Orléans : deux Giselle pour un ballet fictif

La Scène nationale d’Orléans présentait mardi soir Giselle… un étonnant retour sur le ballet romantique de Théophile Gautier et Adolphe Adam. Samantha van Wissen nous racontait les deux actes, les danses originales, la mise en scène, elle mimait les personnages, faisait vivre sous nos yeux ce drame amoureux en occupant la scène vide.

Le dispositif simplissime du spectacle. Photo Dorothée Thébert Filliger



Par Bernard Cassat


Comme pour une conférence, il n’y a pas de début. Samantha van Wissen est déjà sur scène, et les quatre musiciennes au fond sont là depuis longtemps à accorder leurs instruments. Conférencière ou professeur, celle qui parle présente les deux spectacles, la Giselle, écrite par Théophile Gautier et mise en musique par Adolphe Adam, le ballet romantique original joué pour la première fois en 1841. Et la Giselle…, le spectacle que l’on est en train de regarder. Disons que le deuxième raconte le premier. La conférencière-actrice (on est tout de même dans un théâtre) remonte aux sources, la danse classique, l’invention du ballet, le romantisme. Elle schématise, heureusement ! Et se moque au passage de Wikipédia, alors qu’elle est en plein dedans.

La force des pantomimes

Mais en plus, elle bouge, elle a recours à des gestes de danseuse. Des attitudes simples, immédiatement compréhensibles et qui reviennent, des pantomimes, comme elle l’explique. Cette mise en croquis corporels, des petites poses rapides qui illustrent son discours, est très plaisante.

Et puis elle entre dans la description du ballet lui-même, du décor, de l’actrice pour qui a été créé ce ballet, Carlotta Grisi, dont Théophile Gautier était amoureux fou. Elle fait allusion aussi aux diverses représentations marquantes qui ont eu lieu depuis plus de 150 ans.

Samantha van Wissen. Photo Dorothée Thébert Filliger


Samantha raconte tous les personnages, virevolte en précisant où ils sont sur la scène, précise des détails de 1841, les costumes, les musiques. Elle laisse la parole aux quatre musiciennes qui jouent magnifiquement des passages de la partition d’Adolphe Adam aménagée par Luca Antignani. En continuant elle-même ses pantomimes, de plus en plus dansées, Samantha décrit parfois les pas des danseurs-euses de la pièce, arabesque, virevolte, pas chassé… On la suit dans le développement de l’histoire, même si le deuxième acte de la pièce originale paraît long, très long. On a du mal à voir les Wilis, ces nymphes slaves qui arrivent sur scène par vagues, ou à suivre les péripéties d’Albrecht pour retrouver Giselle déjà morte et pourtant présente. Cette idée romantique à souhait du mélange de l’amour et de la mort qui fait la force de Giselle a du mal à passer dans Giselle…

Une actrice-danseuse exceptionnelle

Samantha, actrice-narratrice-danseuse, remplit la scène à elle toute seule dans une prestation très exigeante. Elle manie le récit, les sautes d’humeur, les énervements en hollandais, les piques humoristiques ou historiques, les digressions tout en continuant ses pantomimes, parfois développées en danse très moderne. Ces moments de danse véritable et non plus racontée sont de plus en plus présents, heureusement. Parce qu’ils auraient pu être l’objet du spectacle s’ils avaient été plus développés.

Samantha van Wissen. Photo Dorothée Thébert Filliger


Plusieurs fois, Samantha nous dit que bien sûr, on ne voit rien, puisqu’il n’y a rien à voir sur scène. C’est la gageure de cette entreprise pensée et écrite par François Gremaud. Avec pour thème quelque chose autour de la suspension, comme les trois points rajoutés au titre original. Et l’effacement. Et surtout sa fascination du pouvoir des acteurs-rices, leur capacité à rendre présentes dans une salle des émotions totalement abstraites. Qui, comme l’interprète, s’effacent lorsque les lumières s’éteignent.

Voir ce qui n’est pas sur scène

Et effectivement, on a passé deux heures à vivre Giselle sans la voir, comme dans un tour de magie exécuté magistralement par une remarquable interprète. Narratrice, actrice, danseuse, elle est tout cela. Dommage qu’elle ne danse pas plus. Les moments où elle se lance montrent combien elle a à dire aussi dans cet art qu’elle a pratiqué au plus haut niveau. Car là, au moins, il y avait quelque chose à voir sur scène.

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