fille Lily avait alors 13 ans : elle était aux premières loges, a commencé à pratiquer les arts du cirque puis à transmettre ce qu’elle savait à des élèves qui, finalement, ont grandi et évolué avec elle : « Chaque année, j’essaie d’améliorer mes méthodes pédagogiques, mes propositions d’exercices, nos spectacles de fin d’année avec nos élèves ; j’essaie de suivre les parcours des uns et des autres ». Il s’agit d’une école de loisirs où la plupart des élèves ne font que de brefs passages, mais Lily a vu certains de ses élèves pendant plus de dix ans. La plus ancienne de ses élèves avait 4 ans et demi quand elle est venue la première fois : elle en a à présent 20.

« Moi, plus tard, je serai circassienne ! »

L’un de ses élèves a fait un bac option cirque, puis deux années en école professionnelle, à Rotterdam ; une autre est en école préparatoire à Châtellerault et une troisième s’apprête à entrer en 1e à Châlons-en-Champagne, en option cirque. Deux autres élèves se préparent pour les sélections à cette même option cirque proposée au lycée. Un autre élève se prépare pour le TIAC : titre d’initiateur aux arts du cirque, qui permet ensuite d’enseigner en école de cirque : « À notre échelle, nous sommes un centre de formation pour les arts du cirque et les professions qui vont avec, ajoute Lily. On est là pour essayer d’éveiller des passions. On est heureux quand ça arrive. On est aussi heureux quand ce n’est pas forcément une passion, mais que des parents viennent nous dire en fin d’année que la séance de cirque a été leur soleil de la semaine parce qu’ils désespéraient que leur enfant trouve une activité qui lui convienne après avoir essayé plusieurs sports différents, même si on reste une activité de loisirs ».

Deux journées pour croquer les arts du cirque et de la rue – Photo Les Croqueurs de pavés

Chez les Croqueurs, la compétition est hors course

Certains enfants ne se retrouvent pas du tout dans les sports, car la compétition ne leur convient pas. Lily a eu tout le temps de penser à cette question : « La compétition a tendance à mettre l’humain au second plan, ainsi que le respect de son corps et de son esprit, puisque l’objectif est la performance, et parfois, malheureusement, la performance coûte que coûte. Au cirque, notre corps et notre esprit sont nos outils de travail. La première chose que l’on enseigne, c’est de travailler dans le respect, de notre corps et de notre esprit et par ce biais, dans le respect de l’autre. En cela, nous sommes une école de vie. On apprend à travailler avec les autres, pas contre les autres. On ne se sert pas des autres pour atteindre un objectif. Il s’agit plutôt de créer des affinités, des liens et, par ce biais, de créer de la beauté, de la poésie, d’apprendre à s’exprimer. Quand ces enfants qui ne sont pas faits pour la compétition arrivent chez nous, ils sont heureux ; car ici, la seule compétition que l’on peut avoir, c’est avec soi-même. Pour le reste, c’est de l’entraide ».

Le cirque comme école de vie

Entraide, le mot est lâché. Et on se tourne vers Kevin, autre pilier des Croqueurs qu’il a croisés pour la première fois en 2014, dans un festival d’arts de rue, à Cheny, dans l’Yonne. De fil en aiguille, il est devenu président de leur association. Sa discipline est le porté acrobatique : l’entraide, le respect de l’autre et la confiance en l’autre y sont obligatoires. « C’est également valable dans la jonglerie, quand il y a “passing” : il faut avoir confiance dans son partenaire pour ne pas lui envoyer les balles ou les massues en pleine tête ». Et réciproquement, a-t-on envie d’ajouter à celui qui est également technicien du spectacle (lumière, branchements, sonorisation, etc.) : « Je suis devenu professionnel grâce aux Croqueurs. Sans eux, je ne pense pas que j’aurais pu avoir ce parcours ».

Des ateliers adaptés pour les personnes malades ou handicapées

Débordante d’énergie, Christiane tient à dissiper les idées reçues : « Il n’y a pas besoin de prédispositions particulières pour s’initier aux arts du cirque. Parmi nos élèves, nous en avons plusieurs qui viennent d’IME, d’ESAT, de foyers de vie pour adultes handicapés. Ils tirent beaucoup de profit de nos ateliers adaptés. Notre élève la plus âgée a dépassé les 75 ans. Elle souffre d’une maladie de Parkinson : les ateliers font partie de sa thérapie. Les arts du cirque ne sont réservés ni aux personnes valides, ni à celles qui ont des prédispositions physiques et pas plus une intelligence supérieure : tout le monde peut s’initier aux arts du cirque. Il suffit d’en avoir envie. Ensuite, tout devient possible ».

Pour ce profil de public, le départ des Croqueurs risque d’être une étape difficile. Aussi nous promettent-ils un festival au moins aussi réussi que les précédents, sinon plus, pour ne pas partir sur une note triste.

Lily et ses coéquipiers ont monté deux chapiteaux en perspective de ce festival – Photo Izabel Tognarelli

Au programme des 2 et 3 septembre, à Châlette-sur-Loing :

L’esprit reste le même que les années précédentes : le festival des Croqueurs de pavés est pensé comme un tremplin pour des artistes inconnus ou méconnus, mais qui méritent de l’être. Il n’y a pas de têtes d’affiche que tout le monde connaît déjà : le budget artistique sert à rémunérer convenablement l’ensemble des compagnies qui participent. La vocation des Croqueurs est de rendre la culture accessible à tous : le prix d’entrée est abordable (5 € la journée ; 8 € pour deux jours) ; 300 invitations ont été envoyées à des organismes et associations à vocation sociale (Restos du cœur, CCAS, Secours populaire, etc.), à charge pour eux de les redistribuer aux personnes concernées. Les spectacles sont destinés à tous les publics, ils sont très éclectiques, on peut y venir en famille. Cette année, le village associatif et artisanal sera fourni, avec une restauration assurée par l’association France Palestine Solidarité. Plus d’infos sur leur site Internet : Lescroqueursdepaves.fr

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Commentaires

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  1. Dommage … et on ne sait rien du pourquoi de leur départ (volontaire … ou éviction … ?). C’est beau, le Cantal, mais pas facile pour toucher un public un peu large. On peut leur souhaiter bonne route !

  2. Vous allez nous manquer,j’ai adoré participer à vos spectacles sous chapiteau ,je vous souhaite plein de bonnes choses pour votre futur proche,je serais là ce WE pour vous encourager et profiter de ces artistes aux multiples talents,merci,merci,merci je vous envoie plein d’ondes positives

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