Ils dynamisent la musique #15 : Jérôme Damien

Il est l’ami de bon nombre, un artiste ouvert à toutes les musiques, d’une humilité qui s’accompagne d’une virtuosité qui est un vrai bonheur. Au Conservatoire d’Orléans, Jérôme Damien est accompagnateur. C’est-à-dire qu’il joue avec tous les instrumentistes de l’établissement quels que soient leur niveau et leur discipline (cordes, bois ou cuivre). Ils sont plusieurs centaines, lorsqu’ils ont des sonates et des concertos à préparer, à recourir à ses services et à sa joie d’être là. Humain, souriant, avec une humble virtuosité comme un enthousiasme qui toujours le précèdent, Jérôme Damien tient ainsi un rôle essentiel de pédagogue pour donner des conseils aux élèves, les aider à approcher l’œuvre, cinquante pour cent du temps en présence du professeur de l’élève. Jérôme : « Pour le concours, j’ai un rôle d’apaisement puisque nous nous connaissons avec l’interprète ; je peux ainsi parfois atténuer son trac ; il m’est même arrivé d’utiliser des tours de prestidigitation pour détendre un musicien tétanisé avant l’épreuve ». Par ailleurs, le poste qu’occupe Jérôme Damien est essentiel et central, car sa fonction crée un lien entre les classes et par conséquent un trait d’union dans toute la vie du conservatoire. À présent, Jérôme Damien, tant il a de projets et d’engagements, a désiré travailler à mi-temps et partage son poste avec Jérémy Quelin.

Mais Jérôme Damien, qui participe aussi à Schoralia, manifestation dédiée à la mise en valeur des chorales des collèges, est aussi un pilier de la Fabrique Opéra Val de Loire, cette si belle aventure dont Clément Joubert est le directeur artistique. Jérôme Damien, qui participe à cette manifestation dès les représentations de Carmen, en 2015 : « Clément Joubert cherchait alors un chef de chant, nous nous connaissions depuis nos études et j’aime immensément travailler avec lui. Être chef de chant c’est la même chose que ce que je fais au conservatoire mais cette fois, avec des musiciens professionnels et des chanteurs ».

En vérité, ici, trois missions lui incombent pour La Fabrique. La première est celle d’accompagner l’audition des solistes, tous les ans, début septembre. « Nous écoutons près de deux cents candidats en cinq jours. Chacun a un air imposé par rôle par la production. En moyenne, il me faut accompagner huit rôles. Je n’éprouve jamais de lassitude car les œuvres sont très variées. Et puis si j’éprouvais de l’ennui, j’aurais depuis bien longtemps arrêté ce métier, car j’aime tellement la musique. La production demande, de plus, un air au choix et, très souvent, je dois parfois déchiffrer la partition. Finalement, dans mon travail d’accompagnateur, la qualité la plus importante est celle de la lecture à vue. Le chœur est une entité à multiples facettes. Au fur et à mesure des rencontres, je le sens progresser. Il y a de l’émotion qui naît et certaines pages de Verdi me font pleurer. Toutefois je suis plus sensible à Puccini dans La Tosca, une musique qui est plus proche de ma sensibilité musicale. »

La troisième mission consiste à travailler avec les solistes et les metteurs en scène pour que tout se mette en place sur le plateau. Jérôme Damien : « Le travail est alors fractionné au possible et j’y ai alors un rôle de jukebox. Arrive ensuite le travail avec Clément et les solistes pour mettre en place les tempi ». N’est-il pas douloureux de s’effacer lors des spectacles devant l’orchestre L’Inattendu que dirige Clément Joubert et le Chœur Opéra de la musique de Léonie dont Corinne Barrère est le chef de chœur ? Certainement pas, d’autant que Jérôme Damien a ainsi tenu la partition de Glockenspiel et celle des éclairs dans La Flûte enchantée, de Mozart. Ainsi que la partition de piano dans West Side Story, une œuvre qu’il aime depuis sa plus tendre enfance : « Je pense que l’on ne pouvait que pouvoir voir mon large sourire du début à la fin du spectacle ». Et puis, dans la Tosca, de Puccini, Jérôme a aussi tenu, talent et passion faisant, la partition des boules de canon et celle de l’orgue dans la scène de l’église !

Très prochainement, les 25 et 26 mai, Jérôme Damien interprétera au Théâtre d’Orléans le Concerto pour deux pianos de Francis Poulenc avec Lucie Chouvel, professeur d’accompagnement au conservatoire d’Orléans, personnalité avec laquelle il est le pianiste en titre de l’Orchestre symphonique d’Orléans : « Nous nous connaissons très bien et sommes ravis de nous retrouver. Comme dans tout travail de musique de chambre nous parlementons pour aller dans telle ou telle direction ». À noter que dans ce concert placé sous la direction de Marius Stieghorst, ces deux artistes seront aussi les deux solistes du Carnaval des animaux, Saint-Saëns. Puis rendez-vous avec le clarinettiste Olivier Petit le 26 juin à la librairie Jaune Citron d’Orléans dans le cadre du Grand PianO Festival.

 

Jérôme Damien et l’orchestre : « La rencontre avec la direction de Marius Stieghorst a lieu trois jours avant le concert, celui d’un orchestre où mon épouse est violoniste et mes deux belles-sœurs, l’une altiste et l’autre violoncelliste ». Et Jérôme Damien de poursuivre : « Ce concert, je l’attends avec impatience car c’est une expérience incroyable de jouer en soliste. Cela m’est arrivé une demi-douzaine de fois ; j’avais du reste déjà donné le concerto pour deux pianos, dans les années 90 avec Julien Leclaire et l’orchestre Opus Campus ; en soliste j’ai aussi pu jouer le Concerto pour piano de Grieg avec l’Orchestre du Chapitre sous la direction de Gildas Harnois ; et le Concerto en fa, de Gershwin avec l’Orchestre des jeunes du centre qui s’appelait alors Orchestre Inter Loire sous la direction de Jean-Marc Cochereau. Jouer sous la direction de Jean-Marc était purement incroyable ».

Jérôme Damien : « La musique actuelle ? J’entends par là le rock, la pop, la fusion. Dans ma formation de musicien, avant d’être en cours supérieur au conservatoire d’Orléans puis durant deux ans à la Guildhall School, à Londres, j’avais suivi pendant trois ans des cours à l’Académie de Jazz d’Orléans de Jean-Pierre Chalet. Cela m’a beaucoup servi dans mon travail d’accompagnateur afin de savoir retomber sur mes pieds et d’improviser. Oui, cela m’a donné un rapport plus souple à l’harmonie. »

 

En 2015 Jérôme Damien rencontre aussi Michel Rouget et Olivier Ajasse et l’équipe du Club 15, alors lieu culturel situé rue de la Bretonnerie, à Orléans. Dès lors nait l’idée d’un karaoké avec de vrais musiciens. C’est le succès. Sébastien Janjou est à la guitare, Philippe Capelle à la batterie, David Hazak à la basse, Jérôme aux claviers. Le concept « Ça part en live » est alors capable d’aligner soixante morceaux dès la première soirée. Aujourd’hui, le concept est conservé, sans rendez-vous régulier si ce n’était au feu Croque Bedaine qui avait succédé au Saint-Patrick dans le haut de la rue de Bourgogne ou au Festival de Loire en 2023. Aujourd’hui, « Ça part en live » est riche de plus de 300 chansons et se produit à Avignon, au festival Off devant 900 personnes.

En vérité, avec Jérôme Damien, les projets ne manquent pas : « Replay it live » est un quiz blind-test en duo avec Gregory Barhon qui a déjà été présenté au Robs de Châteauneuf-sur-Loire et au Trois Brasseurs à Saran. Autre création est « Artamuse », née après le confinement et qui offre des reprises rock pop avec sept musiciens pour évoluer lors de manifestations événementielles. « C’est éprouvant mais tellement réjouissant de faire danser les gens », nous dit Jérôme Damien.

 

Trois autres projets tribute sont aussi à l’affiche : un Tribute Band Beatles (Beatle getting pepper) né en 2017), un tribute Land Of Genesis où Jérôme Damien est au synthétiseur, et un autre, « Six pence Queen », actuellement en working progress. Autre projet est « Capelle » pour synthétiseur, batterie, guitare basse, un programme très inspiré de Gainsbourg et de Bowie. Enfin, depuis toujours, Jérôme est un grand joueur de vidéo et aime à faire des reprises de musiques de ces jeux. Ainsi est né le concert « Hadoken », pour deux claviers, un batteur et un bassiste.

Jérôme Damien : « En 2000, j’ai un ami dont les grands-parents sont de célèbres magiciens, à savoir Myr et Myrosca. Il me fait alors disparaître une carte sous mes yeux. Cela m’impressionne tant que pendant deux ans je fais six heures de magie par jour. Puis je deviens plus raisonnable et reviens à la musique. À l’époque je faisais toutefois des close up, puis je me rends compte qu’un collègue du conservatoire, Daniel Bru, professeur de saxophone, fait lui aussi de la magie. Au bout de dix ans, le responsable de la culture de la ville d’Ormes, dans le Loiret, nous propose une résidence de création d’un an pour un spectacle que nous intitulerons « La Répétition » et qui naîtra ainsi en 2012 ».