Tours : ivresse et misère de l’urbanisme, ce que cache la fermeture du Monop’ portes de Loire

[Le Billet de Joséphine]
 
On vient d’apprendre le placement en liquidation judiciaire de la société Tourix qui exploitait le Monop’ place Anatole France à Tours, aboutissant à la fermeture définitive de la supérette ouverte il y a quelques mois. En fait, la maison mère de Tourix, la holding Onyx, semble être au centre d’une vaste escroquerie montée par deux jeunes flambeurs, avec fausses factures, grosses bagnoles, location de châteaux pour en mettre plein la vue aux clients, impayés en cascade, embrouilles de franchisés, belles promesses et bagout de premier de cordée en doudoune sans manches. Résultat ? Une quinzaine de magasins fermés et 200 salariés sur le carreau ( https://actu.fr/…/enquete-deux-jeunes-patrons-flambeurs… )
 

Tours Portes de Loire cl Jean-Baptiste Diaz

 

Le programme Haut de la Rue Nationale

Au-delà de l’affaire Onyx, assez banale dans le monde merveilleux du commerce, cela met de nouveau en question le programme Haut de Rue Nationale. Pensé dès 2012 par un Jean Germain en bout de course, devenu passablement mégalomane avec l’usure du pouvoir et le sentiment de toute puissance typique des politiques qui font trop mumuse avec l’urbanisme, le projet fut récupéré avec gourmandise par la droite de Babary/Bouchet/Coulon en 2014, trop heureuse de s’approprier ce qui devait devenir le fleuron d’un Tours passé au XXIème siècle. Pourtant, 12 ans après que l’idée eut germé, l’échec est patent : la société qui gère les deux hôtels Hilton a été placée en redressement judiciaire, le centre médical Cosem est au point mort, empêtré dans des affaires judiciaires et on a vu arriver une floppée de fast-foods comme Strabucks ou Bchef, alors qu’on nous promettait à l’origine des commerces de standing, dignes de la capitale de la Loire Valley, du clinquant, du prémium quoi. Seule “réussite”, la partie promotion immobilière du programme, au bénéfice d’investisseurs parisiens qui proposent des logements à des prix délicatement indécents.

Les bonnes questions

Il faudra peut-être que nos amis politiques – une bonne partie des figures tourangelles actuelles étant déjà dans le jeu en 2012 – se posent les bonnes questions, maintenant que le contribuable devra en payer les frais : à quoi rime ce genre d’approche de l’urbanisme issue d’un autre temps, fleurant bon les années fric et l’hubris en costume cintré ? faut-il continuer à minéraliser la ville de la sorte, à contre-temps de notre contexte climatique ? Est-ce bien raisonnable de boire les paroles des architectes, promoteurs et programmistes commerciaux et leurs promesses d’avenir radieux projeté via PowerPoint ? Pourquoi l’enquête d’utilité publique a-t-elle été consciencieusement enterrée ? Pourquoi ne pas écouter ou du moins entendre les usagers de l’ancienne place, les sociologues et journalistes qui ont montré très tôt, dès 2014-2015, le caractère absurde, grandiloquent et voué à l’échec du projet ? Comment comprendre cette fuite en avant des élus, obsédés par l’idée de laisser leur trace indélébile dans la ville et croyant avec une superstition quasi-pathologique qu’il faut couper des rubans d’inauguration pour être réélu ? Pourquoi les personnes qui alertent sur ce genre de sujet sont perpétuellement renvoyées au statut de mauvais coucheur défaitiste, décroissant et austère, façon amish, pour paraphraser notre président-start-upper ?

La Société d’Equipement de Touraine

Il faudra également se poser la question du rôle des autres collectivités qui ont toutes validé le projet, sans aucune mise en garde, probablement pris par l’ivresse des maquettes et des cocktails de présentation. Se poser la question du rapport entre les politiques et les techniciens censés les conseiller et non juste confirmer leurs biais et leur fournir des éléments de langage. Et bien sûr la question de l’efficacité de la Société d’Equipement de Touraine (SET), aménageur du Haut de la Rue Nationale, qui accumule par ailleurs les échecs, les mises au point mort et les volte-face. Est-ce une société d’économie mixte au service de l’intérêt public ou est-ce un cabinet de consulting en communication et relations presse pour élus en mal de notoriété qui veulent leur nom dans un article de la NR vantant des rooftops qui ne verront probablement jamais le jour ?
 
L’enjeu est grand, nombre de projets sont concernés en ce moment même : ZAC des Casernes, Ilot Vinci, le Menneton, friche Michelin à Joué et…la poursuite du programme Haut de Rue Nationale. Hors de Tours et de l’influence de la SET, la question se pose également de manière aigue à Reugny avec un projet d’incubateur deep-tech qui ne cesse de défrayer la chronique depuis 18 mois et qui semble bénéficier de cette même ivresse des élus – y compris écologistes -, qui mettent de côté la prudence, vertu pourtant cardinale dans l’exercice du pouvoir.
 
PS :
Ici, mon enquête de 2015 au sujet du programme Haut de la Rue Nationale, co-écrite avec un collègue fin connaisseur du dossier : https://josephinekalache.wordpress.com/…/haut-de-la…/
 
Et ici, au sujet de l’incubateur de Reugny et des réseaux à l’œuvre dans ces processus : https://josephinekalache.wordpress.com/…/lancien-monde…/
Photo de Une: Delphine Benedetti
 
 

   

Commentaires

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  1. Très bon article, ce fut un plaisir de vous lire,que de vérités actuelles sur l état de nos municipalités

  2. C était à prévoir ! Mais il faut s interroger sur l autorisation du permis de construire ?
    Pourquoi du béton à côté d une église Romane classée alors que l on ne peut rien faire ds la Tranchée à cause de celle en béton de la rue de la Pierre alors que M. Boucher a lui, eu le permis de construire un immeuble rue de la Pierre ??? Et n oublions pas Tours nord, rue du pas notre dame et rue D. Meyer et les immeubles àcôtéduChrist Roi oùils sont côte côte. Vraiment qq fois on pourrait copier sur le plan d urbanisation de st Cyr!

  3. Les élus ne sont absolument pas à la hauteur. Résultat, ils confient une mission qui les dépasse complètement, à des incapables ou des gars qui ont un interet quelconque à s’occuper du dossier. Quand on est un élu il faut avoir de l’ambition et surtout l’honnêteté de connaître ses limites. Si soi même on n’a pas d’idées, il faut avoir la sagesse de s’en remettre à des gens dont c’est le métier de s’occuper d’urbanisme.
    Les politiciens crèvent d’orgueil. Or l’orgueil mal placé est tout à fait néfaste au bien public. Quant à la SET, organe afeode à la mairie, elle a toujours parade sans aucun esprit de rentabilité, investie d’un pouvoir qui lui est confié sans regard avisé des élus. ….On voit le résultat !

  4. Deux commentaires :
    Je ne suis pas tourangeau depuis assez longtemps pour avoir vécu cette période et connaître ces dossiers mais pour avoir travaillé pendant des années, ailleurs, dans un environnement politico-urbanistique de même type je veux tempérer ces jugements sévères. Certes il y a des erreurs, des relations incestueuses entre ces univers, de l’hubris mais il y a aussi la volonté, parfois mal pensée, de développer, de créer de l’activité et de l’emploi. Les projets que j’ai vus de près ont été critiqués de la même façon, ils ont finalement abouti et produit les résultats annoncés. Cela prend du temps.
    Par ailleurs, je trouve que cet article est parcouru de façon subliminale d’un jugement contre le genre masculin, sur le mode “le pouvoir mal exercé est masculin, la preuve, changeons cela”. C’est un regard genré de plus en plus assumé et revendiqué par les femmes, c’est assez pénible.

  5. Les strates des collectivités sont gangrénées par des incompétences et des compromissions conduisant à toutes ces aberrations
    Les élus corrompus acceptent les petits pots de vin conduisant à des projets ridicules, sans envergure et ne s’intégrant nullement dans le milieu urbain
    Si la minéralisation est à contre-courant de la ville de demain, on ne voit sortir que ce type de projet ridicule et d’une rare ‘mocheté”.
    La ville et ces citoyens doivent reprendre la main sur le devenir de leurs centre ville et quartiers
    La décision d’urbanisation ne peut reposer que sur ces élus corrompus et les projets de développement urbain sur des métropoles nébuleuses.
    On doit commencer par faire place nette. Tout supprimer et reconstruire.
    Les modalités pour délivrer un permis de construire doivent être revus lorsque ceux-ci bouleversent le paysage urbain.
    La rue nationale a ete totalement dénaturée, ces hôtels et ces commerces deviennent ridicules et le végétal n’a plus sa place.
    Alors que si l’on veut faire face au réchauffement climatique nous devrions remplacer les chaussées , le béton par des revêtements permettant de faire baisser les températures, végétaliser les toitures et façades, on fait le contraire.
    Les incompétents aux commandes des métropoles, des villes et des syndicats construisent les tombeaux des générations futures.

  6. Malgré toutes les vérités écrite, ça ne va pas empêché Mr Bouchet maire pendant deux ans élu par ses copains et non par les tourangeaux de vouloir se représenter au prochaine élection municipale . Que veut-il bétonné dans son prochain mandat si il est élu ???!l

  7. Je corrobore vos commentaires .
    Ces politiques desservent complètement l urbanisme d une jolie ville et l enlaidissent avec un immobilier déplacé Totalement inapproprié à l environnement du quartier.
    Et bien sûr, le contribuable devra rembourser J espère que ces grosses bêtises serviront de garde fou aux futurs projets de la ville.
    C est lamentable.

  8. Ce serait bien, alors que l’on nous annonce de nouvelles mesures d’austérité, de faire un bilan chiffré de toutes ces opérations, en rappelant à qui ça a couté et à qui ça a profité.

  9. J’approuve totalement votre écrit, c’est un gachis, les politiques de l’époque étaient de vrais enfants ( je suis gentil), et, la SET, pour des personnes qui ont soit-disant fait les études d’Aménégement du Territoire, c’est incompréhensible ce comportement, pour satisfaire les élus. La SET n’a absolument pas joué son rôle d’aménageur, mais plutôt l’appât du gain pour les salaires, peu importe les commerces présents à l’époque, la SET était un vrai rouleau compresseur. Attention, tous les commerçants n’ont pas été considérés de la même manière avec la SET, voir la suite des constructions avec l’enjeu d’un commerçant ami de la municipalité de Mr Germain.
    Mes félicitations pour vos écrits.
    Pascal Grolleau

  10. Bravo Joséphine pour cet article au ton rafraîchissant qui fournit une analyse lucide des acteurs et des événements dont ils ont accouché. A Tours comme ailleurs, il est temps de ralentir et de réfléchir sur toutes les facettes de l’environnement.

  11. @Chaillot : ah ok, donc les faits objectifs tels que l’échec de ce programme et le fait que ce soient des hommes aux commandes de toutes les strates de la décision – élément d’ailleurs non mis en avant dans l’article et qui montre surtout un tropisme victimaire de votre part -, c’est à balayer d’un revers de main. Exactement le type d’aveuglement que je dénonce.

  12. Malheureusement ce n’est ici que le résultat de la médiocrité de nos politiques avides de pouvoir et qui brillent par leur incompétence. Quelle qualification pour celles et ceux qui prétendent avoir mandat pour décider au nom de tous ? l’abstention à chaque élection bat son plein devant l’inutilité du débat public. Les lobby, les investisseurs, le poids de l’argent et de l’influence prennent le dessus en dépit du bon sens. Quel espace pour la culture, le bien commun ? Tours et ses musées poussiéreux qui n’attirent que le 3ième age ou les touristes lors d’une halte qui très vite devant l’ennui fuient notre ville. Combien de projets d’espace de convivialité, de sortie, de partage ont été balayés d’un revers de main par un conservatisme d’un autre age ? Tours avec son maire écolo salarié d’un des groupes les plus polluants au monde est condamné a resté endormi et en dehors de son siècle

  13. Ceci est une politique générale…a tours ..bientôt le deuxième tram..mdr …et ça continuera…ceci ne viendrai pas d une politique qui vient de plus haut que nos élu maire. .en les incluant dedans évidement….cher français..vous voter pour eux .ils sont élus par vote ….bonne journée

  14. On se dit des être humains doté d’une intelligence avide de pouvoir d’orgueil et de sang je ne vois là aucune once d’ intelligence mais seulement une bande de barbares qui évoluent dans leurs médiocrité comme l’arnaque et octroyer par le gouvernement … On se demande à quoi ça sert de voter.

  15. Un grand BRAVO ! Il faut faire la même chose pour la seconde ligne de tram. Merci mille fois.

  16. d’accord, mais il faut signaler que l’actuelle municipalité qui certes a hérité d’un dossier “pourri” ne fait pas preuve d’imagination.
    L’épisode de la plantation des arbres mort-nés est grotesque Et les nouvelles plantations vont très faiblement déminéraliser le site.
    A quand l’implantation de brasseries conviviales pour remplacer celles qui ont été supprimées ?

  17. Je trouve tous vos messages très intéressants.
    Pourquoi avoir tout détruit cette bele partie de la rue nationale, avec les cafés d autrefois pour en faire un lieu sans âme.
    L argent toujours plus fort,malheureusement.
    Et les personnes de la mairie e disent du côté des ” vert”.

  18. Joséphine j’apprécie vraiment vos articles. Ces “coups de gueule” démontrent qu’il y a encore des amoureux de la ville qui savent pointer du doigt les aberrations qui émanent de cette société où le libéralisme spéculatif bling bling a depuis longtemps (toujours ?) pris le pas sur l’intelligence du vivre ensemble dans un environnement adapté à l’humain et non à la finance.
    Aux citoyennes et citoyens de faire bouger les choses et de les prendre en mains pour un vivre en commun dans un monde meilleur … sinon la corruption, la spéculation, l’autocratie, conduiront ce monde à son extinction.

  19. Il ne faut pas.oublier de citer l entourage proche de J Germain les urbanismes et géographes elues de ses équipes municipales qui ont oeuvrés à ce désastre…super article, merci.

  20. Merci Joséphine pour ce travail: l’article est excellent et très clairvoyant. Le désastre ici décrit (politico-urbanisto-ecolo-financier) pourrait malheureusement se décliner à toutes les échelles, de l’intime à l’international, avec le même résultat systématiquement: privatisation des bénéfices et socialisation des pertes. C’est rageant!

Les commentaires pour cet article sont clos.

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