Le rejet des peuples nomades : une forme de racisme ?

Après ses actions pour assainir l’alimentation, un député du Loiret souhaite participer à un texte de loi s’attaquant aux caravanes stationnant illégalement. Il prévient qu’en aucun cas il ne veut stigmatiser la « communauté des gens du voyage ». Qu’il soit rassuré. Depuis des siècles cette population subit ostracisme et discriminations sans protester. 

Par Jean-Paul Briand.

Illustration Pexel
Drapeau Rrom

Les Etats de l’Union européenne et les institutions européennes emploient le vocable de « Rroms ». L’appellation « gens du voyage » n’est utilisée qu’en France et en Belgique. Elle désigne une minorité vivant en résidence mobile terrestre. Elle n’a aucune des caractéristiques d’une communauté. C’est une population hétérogène, structurée en grands groupes, souvent familiaux, qui n’entretiennent pas ou très peu de relations. Ils sont composés de personnes d’origines ethniques diverses (Manouches, Tsiganes, Gitans, Sinté, Yéniches, Travellers, …), issues d’itinéraires historiques distincts et aux langues différentes. Cette étiquette « gens du voyage » veut mettre l’accent sur un nomadisme supposé qui n’est pas un élément déterminant dans leurs cultures. Elle ignore les trois catégories de relation au voyage : les authentiques nomades de plus en plus rares, les semi sédentaires qui alternent des phases de voyage avec des périodes de fixation et les sédentaires qui vivent dans une résidence potentiellement mobile. Ce n’est pas le voyage en lui-même qui est dénoncé par la population sédentaire française mais son arrêt qui, avec le stationnement des caravanes, pose parfois problème.

Le besoin de trouver de la solidarité dans des communautés religieuses

Ces minorités ont en commun d’être méprisées, discriminées voire exterminées à certaines périodes de leur histoire. N’adoptant pas les normes dominantes, elles sont considérées comme une classe dangereuse, potentiellement délinquante. Les Rroms sont, après les juifs d’Europe, la deuxième plus importante population victime d’une extermination : le Porajmos ou Samudaripen. Même français depuis plusieurs générations, ils restent dans l’inconscient collectif des étrangers voleurs de poules et une menace fantasmatique. Avant même l’occupation de la France par les nazis, le gouvernement de Vichy organisa leur internement dans des camps comme celui de Jargeau dans le Loiret. Il ne faut pas s’étonner qu’une partie de ces populations ne fasse pas confiance au monde des sédentaires, les gadjés (ceux qui ne sont pas Rroms en langue romani), qui durant des générations les ont pourchassés et persécutés. Se sentant rejetés, beaucoup de Rroms recherchent de la solidarité dans des communautés religieuses telles que le mouvement pentecôtiste « Vie et Lumière ». Durant quelques jours de partage fraternel, religieux et identitaire, dans de grands rassemblements, les « conventions évangéliques » dénoncées comme génératrices de nuisances, les humiliations du quotidien sont oubliées.

Convention évangélique

Les Rroms demandent d’avoir le droit de vivre tels qu’ils sont

Alors que les instances internationales abordent les populations Rroms, qu’elles soient nomades ou non, sous l’angle ethnique, la France rejette cette approche avec sa catégorie administrative « gens du voyage ». Néanmoins force est de constater qu’il existe plusieurs peuples nomades possédant chacun une culture, une histoire, une structure sociale et une langue spécifique. Leur seul élément commun est l’absence de territoire propre. Les Rroms et les « gens du voyage » sont chez eux là où ils se posent temporairement. Leur territoire est toujours en eux car il est existentiel : c’est la langue, la culture, la famille. Le philosophe Gilles Deleuze va jusqu’à dire que « les nomades sont des gens qui ne voyagent pas ». Mais ce mode de vie inquiète. Il incarne le refus de s’installer et met à mal l’existence sédentaire de la majorité des citoyens. Échappant au contrôle de l’État, résistant au modèle dominant, le Rrom est la cible de l’action publique. Même immobile, il reste indésirable, rejeté dans quelques rares aires d’accueil ou de passage souvent dans des zones insalubres. Aux marges des villes, elles rendent difficile l’inclusion professionnelle, l’instruction scolaire et l’accès à la santé, aggravant l’exclusion et entraînant parfois des occupations illicites de terrains publics ou privés expérimentalement sévèrement réprimées dans plusieurs départements. 

Les Rroms demandent simplement d’avoir, comme tout citoyen, le droit de vivre tels qu’ils sont. Leur rejet ne serait-il pas une forme larvaire de racisme ?

« On écrit l’histoire, mais on l’a toujours écrite du point de vue des sédentaires et au nom d’un appareil unitaire d’État » (Gilles Deleuze).

Campement tsigane – Cliché JL Vezon

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Commentaires

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  1. Bonjour,
    Quel est le député mentionné dans le chapô mais non cyé dans l’article ?
    Merci

  2. Je refuse l’ostracisme qui marque les “gens du voyage”, mais je ne trouve aucune information sur leur mode de vie, leurs ressources, leur implantation. D’où tirent-ils leurs revenus, notamment pour financer leurs véhicules et imposantes caravanes ? Comment sont scolarisés leurs enfants ?

  3. Concernant leurs ressources: La note d’EDF se règle par un branchement direct au poteau EDF

  4. Une anecdote : voici quelques années, dans un village du Loir et Cher, il est question au conseil municipal de dédier un espace pour accueillir les roms. Un conseiller s’y oppose estimant que c’est ouvrir la porte à des voleurs etc…
    L’espèce est créé et pas à côté d’une déchetterie ! .Des roms s’y installent pour quelques temps et des poulaillers, cages à lapins sont visités.
    Evidemment ce sont eux clame le conseiller réfractaire.
    Les roms s’en vont, d’autres arrivent et de nouveau des poules, des lapins disparaissent . Deux conseillers décident de faire une planque et qui voient- ils arriver nuitamment ? le conseiller romophobe ! qui bien sûr a dû démissionner car il avait agi intentionnellement à la différence du ministre de la Justice .

  5. Bel article, merci. Sujet trop peu abordé…
    Je ne suis pas contre un autre un peu plus approfondi.

  6. Je suppose que c’est une sainte proposition de l’inénarrable Ramos … il suffit d’appliquer la loi et d’obliger les communes de plus de 5000 habitants à créer une aire d’accueil pour les gens du voyage . Une petite pensée pour Django !

  7. En novembre et décembre 2019 le FRAC d’Orleans sous la direction d’Abdelkader Damani programmait des “RENCONTRES AVEC L’ASSOCIATION DES GENS DU VOYAGE”, présentation de la fédération, film et discussion, relatées ds MagCentre .

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