Diversifiée, joyeuse et engagée, la programmation culturelle 2025-26 de la Scène nationale de Blois était présentée le 17 juin dernier. Dans la joie et l’optimisme malgré la réduction des budgets.
Pour Frédéric Maragnani, directeur de la HAG – Scène nationale de Blois, « le spectacle vivant est un espace généreux de partage, d’expériences en commun et de fête ». Crédit photo Jean-Luc Vezon.
Par Jean-Luc Vezon.
C’est un hémicycle rempli qui a accueilli Frédéric Maragnani directeur de la Halle aux grains – Scène nationale pour cette traditionnelle et attendue présentation de la saison. Rythmée par les facéties pailletées des Sea Girls, la soirée a permis de présenter de beaux extraits des 43 spectacles vivants qui seront présentés à Blois (HAG, théâtre Peskine… ) mais aussi chez les partenaires comme l’Hectare à Vendôme.
Au préalable, Frédéric Maragnani avait posé le cadre et chaleureusement remercié les collectivités publiques partenaires (Région, Département, Agglopolys, ville de Blois) et les différents mécènes(1) sans lesquels le spectacle vivant ne pourrait vivre.
« Sans ce soutien qui est remis en cause dans certaines régions voisines, le prix d’une place serait de 79,60 € », a informé le directeur en rappelant « que le privé est en embuscade avec du pain et des jeux… et des imaginaires dégradés sous les injonctions ruralesques et campingnesques ». Une allusion piquante à l’adresse de la politique culturelle de Rachida Dati, ministre de la Culture.
Avec ses Beaux débuts, la saison va débuter en fanfare dès le 12 septembre avec Dérapage, le spectacle à plumes des trois Sea Girls écrit par Pierre Guillois (Les Gros patinent bien). Suivront Le Tir sacré de Marine Colard et Jour de Fête, carrousel chorégraphique en plein air d’Arthur Perole (Cie Les Ateliers Sud Side).
Les amoureux des livres retrouveront avec plaisir Annie Huet pour sa rentrée littéraire les 18 et 19. Les dix titres choisis par cette « passeuse de textes » seront mis en musique. Les mélomanes de leur côté ont rendez-vous avec deux concerts en co-programmation avec les Musicales 41 du département de Loir-et-Cher : Non Sei Solo de l’ensemble Gli Incogniti visitera le répertoire de J-S Bach tandis que Renaud Garcia-Fons Quartet fera se rencontrer la musique ottomane et flamenco moderne avec La Luna de Seda.
Étonnante métaphore de la montée des fascismes, véritable uppercut poétique et géopolitique, Menace Chorale de Gabriel Sparti va montrer comment la manipulation des corps, affects et répertoires peut se mettre au service d’une idéologie surfant sur les désirs d’ordre et d’autorité de nos sociétés (le 10 mars).
De son côté, une Fin en partenariat avec le théâtre de poche européen et Bourges Capitale Européenne de la Culture 2028 permettra aux artistes de la troupe de théâtre de la Scène nationale et de la classe de 1ʳᵉ option théâtre du lycée blésois Dessaignes de donner vie au texte poignant de l’auteur québécois Sébastien David.
Le théâtre occupera une belle place avec le magistral « Rhinocéros » d’Eugène Ionesco le 4 décembre mis en scène par Bérangère Vantusso avec le théâtre Olympia du Centre Dramatique National de Tours, Les Bonnes de Jean Genet le lendemain revu par Mathieu Touzet mais aussi Le Misanthrope de Molière, avec Éric Elmosnino en Alceste, sur une mise en scène innovante de Georges Lavaudant qui sera donné le 13 novembre.
La nouvelle saison, c’est aussi la 5ᵉ édition de Générations Climat sur le thème du vivant, festival sur 10 jours avec des expositions, ateliers et spectacles comme Nos cœurs en terre de David Wahl, Olivier de Sagazan et Gaëlle Hausermann ou encore Alerte blaireau dégâts, un conte moderne pour un éveil citoyen.
La vie secrète des vieux de retour
Il est difficile de tout citer mais parmi les temps forts, on retiendra notamment la venue de Dominique A le 15 novembre pour un concert intimiste en partenariat avec le Chato’do, le cabaret électrorock de Sébastien Vion avec les artistes de la compagnie Le Skaï et l’osier qui revisiteront le ténébreux rocker Alain Bashung (Madame Ose Bashung) ; ou encore À mots doux, une comédie de Thomas Quillardet chantée autour de la figure rêvée de Mylène Farmer (30 janvier).
Notre coup de cœur sera pour La vie secrète des Vieux de Mohamed El Khatib, un spectacle beau et fragile qui dresse un tableau de nos amours à travers les âges, programmé le 5 mars dans le cadre des Premières fois #3. Une épidémie de grippe au printemps avait privé Blois de cette création intimiste de ce talentueux adepte de l’art documentaire.
Cette saison sera enfin celle de la curiosité libre avec la formule souple de l’adhésion à la saison permettant d’assister à autant de spectacles qu’on le souhaite avec un tarif avantageux dès le premier. Au total, 20 730 places sont en vente pour 93 représentations qui vont irriguer le Blésois mais aussi tout le département à l’image des 18 spectacles de La Familia, la scène itinérante pour l’enfance et la jeunesse.
(1) Annie Huet, Caisse des Dépôts, Biocoop, Novotel Blois, LDLC, V and B, ITF imprimeurs, le Bœuf gourmand, Guerra Habitat, CLP, BIMP, Groupe le Triangle, Culture Com’, St-Lub maître d’œuvre, Crédit mutuel, Dimitri coiffure, 3 Marchands.
Toute la programmation culturelle 2025-26 à retrouver sur : www.halleauxgrains.com/site
Le trio burlesque survolté Les Seas Girls est programmé les 12 et 13 septembre avec en plus un after show déjanté. Crédit photo Jean-Luc Vezon.
Un cri du cœur au milieu des bonnes consciences
Alors que le show battait son plein, le comédien orléanais Bastien Crinon (compagnie Aurachrome) est venu interpeller le public et les acteurs culturels présents sur les difficultés des intermittents du spectacle et les choix de programmations. « Nos productions ne sont pas diffusées localement dans des lieux comme celui-ci. On est censurés. Je dois subsister avec 625 € par mois et faire vivre trois enfants », a apostrophé le comédien visiblement à bout. Le metteur en scène de Des Poings dans le ventre, spectacle sur la prévention des violences et du harcèlement, Grand prix du festival de texte jeunesse de Montreuil 2017, va entamer une grève de la faim itinérante contre la précarité et les coupes budgétaires dans le monde culturel. Alors que la bienveillance est affichée au fronton de l’édifice, on aurait aimé un peu plus de compassion…
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