L’Olympisme, le meilleur et le pire au Cercil à Orléans

Le Cercil Musée Mémorial des enfants du Vel d’Hiv participe à sa façon aux JO avec sa nouvelle expo : Paris 1924-2024, les Jeux Olympiques, miroir de nos sociétés. Vingt-quatre panneaux qui rendent compte du meilleur mais aussi du pire de cette célébration internationale du sport.

Commissaires expo Cercil Jo

Hubert Strouk et Caroline François, deux commissaires de l’exposition “Les Jeux olympiques, miroir des sociétés” présentée au Cercil. Photo SD



Par Sophie Deschamps


On pourrait s’étonner, à première vue de voir une exposition sur les Jeux olympiques au Cercil, à Orléans. Elle est pourtant totalement légitime en ce lieu, ne serait-ce que par rapport aux JO nazis de 1936 à Berlin où les athlètes juifs sont exclus de la compétition. 

Les JO, miroir des sociétés

Ce sont ainsi 24 panneaux (évidemment !) que le public peut découvrir dans la cour de ce lieu de mémoire et qui interrogent un siècle d’Olympisme entre les deux JO de Paris, 1924 et 2024. D’emblée, Hubert Strouk, responsable du service pédagogique du Mémorial de la Shoah à Paris et l’un des commissaires de cette exposition précise que « l’idée c’est de s’intéresser à travers les Jeux à la manière dont le sport peut refléter l’évolution de la société, d’où ce titre. Bien sûr, d’un point de vue positif avec toutes les valeurs portées par le sport : l’émulation, l’entraide, la solidarité, la compétition saine. Mais aussi le côté négatif avec les discriminations, les phénomènes de rejet et d’exclusion. C’est donc cette ambivalence des valeurs sportives que l’on a voulu tout particulièrement interroger ici : sexisme, racisme, antisémitisme, les LGBT phobies sans oublier la question du handicap ».

Le cas particulier des JO de Berlin de 1936

L’exposition fait donc un focus sur les JO de Berlin en 1936. Ces Jeux ont servi à la glorification d’Hitler et du nazisme avec l’éviction des athlètes juifs. À une exception près toutefois : l’escrimeuse Hélène Mayer qui remporte une médaille d’argent. Une sorte de “caution” des nazis. Hubert Strouk explique « qu’elle était jeune et qu’elle dira ensuite n’avoir pas compris à l’époque ce qui se jouait alors ».

Ce sont aussi les premiers Jeux télévisés. Par ailleurs, ils remettent au goût du jour le parcours la flamme olympique, depuis la Grèce. Comme l’explique Hubert Strouk, « on observe ce goût des nazis pour l’Antiquité. La flamme olympique repart d’Olympia. Elle traverse toute une Europe autoritaire avant d’arriver à Berlin ».

Des JO qui vont créer la polémique et susciter des appels au boycott : « Mais malgré tout, souligne Hubert Strouk, tous les pays en juillet 1936 décident de se rendre à Berlin, reprenant la tradition d’une “neutralité” durant les Jeux. D’ailleurs le CIO (Comité International Olympique) va demander à l’Allemagne nazie de supprimer tous les symboles qui peuvent exprimer la répression du régime et l’antisémitisme mais sans réel succès ».

Mais l’Histoire est parfois facétieuse, car ces JO de Berlin voient le sacre d’un coureur noir américain Jesse Owens, qui repart avec 4 médailles d’or. Pour Hubert Strouk, « c‘est une façon de montrer à l’Allemagne nazie que cette idéologie d’une race supérieure ne fonctionne pas ».

Un panneau dédié à Jean Zay 

Par ailleurs, l’exposition orléanaise accueille un panneau dédié à Jean Zay, rédigé par Pierre Allorant. En effet, le ministre des Beaux-Arts (Culture) et de l’Éducation nationale du Front populaire a énormément fait pour le sport, en introduisant notamment l’éducation physique à l’école dès 1936.

Panneau Jean Zay et le sport expo JO Cercil

Panneau Jean Zay et le sport expo JO Cercil. photo SD


On peut ainsi y lire que Jean Zay oppose aux manifestations par lesquelles « les dictateurs font défiler les jeunes gens en les ornant d’emblèmes guerriers et en leur ouvrant le cœur à toutes les excitations de la haine » les “leçons de calme, de force réfléchie et de sang-froid” des éducateurs de l’école laïque, ajoutant : « Organisons les fêtes de la jeunesse, de telle sorte qu’en constituant la meilleure propagande pour la valeur de l’éducation républicaine, elles soient en même temps un exemple et une leçon pour toute la Nation ».

Par ailleurs Pierre Allorant rappelle qu’avec son ami député Pierre Mendès-France, Jean Zay soutient à l’été 36 les Olympiades populaires de Barcelone, ville écartée par le Comité olympique suite à la proclamation de la République espagnole. 

Des JO sous tension politique, de tous temps

Cette exposition montre aussi que les JO ont toujours eu une dimension politique. Et aujourd’hui plus que jamais à l’instar des athlètes russes et biélorusses qui vont participer cet été sous la bannière olympique donc de façon neutre aux JO de Paris.      

Bien sûr, la guerre froide a généré son lot de drames. Caroline François, autre commissaire de cette expo rappelle qu’au cours des Jeux de Melbourne en 1956, donc quelques jours seulement après l’invasion de Budapest par les Soviétiques, « le match de water-polo entre la Hongrie et l’URSS finit en bain de sang. D’ailleurs une partie des joueurs hongrois ont refusé de rentrer au pays et se sont exilés aux États-Unis ».

Sans oublier le conflit israélo-palestinien qui s’invite brutalement aux JO de Munich en 1972 puisque 11 athlètes israéliens sont pris en otage par un commando palestinien. Ils seront tous exécutés avec un bilan très lourd de 17 morts. Ces JO se poursuivront néanmoins après une suspension de 24 heures. Une décision du CIO qui sera vivement critiquée. 

Expositions sur le même thème à Paris, Drancy et Pithiviers 

Cet évènement s’inscrit dans le cadre plus large de tous les lieux de mémoire du Mémorial de la Shoah de Paris dont le Cercil fait partie.

Ainsi le Mémorial parisien met l’accent sur les JO de Berlin (1936), de Mexico (1968) et de Munich (1972) avec également des portraits d’athlètes montrant la diversité des corps et des cultures. Mais aussi la présentation d’objets emblématiques comme le maillot de Jesse Owens.   

De son côté le Mémorial de la Shoah de Drancy met l’accent sur les JO de 36 à Berlin et surtout sur les athlètes juifs internés à Drancy durant la Seconde Guerre mondiale. 

Enfin le musée lieu de mémoire de la Shoah de Pithiviers (inauguré en juillet 2022) participe à cet évènement avec sa propre exposition du 10 avril au 3 novembre 2024.

Infos pratiques :

Paris 1924-2024, Les Jeux Olympiques, miroir des sociétés au Cercil, Musée Mémorial des enfants du Vel d’Hiv

45, rue du Bourdon Blanc, Orléans 

Jusqu’au 3 novembre 2024

Tarif plein 4 euros, réduit 2 euros. Gratuit pour les moins de 18 ans.

Ouvert du lundi au vendredi de 10h à 12h30 et de 14h à 17h

Mardi nocturne jusqu’à 20h

Dimanche de 14h à 18h

Pour aller plus loin : Magcentre s’associe aux cérémonies du 80e anniversaire de l’assassinat de Jean Zay

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