Chine-Montargis, un nouveau pont entre deux pays

Montargis est une ville surprenante. La voici au cœur des relations diplomatiques franco-chinoises. La Chine lui offre un pont, trait d’union entre l’Orient et l’Occident, symbole d’amitié. Les raisons invoquées sont historiques : il y a un siècle, les figures majeures à l’origine du Parti communiste chinois ont vécu et étudié dans la Venise du Gâtinais.

Monsieur le Maître, sculpture de Li Xiaochao, attire la curiosité des passants et des touristes, toutes nationalités confondues – Photo Izabel Tognarelli

Par Izabel Tognarelli


Combien y a-t-il de ponts et passerelles à Montargis ? Difficile de se faire à l’idée qu’il y en a plus de 130, certains en centre-ville étant totalement recouverts par les maisons et la chaussée. Mais c’est une réalité. Autre réalité, Montargis et la Chine nourrissent des relations depuis plus d’un siècle.

Comment Montargis s’est retrouvé au cœur de l’histoire de la Chine

Le pionnier en la matière fut Li Yuying (également connu sous le nom de Li Shizeng), fils d’un dignitaire de la cour impériale mandchoue, arrivé en France en 1903. Jusqu’en 1906, il étudia l’agronomie au lycée agricole du Chesnoy. De retour en Chine en 1911, il fit partie des fondateurs du mouvement Travail-Études.

Sous cette impulsion, de jeunes étudiants ont quitté la province du Hunan. Parmi ceux qui arrivèrent à Montargis figurait Cai Hesen, l’un des membres fondateurs du Parti communiste chinois ; sa compagne Xiang Jingyu, mais aussi Deng Xiaoping, futur dirigeant de la Chine de 1978 jusqu’à son décès en 1997, et encore Zhou Enlai, Premier ministre de la République populaire de Chine de 1949 à 1976.

Deng Xiaoping à 16 ans, futur dirigeant de la Chine, pendant sa période française – Photo Wikipédia

Ces jeunes gens rêvaient d’un avenir meilleur pour leur pays. Ils se réunissaient dans le jardin Durzy (situé à l’arrière du musée Girodet) et, tous ensemble, théorisaient l’avenir de la Chine. Le résultat de leurs discussions était synthétisé en courriers, transmis à Mao Zedong, lui aussi encore tout jeune, et resté au Hunan. Les étudiants chinois étaient nombreux à Montargis, ville proche de Paris, facile d’accès en train. De plus, les frais de scolarité y étaient moins chers que dans les autres villes de l’Hexagone participant à ce programme Erasmus avant l’heure. Dans le livre En quête de rêve à Montargis, écrit par Chen Hong, traduit par Cheng Wenjuan (Maison d’édition populaire du Hunan, disponible au musée historique de l’Amitié franco-chinoise), l’auteur explique que ces étudiants chinois étaient bien accueillis par les habitants de Montargis. La mère de Cai Hesen s’y était également installée : elle faisait office de figure tutélaire pour ces jeunes gens exilés si loin de leur famille, très loin de leurs repères, à une époque où les communications n’étaient pas celles que nous connaissons un siècle plus tard.

Un pan d’histoire de plus en plus visible

Ces faits auraient pu sombrer dans l’oubli, mais il se trouve que non. Au contraire, ils sont régulièrement revivifiés et, depuis une bonne dizaine d’années, les traces de ces liens entre la Chine et Montargis sont rendues de plus en plus visibles.

Quand on arrive en train à Montargis, on débarque sur la place Deng-Xiaoping, inaugurée en 2014 par Liu Yandong, vice-Première ministre de Chine : c’est par là que, au début du XXe siècle, sont arrivés les étudiants chinois à Montargis. Sur la droite se trouve un monument assez imposant, installé en 2019 pour célébrer le centenaire du mouvement Travail-Études. Il fut inauguré par Zhai Jun, ambassadeur de Chine en France. En centre-ville, dans la petite rue Raymond-Tellier, à deux pas des rues sur l’eau si caractéristiques de Montargis, le musée historique de l’Amitié franco-chinoise a été inauguré en 2016, à nouveau par l’ambassadeur de Chine en France. Partout en ville, le circuit chinois rappelle, en une douzaine de panneaux disséminés, l’histoire de ces jeunes gens et les lieux qu’ils ont fréquentés.

Monsieur le Maître. Photo Izabel Tognarelli


Mais le plus populaire de tous ces signes d’amitié sino-montargoise est certainement la statue de Monsieur le Maître, offerte par le sculpteur Li Xiaochao. La bonhomie, la bienveillance qui émanent à la fois des traits et de la posture de ce personnage installé à l’angle d’une passerelle et du canal de Briare, ne manquent jamais d’interpeller passants et touristes de toutes nationalités, qui le prennent souvent en photo, et eux avec.

Chaque année, plusieurs centaines de touristes chinois viennent ainsi visiter Montargis, en une sorte de pèlerinage aux racines du bouleversement qui a finalement conduit ce pays au rang des toutes premières puissances économiques mondiales.

Le pont offert par la Chine partira du jardin Durzy, où se réunissaient les étudiants chinois, et enjambera le Loing en direction d’une partie méconnue de Montargis – Photo Izabel Tognarelli

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Le gros chat chinois se penche à nouveau sur la tranquille Venise du Gâtinais en annonçant sa volonté de lui offrir un pont. Il partirait du jardin Durzy – là où le hasard a réuni de jeunes gens appelés à devenir des figures majeures de l’histoire de la Chine – en direction de l’autre rive, par-dessus un bras du Loing, vers « la prairie », une zone humide peu connue de Montargis. Le projet est accepté ; les services de l’État ont donné un avis favorable ; la Chine offre ce pont dans le cadre d’une action de mécénat. Une fois la construction terminée, la mairie acceptera le don et le pont entrera dans le domaine public de la ville, qui en aura la gestion. Une entreprise va financer cette construction en tant que maître d’ouvrage. Ce pont de l’amitié franco-chinoise devrait voir le jour d’ici la fin du premier semestre 2024, année du 60e anniversaire des relations diplomatiques entre la France et la Chine. D’où l’invitation tout à fait officielle envoyée par Benoît Digeon, maire de Montargis, à Xi Jinping, président de la République populaire de Chine depuis 2013. Celui-ci a confirmé son intérêt par le biais d’un message à l’ambassade de Chine en France.

Un pont qui mène vers d’autres ponts et passerelles, vers des paysages peu connus de Montargis – Photo Izabel Tognarelli

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Commentaires

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  1. Il ne restera plus qu’à transférer les pandas de Beauval à Montargis.

  2. Aucune gêne , aucun état d’âme pour MagCentre a vanter l’amitié franco -chinoise et les ponts jetés entre la province du Hunan et Montargis.
    Xi-Ji, Mao, Den Xao Ping cités comme grands témoins de cette belle amitié …
    L’effacement de la démocratie à Hong-Kong avec l’aide des pires mafias qui soient, les manœuvres guerrières et les menaces directes vis a vis de Taiwan, le sort horrible fait aux Ouïgours? Chut ne mélangez pas tout s’il vous plait!

    Alors mes pensées vont à Liu Xiaobo , prix Nobel de Littérature mort dans les geôles de Pékin
    JP Carlat

  3. Merci à Jean-Paul Carlat d’avoir rappelé qu’il existe aussi une face noire à ce charmant tableau !
    Marie Holzman

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