Orléans : une musique comme un Lagon noir

Les musiciens du Tricollectif, ce collectif orléanais créé il y a 11 ans, ne cessent de s’ouvrir avec bonheur aux musiques du monde. Deux d’entre eux, Valentin Ceccaldi et Quentin Biardeau, ont créé un nouveau groupe, Lagon noir, avec Ann O’aro, poétesse et chanteuse réunionnaise, et Marcel Balboné, batteur burkinabé. Ils étaient à la Scène nationale mardi soir. Une grande réussite.


Par Bernard Cassat, photos Marie-Line Bonneau


Tout de suite, Marcel Balboné et Valentin Ceccaldi installent un rythme soutenu, implacable, qui nous entraine déjà ailleurs. Un ailleurs composé, avec des emprunts multiples, un ailleurs noir mais aussi des îles, un ailleurs exotique qui n’existe que dans la musique. Et puis quand Quentin Biardeau touche son clavier, tout un pan se rajoute, avec du jazz-rock en toile de fond. Tout cela dessine un lieu superbe où la voix d’Ann O’aro vient raconter ses histoires. Parfois elle parle en créole, sur un ton tellement proche du chant en modulant les mots qu’elle se glisse dans un air, avec des lamentations vives, des questions qui se répètent comme dans les plus authentiques chansons folkloriques. Ce ne sont pas seulement des chansons. Ann est poétesse, et elle vit tellement la musique qu’elle la danse en la faisant. Ses histoires, ses mots s’accompagnent de gestes, sa danse initie la musique et sa voix prolonge le sens.

Et rentre souvent en amour avec celle de Marcel, Burkinabé qui lui aussi connait son folklore. Tous deux se répondent, s’amusent, les doigts du batteur abandonnent les baguettes pour s’occuper des calebasses, la voix de la Réunionnaise se glisse dans ces sonorités africaines avec aisance parce que c’est le même monde musical, la même énergie. Puisque c’est le principe des questions et réponses du blues, Quentin se met lui aussi à chanter. Et Valentin, le grand ordonnateur et régulateur de la réunion, garde le cap, structure cette rencontre, la lance et la relance. Parfois Quentin dédouble la mélodie au saxo dans des envolées époustouflantes, faisant monter très haut la tension émotionnelle que la voix d’Ann avait installée, et qu’elle reprend en duo avec le saxo. Grands moments intenses de quatre musiciens totalement raccord qui inventent, avec chacun leur background particulier, un son nouveau d’un groupe nouveau qui s’appelle Lagon noir.

La poésie d’Ann aborde tous les thèmes des peuples des îles, sa voix douce peut aussi trouver la violence de l’accusation ou la tristesse du regret. Et la musique elle aussi va chercher dans tous les registres de sensibilité pour exprimer sa joie comme sa peine. Mais toujours dans l’énergie. Il circule dans les eaux de ce lagon un plaisir considérable fait de douceur, de séduction, d’ardeur. C’est plein comme les musiciens africains savent remplir le son, c’est magique comme le maloya qui habite Ann, c’est émouvant et ça emporte loin, très loin.


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