« La Plâtrière », version musico-vidéo-théâtrale selon Séverine Chavrier

La Directrice du CDN d’Orléans, partie à la Comédie de Genève en juillet dernier, est de retour en ce mois de septembre dans la cité loirétaine, avec sa dernière création adaptée du roman de l’Autrichien Thomas Bernhard, « la Plâtrière », paru en 1970.

 Par Bernard Thinat


« Ils nous ont oubliés »…

Tel est le titre que la metteuse en scène a donné à son spectacle. L’histoire est assez simple : un couple, les Konrad, vit reclus dans une ancienne plâtrière, cernée par la forêt, quelque part en Autriche. La femme est handicapée en fauteuil, l’homme doit s’occuper d’elle, mais son but ultime est d’écrire un traité sur l’ouïe, son épouse lui servant de cobaye. Traité qu’il n’écrira pas. Au final, il tue son épouse dans la nuit de Noël.

Thomas Bernhard était un écrivain honni par la bonne société bourgeoise autrichienne, laquelle n’a jamais voulu regarder son histoire récente qui l’a vue accueillir, quasiment les bras ouverts, les dignitaires nazis en 1938. Ce que l’écrivain ne lui pardonnera pas, et il le dira très fortement dans l’un de ses derniers écrits théâtraux, « Place des Héros ».

Photo CDNO


Le spectacle

Sur le plateau, trône une espèce de cage dont petit à petit on détruira les cloisons, une cave en dessous, sorte de soubassement ou de catacombe symbolisant le bureau de Konrad, des arbres de chaque côté, et des oiseaux, de vrais pigeons, puis une corneille, symboles de délabrement, venant picorer dans l’appartement, oiseaux noirs de malheur dit-on, métaphorant le climat délétère de l’Autriche annexée en 1938. Et tout à droite, côté cour, Florian Satche, musicien dont les percussions envelopperont une bonne partie du spectacle.

Côté jardin de cet espace réduit au huis clos, les deux Konrad, renvoyés sur écrans au gré de vidéos surprenantes, n’apparaîtront aux yeux du public que plus tard. Hors de l’appartement, dans un couloir, un personnage énigmatique, peut-être symbole de la folie de Konrad, son double, intrigue par sa présence. Enfin, une infirmière, personnage créé par Séverine Chavrier, semble servir de tampon entre ces deux êtres, que l’infirmité et la folie opposent, sans trop qu’on sache qui est infirme et qui est fou.

Le nazisme apparaît en toile de fond, silhouette d’un homme pendu qui s’effondre, le refus de la société autrichienne de regarder son passé quand Konrad s’exclame « Nous sommes dans un état de mensonge perpétuel ». Ou quand il nous envoie en pleine figure des « gueules cassées » de la guerre de 14/18, Séverine Chavrier glissant au passage un message d’alerte : « Si on donnait la parole à la nature, que dirait-elle ? Faites des parents, et pas des enfants ! ».

Laurent Papot, acteur fétiche de Séverine Chavrier depuis vingt ans, est exceptionnel dans le rôle de Konrad, bien secondé par l’actrice belge flamande Marijke Pinoy dans celui de son épouse. Et Adèle Joulin en infirmière, étudiante orléanaise qu’on avait vue dans « Aria da Capo » il y a quelques mois, mis en scène déjà par Séverine Chavrier, qui fait montre d’un professionnalisme certain, même si elle ne sait pas encore si elle en fera son métier.

Lors des saluts – Photo B.T.


Spectacle au long cours de 3 h 45, dont 2 entractes, où se mêlent vidéos, percussions et théâtre. Un grand moment qui sortira le spectateur des sentiers battus du théâtre habituel. Encore faut-il vouloir être bousculé dans ses habitudes ! Et même si vous n’y allez que pour découvrir l’éducation des oiseaux sur un plateau de théâtre avec Tristan Plot dans les coulisses, vous ne serez pas déçu.


Dernière représentation au théâtre d’Orléans, ce jeudi 14 septembre à 19 heures 30.

Entretien avec Séverine Chavrier


Vous quittez Orléans avec de bons souvenirs ?

S.Ch : J’ai beaucoup aimé cette ville, on ne me l’a pas toujours rendu, mais l’appétit culturel du public, l’équipement extraordinaire du théâtre avec ses trois salles et ses magnifiques plateaux, le cinéma des Carmes, la librairie des Temps Modernes, cette exigence, cette intelligence culturelle, ont été des vecteurs formidables. Mais mon équipe et mon projet n’ont pas toujours été reconnus pour le travail qu’on faisait auprès de la jeunesse.


Qu’en est-il des finances du CDN ?

Un artiste à la direction d’un CDN ramène de l’argent par son travail, ses tournées, son activité, ce qui permet de demander moins aux collectivités. L’heure est à la cohabitation entre les différentes structures du théâtre, à la mutualisation, à la valorisation, chaque structure a sa place au théâtre d’Orléans. La santé financière du CDN est très bonne, j’ai ramené 450 000 € avec les différentes tournées de production. Le budget est passé au cours des 7 années sous ma direction de 1,8 million à 2,2 millions sans rallonge budgétaire des collectivités. Mais en 2024, sans artiste à la direction au CDN, le budget tombe à 1,7 million dont 1,3 million de subventions publiques. Ce qui impacte l’économie locale avec un temps réduit des artistes en résidence, et une programmation moindre.


Merci et à bientôt !

PS : L’appel à candidatures à la direction du CDN d’Orléans est, paraît-il, imminent. Après 9 mois de tergiversations et de discussions entre les trois tutelles, Séverine Chavrier ayant annoncé son départ pour Genève en décembre dernier.

Plus d’infos autrement sur Magcentre : Scène nationale d’Orléans, saison 23-24 : inclassable, innovante, excitante…

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