Scène nationale d’Orléans : Thomas Lebrun danse avec Marguerite Duras

Thomas Lebrun, directeur du CCN de Tours, est venu sur la scène orléanaise ce mardi 23 janvier danser son spectacle autour, sur, avec Marguerite Duras. Textes et musiques, notamment celle si particulière des mots de l’écrivaine, construisent une bande son formidable sur laquelle Thomas, par la danse mais pas seulement, exprime son ravissement.

L’envahissement de l’être. Photo Frédéric Iovino


Par Bernard Cassat


Ça commence par un Apostrophe retentissant, au moment de la sortie de l’Amant, prix Goncourt de 1984, le livre qui a vraiment ouvert les portes du grand public à Marguerite Duras. Mais un public déjà large la connaissait, bien sûr, depuis Hiroshima mon amour ou Un barrage contre le Pacifique.

Thomas Lebrun, lui, n’est pas un lecteur. Son entrée dans la sphère durassienne s’est faite par un recueil audio édité par l’Ina. Et il est tombé sous le charme de cette voix unique, qui module les mots pour raconter des vérités insoupçonnées. Elle ne comprend pas tout ce qu’elle dit, mais elle sait qu’elle dit vrai, dit-elle dans une interview que reprend Thomas à la fin du spectacle.

Et c’est cette vérité qu’il interroge, cet « envahissement de l’être » qui advient dans la chose, le geste, le mouvement artistique, qu’il soit écriture ou danse. Cette tension en jeu dans la création.

Et Thomas aussi met en avant ses tensions. Son corps de danseur s’empare du rythme des mots, en dégage une scansion d’abord assez rigide, qui petit à petit se délie. En alternant des moments purement théâtraux et des moments de danse intense. Il montre véritablement un passage descriptif d’un bout de roman lu par Marguerite, il nous emmène dans l’univers asiatique décrit par un décor d’ombres simples mais très évocatrices. Tout concorde, les gestes correspondent aux mots, la symbiose du danseur et du texte, parfaite, crée l’émotion.

L’envahissement de l’être. Thomas Lebrun. Photo Frédéric Iovino


Et puis il danse cette Indiasong qui est toujours présente dans toutes les mémoires, il la danse profondément, scandant le rythme et laissant échapper à la fin de ses gestes l’émotion forte, la nostalgie de cette époque, celle de l’enfance pour Marguerite, celle de la beauté de l’art pour Thomas. Il y a sur cette scène une rencontre magnifique.

Comme lorsqu’il se déguise en Marguerite, avec ses cols roulés blancs, ses lunettes teintées et ses jupes moulantes. Il fait du playback sur une interview, mais ses lèvres laissent des blancs respectueux pour éviter la moquerie. Et c’est prenant au point que les mots de Duras n’ont plus aucun mystère, alors qu’ils ne sont pas vraiment immédiats.

Et parce que Thomas Lebrun est un créateur ludique, il intercale aussi des moments amusants. Des anecdotes de Marguerite qu’il interprète à sa manière, déguisé en japonais lorsqu’elle parle de No, présentant des affiches dans le style de l’époque qui reprennent des mots-clés durassiens, des images standards. Ou se déguise comme elle s’était elle-même déguisée, raconte-t-elle entre deux fous rires, coiffée d’une passoire sur la tête.

L’envahissement de l’être. Thomas Lebrun. Photo Frédéric Iovino


Mais Hiroshima est une autre affaire. Puisque c’est irracontable, puisqu’on ne voit plus rien à Hiroshima, Thomas Lebrun aborde pour l’évoquer la passion physique entre l’héroïne (Marguerite) et son amant japonais. Le corps du plaisir confronté à la mort de masse. Comme l’écrivaine, il laisse son instinct utiliser le désir et le plaisir pour exprimer.

Car il ne s’agit pas vraiment d’un dialogue entre le danseur et l’écrivaine. Mais plutôt d’un partage d’énergie, d’un partage de cette rigueur, cette tension qui constitue le fond de tout créateur. Vivre ou écrire, disait Marguerite. Les deux sont impossibles. Thomas ne cherche ni à discuter ce qu’elle dit, ni à argumenter pour ou contre. Il est sous le charme de cette immense artiste et trouve, vit grâce à elle des moments créatifs qui lui sont profondément propres. Qui nourrissent ce spectacle en intensité. La présence de cet homme qui n’est plus très jeune, corps enrobé assez rare pour un danseur, qui pénètre très loin dans l’univers de Marguerite Duras, écrivaine elle aussi peu banale, crée un moment hors de toute référence, un moment de partage dans lequel le public s’insinue avec le plaisir de croire qu’il y participe, lui aussi.

Deuxième représentation

ce mercredi 24 janvier, 19 heures, billetterie ICI

Commentaires

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  1. Cet événement exceptionnel sera t il retransmis ou accessible ultérieurement ?
    M.Claude Souffland
    Association Marguerite Duras 47120
    Merci
    Bon spectacle
    Tous mes a Thomas LEBRUNvoeux

  2. Bonjour,
    Le spectacle a encore lieu ce soir. Il reste quelques places. Rendez-vous à 19h au Théâtre d’Orléans.

    Bien à vous,
    Emeline

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