Orléans : une expo et quatre regards féminins sur Assia Djebar

En ce mardi 12 mars, deux manifestations célébrant Assia Djebar dans la semaine étaient organisées par l’Asla (Association de solidarité Loiret Algérie). D’abord une exposition retraçant la vie de la femme de culture algérienne à la Maison des associations, puis une table ronde à l’auditorium Marcel Reggui de la médiathèque le soir.

La famille Imalhayène sur la tour Eiffel. Photo Studio Eiffel



Par Bernard Cassat

L’exposition « De Cherchell à l’Académie française, Assia Djebar, intellectuelle et écrivaine algérienne », conçue par l’association Coup de Soleil Auvergne / Rhône-Alpes, retrace le parcours de cette femme exceptionnelle par des panneaux chronologiques et des photos. On y suit sa progression de son enfance à l’Académie française. L’expo reste en place jusqu’au samedi 16 mars.

A la médiathèque le soir, quatre femmes connaissant parfaitement le personnage et son œuvre ont expliqué leurs liens intellectuels et affectifs avec Assia Djebar. Asma Azzouz-Gaudin, présidente de l’association Coup de soleil Auvergne/Alpes, a dressé un cadre pour aborder l’œuvre d’Assia. Le problème de la langue, bien sûr, puisque la famille Imalhayène parlait français à la maison (Sakina, la sœur d’Assia, a précisé pourquoi). Langue du colonisateur, dans ce pays où les appartenances berbères, arabes et françaises étaient primordiales. Sa relation à l’Histoire ensuite. Elle a raconté sa découverte des enfumades de la période de conquête de l’Algérie, dont le seul document retrouvé est écrit en français par Saint-Arnaud, l’auteur de ces atrocités. De l’eau au moulin de l’importance de cette langue pour le peuple algérien. Et puis la force en elle des voix de toutes ces femmes qui l’ont précédée et qui n’ont eu que la parole pour exister. Et bien sûr sa condition de femme dans une société très masculine.

Un panneau de l’exposition. Photo BC


Mireille Calle-Gruber, prof de littérature à la Sorbonne, a ensuite lu un texte spécialement écrit, mots poétiques et envoûtants pour approcher l’esprit de l’écrivaine qu’elle a connue et dont elle a beaucoup analysé les textes.

Maïssa Bey, écrivaine, éditrice et enseignante, a ensuite raconté sa rencontre très précoce avec les livres d’Assia. Par une image matérielle, celle du seuil des maisons algéroises, ce petit couloir coudé qui empêche même le regard de pénétrer dans la cour de la maison, elle a mis en exergue ce franchissement premier qu’Assia a opéré. Pour aller symboliquement (Maïssa le raconte dans son livre) danser sur la place au soleil, comme le chante Brel. Voix féminine sortie de la maison, couchée sur la page dans la sensualité de la langue, dévoilée, exposée au monde pour prendre une réelle existence.

Sakina Imalhayène devant un panneau de l’exposition. Photo BC.


Sakina Imalhayène a ensuite, pour rendre hommage à sa sœur, rendu hommage à leur père, puisque c’est grâce à son ouverture d’esprit que les deux sœurs sont sorties du commun. Père non scolarisé jusqu’à 9 ans, puis pris en main par un hussard de la République fraichement arrivé à Cherchell. Il l’a poussé jusqu’à l’Ecole normale pour devenir instituteur lui-même. Et son esprit ouvert (avec des limites tout de même, qui parfois faisaient enrager Assia) a poussé ses filles à faire des études. Où elles ont brillé toutes deux, Sakina devenant médecin, suivant la volonté de son père.

Une discussion s’est ensuite installée sur les noms de plume. Assia n’a jamais signé de son vrai nom pour protéger sa famille au moment de la guerre d’Algérie. Maïssa a expliqué que pour elle, puisque ce n’est pas son vrai nom, son premier écrit a été publié dans les années noires, les années 90. Signer un texte en français à cette époque pouvait transformer la page de garde en pierre tombale !

Le féminisme d’une femme libre

Ces quatre femmes ont dressé un beau portrait de l’académicienne, rappelant chacune à sa manière le profond féminisme de cette vie libre, consacrée à écrire un récit construit et cohérent d’une parole jusqu’alors tue, à laisser graver sur le papier ces voix féminines qui l’habitaient depuis toujours et qui au fond la constituaient. L’Histoire qui l’a tant intéressée, l’histoire de paroles qu’elle a réussies à transmettre, l’histoire du corps de ces femmes qui toutes leurs vies le cachaient sous des voiles.

 

Assia Djebar et le cinéma féministe algérien présentés par Ahmed Bedjaoui

Photo de tournage du film La nouba, d’Assia Djebar (centre à droite)

Jeudi 14, à 18h30 au Frac, Ahmed Bedjaoui donnera une conférence sur « Assia Djebar, pionnière du cinéma féministe algérien ». Et vendredi 15 mars, à 18h30 au cinéma Les Carmes, il présentera le film Le puits de Lofti Bouchouchi, réalisé en 2016.

Universitaire, auteur, producteur et critique de cinéma, Ahmed Bedjaoui, est une figure majeure du cinéma algérien.

Rencontre avec Maïssa Bey

Maïssa Bey. Photo Berbere Television.

La semaine se terminera par une rencontre avec Maïssa Bey à la librairie Les temps modernes, samedi à 16h30.

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