Le conflit israelo-palestinien s’est de nouveau embrasé après l’attaque surprise du Hamas le 7 octobre dernier. Une situation humanitaire dramatique, un bilan déjà extrêmement lourd qui va s’aggraver et un cessez-le-feu inenvisageable pour l’instant. Pour Joséphine, seul l’Etat hébreu détient les clés pour une sortie de crise durable. [Le billet de Joséphine]
La question est au bout du compte dramatiquement simple : quelles sont les solutions pragmatiques pour une paix durable et pour sortir du cycle des violences, étant entendu que dans ce type de processus, c’est le plus fort qui doit avoir l’initiative pour espérer sortir de l’impasse. C’est ce que l’Histoire nous montre sans ambiguïtés : depuis 1808 et l’occupation de l’Espagne par les troupes de Napoléon qui affrontaient les civils devenus combattants, dans cette nouvelle sorte de guerre inventée par la modernité, la guerre asymétrique – dite aussi de guérilla ou de partisans -, ce n’est pas le plus fort sur le papier ou sur le terrain qui gagne. Ce n’est plus une question de morts, de destructions ou de tactiques, mais de politique et d’opinion publique et à ce jeu, les plus puissants finissent toujours par s’embourber et en payer le prix fort. Algérie, Vietnam, Irak, Afghanistan, la liste est devenue longue avec le temps.
Pourtant, les solutions ou les bases de réflexion, on les a : le plan de partage de l’ONU en 1947 vaut ce qu’il vaut, mais il a le mérite d’être assez équilibré, de reconnaître les deux parties et de proposer des méthodes de résolution de conflits sous le patronage de la communauté internationale. Deux états séparés, une Jérusalem ville-libre, et des perspectives de souveraineté, de développement et de sécurité pour la suite.
Savoir qui était là d’abord, qui est le plus méchant, qui est le plus terroriste, qui a le plus violé le processus de 47 n’a aucune utilité, aucune des deux parties ne disparaîtra par enchantement en concédant un désolé-merci-bonsoir. Par contre, la tentation de la destruction totale de l’autre existe et représente un danger concret. Les déclarations du ministre de la Défense israélien qui parle d’animaux-humains ou le représentant du Crif qui évoquait hier les « chiens de guerre palestiniens » font de suite écho à qui connaît les processus génocidaires et leur corollaire de déshumanisation qui permet de justifier les pires violences de masse.
L’extrême droite gangrène Israël
La fuite en avant ne peut donc être une solution : affamer, assoiffer, tuer 10 Palestiniens pour 1 Israélien, les dépouiller des terres et les humilier, ça ne permettra pas de sortir de l’impasse de la violence. La progressive radicalisation à l’extrême-droite d’Israël depuis 30 ans, son gouvernement affairiste de bandits comme Netanyahou ou ses alliés ultra-orthodoxes opportunistes, avec leur jeu suicidaire de militarisation et de division des Palestiniens en s’opposant à toute construction politique source de légitimité, n’a pu produire autre chose qu’une réactivation de la réponse terroriste d’une petite partie des Palestiniens, le comportement mafieux de leurs élites, l’augmentation du niveau de brutalisation politique, le recul des tabous de la barbarie et leur projection dans les bras de puissances peu scrupuleuses qui monnayent leur influence régionale contre quelques armes et officiers, dans un jeu où les Palestiniens ne sont, du reste, que des pions faciles à sacrifier.
Les actes abjects des membres du Hamas ne sont pas non plus des inconnues de l’équation : il s’agit de provoquer une riposte démesurée de l’armée d’Israël pour pousser les palestiniens neutres à prendre parti et à rentrer dans le cycle de la vengeance, se foutant éperdument du sang versé, face à un gouvernement israélien qui pour masquer son incompétence, ses objectifs affairistes et son agenda judiciaire, sautera sur l’occasion pour laisser libre cours à une réponse vengeresse, désormais assumée par les ultra-orthodoxes comme une mise en œuvre salutaire de la loi du Talion. Et de cette guerre de tous contre tous naîtra selon le Hamas une solution. C’est la stratégie terroriste depuis les origines, il n’y a rien d’original là-dedans, c’est connu et redoutablement efficace pour pourrir les sociétés, épuiser les opinions publiques et pousser à un départ de l’ennemi, sauf qu’en l’espèce, ce départ n’est pas une option, et c’est bien là la spécificité de cette drôle de guerre en partie coloniale et asymétrique : il n’y aura pas de départ fracassant.
Résultat prévisible pour l’instant ? Des milliers de morts palestiniens en réponse aux attaques du Hamas, une dégradation des conditions déjà atroces et inhumaines de ce camp de détention géant qu’est Gaza, des départs en masse des palestiniens qui le peuvent, le durcissement du contrôle des territoires palestiniens de Cisjordanie, une militarisation plus forte encore de la société israélienne, des marchands d’armes occidentaux aux anges, un gouvernement d’extrême-droite qui se pose en rempart viril, un Hamas sacrificiel mythifié et des pays voisins autoritaires qui pourront rentabiliser la haine d’Israël pour éviter de se poser trop de questions sur leur politique intérieure, le tout sous l’œil complice ou impuissant de l’occident, trop heureux de condamner sans trop de frais le terrorisme, occident peu loquace sous les violations des résolutions de l’ONU par Israël et sur les violences quotidiennes exercées sur les civils sur place, le plus souvent par des gamins de 18 ans qui font leur service militaire et à qui on donne un pouvoir délirant sur leurs frères arabes.
Toujours sans perspective de résolution après plus de 70 ans de conflit
Et je ne parle même pas de l’extrême cynisme et mauvais goût de la classe politique en France et d’une partie des médias, qui profitent de ce drame pour remettre une pièce dans la machine anti-Nupes, vomissant Oussama Ben Mélenchon, bien entendu transi de terrorismophilie coupable et sommé de rejoindre les déclarations du gouvernement et des idiots utiles de type Bernard Cazeneuve, eux-mêmes incapables d’émettre des réserves sur la stratégie de l’armée israélienne, le plus souvent ignorants de l’Histoire de ces 70 dernières années et profitant de la situation pour faire de la morale simpliste, considérant que des invocations anti-terroristes unanimes et fermes suffiront.
On en revient donc à la situation désespérée des années 70 et 80, et là aussi, pas d’exception, la solution n’a pu venir que du plus puissant qui a dû proposer une sortie par le haut, avec des concessions à mettre sur la table. On se souvient des trésors de courage et d’intelligence qu’il a fallu à Yitzhak Rabin pour réussir à faire valider un accord de paix avec les pires ennemis sanguinaires de la veille. Efforts mis à bas par l’extrême-droite religieuse israélienne qui l’a assassiné et qui a ensuite surfé sur les vagues si commodes de la haine, tout en s’en mettant plein les poches avec des martingales immobilières dans les territoires colonisés, s’adonnant à une démagogie bas de gamme en offrant aux plus abrutis le goût du sang comme perspective politique, faisant de l’électoralisme ultra-orthodoxe une recette gagnante à tous les coups.
Netanyahou et ses potes d’extrême-droite ont fait récolter à des civils israéliens ce qu’ils ont semé. Et ils s’apprêtent à ensemencer avec encore plus de violence la suite, sous le regard gourmand des caïds du Hamas et des bandits de Téhéran. Faudra-t-il attendre l’atrocité de trop pour que les Israéliens, qui ont la chance de vivre en démocratie, mettent enfin à leur tête un vrai gouvernement intelligent et prêt à faire la paix, pas avec la morgue de la défaite, mais avec l’enthousiasme de la victoire et de la prospérité collective ? La balle est dans leur camp, qu’ils le veuillent ou non.