Orléans : deux parties contrastées pour une grande soirée de jazz

Le 14 mars à la scène nationale d’Orléans, une soirée jazz regroupait l’Adèle Viret Quartet en première partie, puis Harold López-Nussa. Tous deux d’une très grande qualité, les jeunes du début sont plutôt dans une musique construite et contrôlée. Les Cubains par contre explosent de tous côtés, titillés par la présence d’un harmoniciste extraordinaire. Deux facettes de cette vaste rubrique nommée jazz pour une soirée mémorable.

Adèle Viret Quartet. Photo Michel Piedallu



Par Bernard Cassat, p
hotos Michel Piedallu


Une très belle variation sur son violoncelle a permis à Adèle Viret de lancer son set et d’installer l’esprit chambriste de son quartet. On est loin d’un jazz tonitruant, mais plutôt dans cette veine contemporaine d’une musique élaborée, savante, qui pourtant intègre quelques principes fondamentaux du jazz, le rythme, la liberté, l’improvisation. C’est elle la compositrice du groupe, tirant son inspiration de l’eau, de la mer (et pas seulement du Nord), regardant souvent vers les folklores divers qu’elle a parfaitement intégrés. Grande mélodiste, Adèle propose à ses trois amis musiciens, tous d’un très haut niveau, des thèmes forts. Pierre Hurty, à la batterie, précis, maniant grande présence et discrétion, assure une belle ligne de rythme tout à fait adaptée à cette formation sans basse. Le pianiste Wajdi Riahi, remarquable quand il se lance dans un développement libre, fait monter la tension pour nous emmener au cœur de la communication musicale, cette chaleur partagée du plaisir. Oscar Viret à la trompette, un peu trop discret peut-être, a lui aussi de magnifiques moments qui ne ressemblent à aucun autre, preuve d’une belle inventivité. Et Adèle, souvent à l’archet avec des sons venus de la musique classique, modulés, contenus, évocateurs, n’hésite pas à pincer ses cordes pour passer du côté du rythme, de l’énergie.

Quatre musiciens magnifiques de haute technicité et de belle inspiration ! Tous très jeunes, ils ont sans doute besoin de patiner un peu leur musique pour être encore plus libres.

 

Les Cubains et leur invité suisse. Photo Michel Piedallu


Et puis Harold López-Nussa et son trio sont entrés sur scène, accompagnés en guest star de Grégoire Maret. Le trio, c’est Harold aux claviers, son frère Ruy Adrian à la batterie, qui tous deux viennent de Cuba, mais vivent en France depuis quelques années. Ils ont en eux cette folie musicale de leur île, cette aisance dans les rythmes complexes, cette joie qui jaillit dès qu’ils touchent leur instrument. Toujours à la limite de l’incandescence, ils se réfrènent parfois pour des airs plus chaloupés, pleins de nostalgie et de langueur tropicale souvent interrompue par une plaisanterie, quelques notes enfantines qui tirent la langue au côté sombre de la vie. Batterie impeccablement luxuriante, précise, riche en roulements comme en piques soudaines. Piano débordant de notes lancées d’une main sûre, suivies par une course folle, rattrapées dans un éclat de rire. Harold déborde d’énergie communicative. Que le troisième du trio Thibaud Soulas, le contrebassiste, sait saisir avec brio, se lançant dans des accompagnements puissants ou des développements complexes, magistraux, profondes discussions avec son instrument dont il tire des sonorités profondes allant droit aux tripes.

Un harmoniciste époustouflant

Et puis Grégoire Maret. Harmoniciste incroyablement inventif, il se glisse doucement dans cette musique assez explosive, installe calmement son petit, tout petit instrument au milieu du trio et entre dans le jeu, commence à discuter avec le piano, avec la batterie, s’empare du thème pour l’amener sur son terrain tout en restant avec les autres. Et finalement nous captiver totalement dans des moments exceptionnels, comme ce dialogue improbable au début avec la batterie. Ils se sont accordés tous les deux, Grégoire excitant Ruy Adrian, le poussant dans ses retranchements, pour un moment de grâce exceptionnel. On ne peut vivre cela qu’en concert, c’est l’essence de la musique vivante, un échange sur scène de musiciens qui se connaissent bien, qui jouent entre eux, qui jouent avec l’autre, qui jouent ensemble.

Parce qu’ils sont très forts, ces quatre grands enfants… Une belle soirée dans une salle Touchard enthousiaste et conquise.

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