Municipales 2026 à Tours : tentative de cartographie des droites locales

Attention, aujourd’hui, médamessieurs, Magcentre se lance dans un exercice périlleux. Il s’agira d’essayer de comprendre la structuration des droites tourangelles à quelques mois des élections municipales. Et il faudra s’accrocher, médamessieurs, car l’explication promet d’être ardue, semée de sueur, de larmes et peut-être de sang.

À droite, qui pour se lancer dans la course aux municipales à Tours en 2026 ? ©Wiki


Par Joséphine.


Cela étant dit, un élément d’optimisme cognitif demeure pour le lecteur : tout le foisonnant casting qui sera évoqué par la suite partage largement le même programme. Davantage de sécurité, davantage de places de parking, davantage de réductions d’impôts pour les propriétaires. Il ne sera donc question, comme souvent à droite, que d’ego, de communication et de tactiques. Que la force et l’alka-seltzer soient avec vous.

Parachuté numéro 1

Côté extrême-droite, les choses sont devenues simples depuis le récent parachutage à Tours d’Aleksandar Nikolic, serial-candidat lepéniste. À même pas 40 ans, cet ancien militant PCF passé au RN il y a une dizaine d’années présente un CV politique assez impressionnant. Candidat défait deux fois lors de municipales dans des villages des Yvelines et d’Eure-et-Loir, encore perdant lors de deux départementales dans des cantons différents, il échoue aussi aux régionales en Île-de-France en 2015 et lors des européennes en 2019. Il a également été battu une fois aux sénatoriales puis deux fois aux législatives en Eure-et-Loir. Aleksandar Nikolic finit par être élu conseiller régional d’opposition en Centre-Val-de-Loire en 2021 puis au Parlement européen en 2024. Politicien à plein temps, il a quand même trouvé le temps d’échouer dans ses tentatives professionnelles, dans le prêt-à-porter et dans la gestion d’un club de foot.

Fort d’un électorat potentiel de 14 000 personnes sur la commune de Tours si l’on s’appuie sur les résultats de Marine Le Pen en 2022, le RN a décidé d’arrêter d’envoyer aux urnes d’illustres inconnus afin de peser davantage, y compris dans cette ville réputée de gauche. De fait, l’expérimenté Nikolic pourra bénéficier à Tours de tout un écosystème très droitier, qui n’est pas sans rappeler celui d’Angers : bruyants notables zemmouristes, anciens LR passés au RN, groupuscules identitaires bourgeois, cathos tradis et aristocrates en mal de notoriété. L’objectif est simple : s’ancrer dans la ville et devenir le premier groupe d’opposition de droite.

Parachuté numéro 2

Un peu moins à droite, la surprise du chef. Il s’agit d’Henri Alfandari, cadre du parti Horizons et homme pressé parmi les pressés. Débarqué en politique en 2020, élu maire d’un petit village du sud-Touraine, Alfandari la joue modeste dans la presse de l’époque. Il se dit « ni de droite ni de gauche » et oublie de préciser qu’il est héritier de la colossale fortune familiale issue du business des cliniques privées sous la bannière Groupe Saint-Gatien, mastodonte français qui compte une vingtaine d’établissements.

Dès 2021, Alfandari est élu conseiller départemental et intègre Horizons, un parti pourtant « ni de gauche ni de gauche ». En 2022, il devient député de la circonscription de Loches et lâche donc au bout de deux ans son mandat de maire, dans le plus grand respect de ses électeurs. De nouveau candidat à la législative de l’été 2024, il se fait épingler au premier tour lors d’un meeting où il confie préférer voter RN que LFI…avant d’accepter volontiers quelques jours plus tard les voix Insoumises, alors que la candidate NFP-LFI s’était désistée.

On savait depuis des mois, en off, qu’Alfandari organisait des dîners en ville et qu’il rencontrait discrètement des collectifs de commerçants et de riverains mécontents afin de préparer sa candidature. Et bien c’est désormais officiel. Sauf qu’en cas de victoire, il devra abandonner son mandat de député. Ses administrés apprécieront.

Le mandat-passade

La manœuvre est d’ailleurs tellement grossière qu’Henri Alfandari s’est senti obligé d’écrire un courrier halluciné aux électeurs de sa circonscription. Il y affirme sans rire que c’est pour mieux défendre les ruraux de la toute puissance de Tours-la-rouge qu’il s’est résolu à se porter candidat à la mairie. Pour réconcilier ville et campagne, dit-il. Passablement estomaqués, certains élus du Lochois ont répondu il y a quelques jours dans la Nouvelle République, rappelant le piètre bilan de l’ambitieux député et le sentiment de trahison pour les administrés des territoires dits périphériques.

Mais qu’importe, Alfandari a une seule obsession en tête : devenir ministre de la santé d’une éventuelle présidence Édouard Philippe en 2027, et pour cela, il doit se constituer un fief qui en jette. Force est de constater que Loches manque un peu de standing… il lui faudra donc prendre Tours et offrir le scalp de LR-Touraine à Horizons afin de devenir un véritable poids lourd, d’autant plus que la nouvelle popularité de Bruno Retailleau et la campagne médiatique dont il bénéficie commencent à faire douter Philippe.

Côté appuis, il faut avouer que Alfandari a dû composer avec les restes. D’abord avec Benoist Pierre, déjà candidat déclaré à la municipale 2026 après avoir perdu celle de 2020 tout comme la législative 2024. Ancien PS passé un temps par le macronisme, voilà maintenant Benoist Pierre membre de Horizons et donc…contraint à la discipline de parti, discipline au léger arrière-goût d’humiliation, lui qui a dû céder sa place à un Alfandari avec lequel il entretient une relation disons…fraîchounette. On retrouve ensuite Mélanie Fortier, ancienne gloire locale du PRG à l’époque Jean Germain, un temps étoile montante régionale aux côtés de François Bonneau, la voilà de retour pour 2026 après avoir parié sur le mauvais cheval en 2020, Christophe Bouchet. On a enfin Thibault Coulon, ex-LR mais toujours aussi isolé et tricard à cause de son étiquette Manif’ Pour Tous, trépignant d’exprimer enfin pleinement son talent. Ancien membre de la liste Bouchet en 2020, il a fondé un groupe dissident d’opposition en conseil municipal avec Olivier Lebreton avant de lâcher ce dernier pour Alfandari. L’argument avancé ? Les candidats à droite étaient trop nombreux et incapables de mettre tout le monde d’accord, il était donc urgent de…faire rentrer le candidat Alfandari dans la danse.

La machine à faire campagne : Olivier Lebreton

Ancien adjoint à la sécurité sous Christophe Bouchet, candidat LR malheureux à la législative 2022 avec 12% des voix, vice-président au Conseil Départemental d’Indre-et-Loire, Olivier Lebreton a été l’un des premiers à caler ses mocassins à gland sur les starting-blocks, grillant la priorité à ses partenaires avec lesquels il prônait pourtant un processus unitaire.

Blagueur et souriant en campagne, un peu matamore en conseil municipal quand il ne plagie pas carrément des chroniques d’Europe 1, Olivier Lebreton pense que c’est son moment. Et il y œuvre consciencieusement depuis des mois. Il a ainsi quitté le groupe d’opposition de l’ancien maire Christophe Bouchet tout en prenant ses distances avec LR qu’il considère davantage comme un boulet, vu les scores nationaux de ces dernières années. Lebreton a donc logiquement séché les dernières législatives pour s’éviter un camouflet qui aurait compromis sa candidature pour la municipale, même si pas mal de camarades lui reprochent ce manque de loyauté et de courage.

Mais bon, Lebreton sait comment ça se passe en Touraine. L’important n’est pas le parti mais les barons qui le tiennent. Ainsi, une rumeur persistante donne Philippe Briand – le maire-magnat LR de Saint-Cyr-sur-Loire et grand faiseur locaux de rois – comme principal soutien d’Olivier Lebreton. Réaliste, Briand a compris qu’il faut barrer la route aux ambitions d’Alfandari et que Lebreton est le meilleur atout.

A ses côtés, Lebreton peut aussi compter sur quelques nouvelles figures mises en scène pour montrer un certain renouvellement et rompre avec les échecs du passé. Il s’est d’ailleurs choisi comme lieutenant Romain Brutinaud, jeune assistant parlementaire de la sénatrice-ministre Françoise Gâtel et patron de l’UDI 37, siégeant encore dans le groupe d’opposition municipal mené par Christophe Bouchet. Contrastant singulièrement avec ses camarades, Brutinaud est un des rares élus d’opposition de droite à Tours qui ne sombre pas dans la culture du buzz et l’outrance.

C’est donc dans cette dynamique stratégique de renouvellement qu’Olivier Lebreton sort ces jours-ci un livre, « Itinéraire d’un homme libre », histoire de prendre publiquement ses distances avec partis et groupes politiques tout en alimentant sa communication.

Les outsiders : Bouchet et les macronistes

L’ancien maire Christophe Bouchet, un radical de droite, est également bien entendu candidat. Homme de réseaux qui dispose de puissants relais médiatiques nationaux et qui se pense comme un grand du foot français – il a été président de l’OM et candidat pour prendre la tête de la Ligue de Football Professionnel –, Bouchet compte pourtant peu d’appuis à Tours. Sans légitimité véritable, affaibli par ses échecs électoraux à répétition, désigné maire au bénéfice de l’âge en 2017 lors d’une élection serrée au sein du Conseil municipal après le départ pour le sénat de Serge Babary dit l’ephé-maire (2014-2017), Christophe Bouchet n’a guère à ses côtés que son ancienne première adjointe, Marion Nicolay-Cabanne. Cette dernière, membre de LR, tente de maintenir localement le parti à flot, après avoir mouillé la chemise lors de la dernière législative malgré un contexte peu porteur.

Les macronistes, transparents à Tours et avec pour seul bilan une suite ininterrompue de défaites après 2017, ont désigné l’anecdotique Loïc Guilpain pour mener les négociations préalables à la municipale, sans véritable volonté de présenter une tête de liste. L’ancien socialiste devenu député macroniste en 2017, Philippe Chalumeau, semblait un temps intéressé par la Mairie, mais à part quelques dîners semi-discrets avec Alfandari, on ne le voit plus trop en ville.

A noter que Lebreton, Bouchet et les macronistes – mais pas Alfandari – ont acté depuis quelques semaines un processus unitaire avec désignation d’une seule et unique tête de liste, sans que l’on sache véritablement avec quelle méthodologie, même si le vote des militants des différentes formations semble exclu pour le moment. En tout cas, c’est Olivier Lebreton qui donne l’impression de tenir la corde.

Comme en 1995, 2001 et 2008, les droites tourangelles semblent parties pour une séquence de division, mais cette fois, avec un RN en pleine poussée. Et vu la droitisation généralisée en cours, les départs de notables vers le RN ou Zemmour et la séquence locale de la Nuit du Bien Commun, il est fort probable que la campagne à droite ressemble à une course à l’échalote sécuritaire, poujadiste et pro-bagnole. Miam.


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