« Il faut inscrire le droit à l’IVG dans la Constitution française »

À l’occasion de la journée internationale pour le droit à l’avortement, des rassemblements étaient organisés partout en France ce jeudi 28 septembre. À Orléans, le collectif féministe 45 était à la manœuvre pour porter un regard critique sur la situation du droit à l’IVG en France mais aussi pour apporter son soutien à toutes les femmes dans le monde.

Par Mael Petit


Près d’un demi-siècle après la dépénalisation de l’avortement en France actée par la loi Veil de 1975, la lutte pour la défense de ce droit pourtant acquis par les femmes n’est toujours pas finie.
 Un combat que mènent régulièrement plusieurs structures et associations qui profitaient du 28 septembre, journée internationale pour le droit à l’avortement, pour effectuer une piqûre de rappel. Dans le Loiret c‘est le collectif féministe 45, composé de groupes féministes et de syndicats, qui se charge de porter le message sur « les menaces » qui pèsent sur le droit à l’IVG. Déjà dans la rue le 8 mars dernier pour la journée de lutte pour les droits des femmes, les militants ont remis le couvert avec slogans et micro pour tenter de sensibiliser les Orléanais de passage au pied de Jeanne d’Arc sur la place du Martroi. « Il faut bien comprendre que le droit à l’avortement n’est jamais définitivement acquis, comme tous les droits en faveur de l’égalité femme-homme d’ailleurs. Et cela même en France… », alerte Sabine porte-parole du collectif.

La menace de l’extrême droite

En face le public d’une grosse centaine de personnes, jeunes et moins jeunes, est à l’écoute. Dans les rangs, on retrouve des têtes familières, bien connues des actions de mobilisations locales. Mais le défi est de grossir le contingent avant de partir pour une petite déambulation dans les rues de la ville. Quelques curieux marquent tout de même le pas avant de reprendre leur marche au milieu d’un rapide historique du combat des femmes sur le sujet de l’avortement distillé par la figure orléanaise Monique Lemoine, coprésidente du planning familial du Loiret. « Il a fallu la loi Veil pour que cesse cette chasse aux sorcières mais pas le combat… Sommes-nous définitivement à l’abri de cette ignominie ? », interroge-t-elle. « Nous devons nous assurer qu’un retour en arrière est impossible. Pour cela il est important que ce droit soit inscrit dans la Constitution française », martèle le collectif qui alerte également sur la montée de l’extrême droite partout où le droit à l’avortement recule. Un constat pointé dans les différentes prises de paroles de chaque responsable de groupe, validé par un public hétérogène marqué par la présence de plusieurs hommes. Comme Frank, souvent présent lors de rassemblements organisés à Orléans. Il est venu apporter son soutien en ce début de soirée. « C’était important de venir par solidarité aux femmes sur la défense du droit à l’IVG. Car il ne faut pas être naïf, on ne sait pas quel gouvernement on aura plus tard. Il y a une droite traditionnelle qui pourrait tout faire pour le mettre en danger ».

Plus d’une centaine de personnes ont rejoint la place de la République depuis la place du Martroi. Photo Magcentre

Tout en haut sur la liste des inquiétudes, la progression de l’extrême droite est talonnée par un manque de décision politique forte en matière de santé publique selon les responsables de groupe. À commencer par une désertification médicale galopante difficile à enrayer dans les zones rurales, phénomène d’autant plus criant en région Centre-Val de Loire et notamment dans le département du Loiret qui conduit à « une précarisation » de l’accès à l’IVG selon le personnel du planning familial, en première ligne sur le sujet. Des femmes obligées de voyager et parfois même de se rendre à l’étranger pour avorter. « Avec les fermetures de centres IVG, hôpitaux de proximité ou de maternités, l’accès à l’IVG est aujourd’hui fragilisé ». Du côté des réclamations portées par le collectif, la parution des décrets d’application de la loi Gaillot de février 2022 permettant aux sages-femmes de pratiquer des IVG instrumentales ou encore la disparition de la clause de conscience spécifique à l’IVG. Une clause qui laisse le choix de pratiquer ou non une IVG (le médecin étant malgré tout tenu d’informer immédiatement son refus à son patient et de le rediriger vers un praticien susceptible de réaliser cette intervention). 

Recul du droit à l’IVG dans le monde

Ces rassemblements étaient aussi l’occasion de rappeler le chemin qu’il reste à parcourir dans d’autres pays mais aussi de pointer les attaques portées au droit à l’avortement dans des démocraties qui pourtant semblaient garantir aux femmes l’accès à l’IVG. Noémie et Marie, ados de 16 ans déjà sensibles aux enjeux liés au droit à l’avortement dans le monde tiennent à deux une pancarte. Elles confient avoir été informées de ce rassemblement devant leur lycée par des jeunes du NPA. « Nous avons tout de suite répondu favorablement car c’est un sujet qui nous tient à cœur. Il fallait qu’on vienne porter haut et fort nos valeurs, expliquent les deux filles par ailleurs bien informées sur l’actualité. On voit que ce droit, notre droit est régulièrement remis en cause comme aux Etats-Unis qu’on nous présente pourtant souvent comme une terre de liberté ». Une référence à la Cour suprême qui avait rendu en 2022 à chaque état sa liberté de légiférer sur l’avortement, provoquant la fermeture de cliniques qui ont poussé depuis des milliers de femmes à traverser le pays pour accéder à l’IVG. « On parle des Etats-Unis mais en Europe aussi, par exemple en Pologne où des femmes ukrainiennes connaissent aujourd’hui de nombreux obstacles pour avorter », précise-t-on dans le cortège. C’est pourquoi l’ensemble des organisations qui défend le droit à l’avortement réclame également l’inscription de ce droit dans la charte européenne des droits fondamentaux. Idée loin de faire l’unanimité au sein du Parlement européen mais surtout c‘est un sujet qui divise les Vingt-Sept pays membres de l’Union européenne. Notamment en Hongrie et en Pologne donc où l’IVG est difficile d’accès, ou encore à Malte qui vient d’adopter en juin dernier pour la première fois une loi très restrictive autorisant l’avortement si la vie de la femme est en danger et que le fœtus n’est pas viable. Des freins loin d’être levés qui persuadent encore plus les militants présents à ce rassemblement à poursuivre le combat. 

Plus d’infos autrement sur Magcentre : Les femmes hors la loi à la barre du colloque de Mix-Cité 45

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