Orléans : une lettre d’amour à la vie

Avec « Life », la compagnie Gandini Juggling mélange danse contemporaine et jonglage. Fasciné par Merce Cunningham, Sean Gandini, son fondateur, a monté un hommage au danseur américain. Mélange qui donne une nouvelle forme de spectacle étonnante et prenante, donnée à la Scène nationale d’Orléans.

Par Bernard Cassat

Gandini Juggling est une compagnie anglaise de jongleurs. Mais pas seulement. Leur spectacle « Life » est en effet bien autre chose qu’une démonstration de jonglage. Et pourtant, c’est aussi cela. D’ailleurs, Sean Gandini et Kati Ylä-Hokkala commencent, en avant-propos, par un petit rappel du vocabulaire de base du jonglage. C’est très drôle et ça explique bien le lien au rythme. Mais lorsque le vrai spectacle commence, avec toute la troupe, on se rend compte que son sous-titre de « Love letter to Merce Cunningham » n’est pas une vaine intention. Les jongleurs.euses dansent autant qu’ils jouent avec les balles. Des figures se forment. Et le mélange incroyable de la danse, de la chorégraphie et des petites balles qui ne cessent de monter et descendre forme de très beaux tableaux. Il n’y a pas la tension de la danse seule, ses développements longs ou ses prouesses physiques ou expressives. Mais il y a la fluidité, la beauté technique avec en plus, visuellement, ces mouvements en hauteur des balles. Lorsqu’un jongleur fait une figure, c’est déjà impressionnant, mais lorsqu’ils sont cinq ou six à la réaliser exactement en même temps, dans une simultanéité parfaite, c’est prenant.

Des balles, des anneaux, des massues

Ils déroulent ainsi de nombreux tableaux, des agencements en ronds, en largeur et en hauteur. Ils dansent avec leurs balles comme avec un partenaire, ils jouent avec la légèreté. Car il y a aussi quelque chose de plus aérien que la danse pure, alors qu’ils ne font pas de sauts. Leur aisance et la mise en scène très précise apportent l’énergie à ce spectacle plus facile à voir qu’à faire. On ne cherche pas une histoire, une intention, un message. C’est seulement une très grande habileté joliment jouée, et c’est beaucoup !
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Les anneaux remplacent ensuite les balles. Là encore, grande circulation aérienne, ils volent de partout, finissent autour du cou ou de la cheville, deviennent des maillons qui réunissent le cercle des danseurs. Sur un changement de musique, les massues font leur apparition. La lumière noire les fait ressortir, taches jaunes, vertes ou orange fluo que les yeux ont presque du mal à suivre tant elles semblent aller vite. L’un des jongleurs s’en empare, excluant tous les autres, et il fait son numéro, sa crise. Il tape, il lance, il jongle, il danse un bon moment pour venir s’immobiliser sur le devant de la scène, immobile. Et le public attend. Jusqu’à ce qu’il annonce qu’il a fini. Car tout le spectacle est baigné d’humour, aussi. A la fin d’un tableau, quelqu’un lance « voilà » pour bien marquer qu’on passe à autre chose. Il y a de l’humour anglais discrètement saupoudré tout au long du spectacle. La musique de Caroline Shaw aurait pu être plus intense pour mieux rythmer le spectacle. Le son brouillé comme celui d’un très vieux rouleau retrouvé n’aide pas à la fluidité du spectacle, les arrêts brusques non plus.

La salle bien pleine avec beaucoup de groupes de jeunes a apprécié. Sean est venu remercier en insistant sur l’importance du spectacle vivant. Et le sien l’est vraiment. Life oblige.
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