À quoi joue Emmanuel Macron ?

Jonathan Denis

Le débat parlementaire sur une loi concernant l’aide active à mourir est sans cesse reporté par Emmanuel Macron qui entretient le flou sur sa position. Le président de l’Association pour le Droit de Mourir dans la Dignité (ADMD), Jonathan Denis, s’impatiente, interpelle le chef de l’Etat et lance un avertissement.


« De la pensée complexe aux actes confus, Emmanuel Macron vient définitivement de franchir un grand pas.

Poussé par une bonne intention lorsqu’il a demandé à la Convention citoyenne sur la fin de vie de définir des pistes pour améliorer la prise en charge de la dernière période – la plus difficile – de la vie, encouragé par l’avis 139 du Comité consultatif national d’éthique qui, pour la première fois de son existence, reconnaissait la possibilité d’une application éthique d’une forme d’aide active à mourir (accompagné plus tard par un avis presque identique de l’Académie nationale de médecine), épaulé par une ministre déléguée – Agnès Firmin Le Bodo – qui a fait un travail admirable de co-construction d’un projet de loi équilibré, Emmanuel Macron donnait à penser aux Français qu’enfin, après avoir été ignorés dans leur revendication de liberté depuis des décennies, une aide active à mourir allait être légalisée en France comme tant d’autres pays l’ont fait auparavant (récemment l’Espagne, l’Autriche, le Portugal, Cuba, Équateur).

L’image d’un homme coupé des réalités

Non ! De reports de son propre calendrier en dîners avec les représentants des cultes monothéistes, de la nomination d’une ultra-conservatrice au poste d’un grand ministère du Travail, de la Santé et des Solidarités à celle d’un non moins conservateur au poste de ministre délégué à la Santé, le président de la République s’enferme de plus en plus en son Palais et donne l’image d’un homme coupé des réalités et des demandes d’un peuple qui l’a pourtant, à deux reprises, conduit à l’Elysée.

Alors quoi… S’agit-il d’une stratégie pour donner le change aux plus conservateurs dans notre pays – dont les représentants des cultes – en les amadouant, pour mieux faire passer la pilule de l’une des dernières libertés individuelles, la plus fondamentale car l’ultime ? Ou bien, définitivement, celui qui a été élu comme le plus jeune de nos présidents de la Ve République et aussi le plus immobile en matière sociétale ? L’avenir prochain nous le dira.

Les Français qui en ont marre d’attendre

Une échéance a été fixée, avant l’été 2024 (après déjà de nombreux reports), pour présenter le projet de loi relatif à l’accompagnement des malades et de la fin de vie, qui permettra un continuum des soins d’accompagnement pensés dans leur globalité, des soins palliatifs accessibles partout et pour tous, une aide active à mourir encadrée pour ceux qui souhaitent recourir à l’euthanasie et au suicide assisté. Soit cette échéance est respectée – notre nouveau Premier ministre s’y est engagé lors de son discours de politique générale – soit elle est à nouveau ignorée.

Si, d’aventure, ce calendrier devait une nouvelle fois ne pas être respecté, les Français qui en ont marre d’attendre seront en colère.

Emmanuel Macron croit sans doute, parce que ceux qui revendiquent (à près de 90%, tout de même !) le droit de choisir librement les conditions de leur propre fin de vie ne défilent pas dans la rue, que les Français ne sont pas capables de se mettre en colère sur ce sujet. Il se trompe lourdement.

En effet, les Français les plus en attente de cette loi sont aussi ceux qui sont les plus malades, les plus âgés, les plus souffrants, les plus fatigués par les épreuves de santé. Ils sont de ce fait les moins aptes, donc, à défiler dans la rue.

Espérons que le président de la République reviendra à la raison

Le temps qui passe sans une loi de liberté les tue, agonisant indignement. Le président de la République, aujourd’hui, est comptable par ses atermoiements de ces drames de la fin de vie. Il en est – indirectement, mais tout de même – responsable.

L’Histoire aurait pu reconnaître Emmanuel Macron comme un président réformateur : il s’ancre dans la mouvance d’une idéologie politique qui refuse aux individus de s’autodéterminer.

Espérons que le président de la République reviendra à la raison. Non pas la raison des organisations qui militent en faveur de l’aide active à mourir – aucun des militants de l’ADMD ne s’intéresse aux intérêts particuliers – mais la raison des Françaises et des Français qui attendent cette loi, parfois depuis très longtemps.

Des Françaises et des Français qui, faute de possibilité d’exil, sont condamnés à mal mourir dans notre pays du fait d’une loi-impasse, dogmatique, que son prédécesseur, en 2016, a osé laisser voter ».

Jonathan Denis – Président de l’ADMD Vendredi 9 février 2024

Plus d’infos autrement sur Magcentre : Loi sur la fin de vie : enfin un débat lumineux et apaisé

Commentaires

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  1. Macron élu, le plus jeune de nos présidents de la Ve République, et aussi le plus réactionnaire et le plus néolibéral, au sens capitalistique du terme. Un type d’un autre temps, peut-être, celui du roi Soleil, dangereux pour la démocratie.
    Il nous cache, peut-être, le projet d’un de ses amis : l’ouverture d’une clinique privée où on pourrait, argent sonnant et trébuchant, finir dignement sa vie sans souffrir.
    Pour cela il ferait proposer une loi par son gouvernement qui accepterait que des personnes de leur plein consentement puissent profiter en toute liberté d’un service où l’État ne serait pas investit, une tolérance en quelque sorte.
    On en reparle en fin d’année

  2. Comment peut-on «en même temps» rendre hommage à Robert Badinter pour avoir aboli la peine de mort et s’offusquer que notre pays tarde à légaliser l’acte délibéré de donner la mort.

    D’où vient notre fascination pour le droit de demander la mort à autrui ?

    Notre peur de mal mourir, d’être maltraités dans nos derniers moments, abandonnés de tous est-elle si forte que nous préférions anticiper notre mort plutôt que la vivre ?

    Comme le disait Francois Mitterrand sur l’euthanasie:
    « Dans un pays démocratique, une loi ne peut sacraliser un tel droit!
    Tant que je serai en vie, je m’opposerai à ce que l’on franchisse la ligne rouge »

    Vive la vie
    Non à la culture de mort!!

  3. Macron a été éduqué dans un établissement scolaire privé d’obédience jésuitique.
    Tout est dit sauf qu’en tant que président d’une démocratie laïque il est sensé ne pas mélanger et créer des confusions.
    Qu’est ce qu’un jésuite ? La meilleure définition est cette histoire déjà connue au moyen-Age: Deux paysans au bord d’un champ voient arriver un homme , c’est un moine qui chemine. Il s’arrête et leur demande son chemin. L’un des deux lui demande à quel ordre il appartient ; ” Jésuite” Et de lui répondre: ” ça va être compliqué pour vous qui êtes jésuite parce que c’est tout droit”.

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